Le Mans reste Le Mans. Le duel tant attendu entre Porsche et Toyota a bien failli tourner à l’avantage d’un troisième larron puisqu’une LM P2 n’a jamais été aussi proche de remporter la course d’endurance la plus importante au monde. On va dire que l’honneur est sauf avec une 19e victoire pour Porsche. A l’issue des 367 tours de course (384 en 2016), Brendon Hartley, Earl Bamber et Timo Bernhard raflent cette 85e édition des 24 Heures du Mans qui restera dans les annales, ne serait-ce que pour la température caniculaire durant tout le meeting. Pourtant, après six heures de course avec une Porsche #2 reléguée dans les profondeurs du classement, on pensait bien (et nous les premiers) que cette Porsche était hors du coup pour la victoire. Comme en 2016, le scénario ne se referme qu’une fois le damier franchi. Hat trick pour Porsche avec 2015/2016/2017.
Les LM P1 ont été tellement malmenées que deux LM P2 montent sur le podium au général, à savoir l’ORECA 07/Jackie Chan DC Racing de Laurent/Tung/Jarvis et l’ORECA 07/Vaillante Rebellion de Piquet Jr/Heinemeier-Hansson/Beche. Les nouvelles LM P2 se sont montrées plus fiables que l’on pensait même si les malheurs des Porsche et Toyota ont bien aidé.
Avec trois Toyota TS050 HYBRID dominatrices contre deux Porsche 919 Hybrid moins en retrait qu’on l’imaginait, on pouvait penser que la tâche des Toyota serait facilitée. En 20 minutes, le camp japonais a perdu deux autos. C’est d’abord la #7 du poleman Kamui Kobayashi qui s’est arrêtée en bord de piste suite à un souci d’embrayage (fin de la 10e heure). Son pilote a tout tenté pour rentrer au ralenti, mais en vain. Quelques minutes plus tard, c’est la #9 de Nicolas Lapierre qui a connu un contact au bout de la ligne droite des stands avec une LM P2. Le Français a pu repartir à allure très réduite avec une auto salement amochée, mais là aussi, la TS050 HYBRID n’a pas pu rentrer. “Je ne peux pas le croire” a déclaré Nicolas Lapierre. “Une LM P2 m’a tapé à l’arrière au bout de la ligne droite des stands. J’ai coupé mon accélération normalement. Je pense qu’il a été surpris. Il m’a tapé à l’arrière et c’est tout.” Deux heures plus tôt, c’est la #8 de Buemi/Davidson/Nakajima qui a été ralentie par un problème sur le système hybride. Le trio a chuté dans les profondeurs du classement pour finalement remonter dans le top 10. Le drame de 2016 s’est répété, mais cette fois bien plus tôt qu’en juin 2016. Akio Toyoda repart du Mans avec comme seul résultat une 9e place pour la #8.
Porsche LMP Team n’avait plus qu’à dérouler mais là aussi Le Mans a réservé bien des sueurs froides à son staff. En début de soirée, la #2 de Bernhard/Bamber/Hartley a eu elle aussi un problème d’hybridation. En repartant 55e, le trio ne pouvait espérer que ramener quelques points dans l’objectif du championnat. Là aussi, rien ne s’est passé comme prévu avec la #2 qui n’a cessé de remonter pour finalement s’installer définitivement en tête à 13h54. A l’entame de la nuit, personne n’aurait parié un kopek sur une victoire de la #2. Tout a changé quand la Porsche #1 de Lotterer/Tandy/Jani a connu une défaillance (pression d’huile) en fin de matinée dans les Hunaudières. Alors au volant, André Lotterer a dû se résoudre à laisser sa monture sur place. Les LM P1 étant étouffées, c’est une LM P2 qui a récupéré les commandes de la course.
Jackie Chan DC Racing impérial…
Le Jackie Chan DC Racing a marqué de son empreinte cette édition 2017. L’équipe dirigée par Sam Hignett et managée par Rémy Brouard n’a pas commis la moindre faute et on est passé à deux doigts de voir une LM P2 sur la plus haute marche du podium. Oliver Jarvis a fait un sans faute, Thomas Laurent a juste été exceptionnel de bout en bout et Ho-Pin Tung a été impeccable. On attend maintenant les réactions des détracteurs qui pensaient que faire passer Thomas Laurent en LM P3 à même pas 18 ans était ridicule. On l’a dit et on le répète, le talent n’a pas d’âge et si un constructeur LM P1 pense à rejoindre l’aventure FIA WEC, il ferait bien de penser à l’enrôler. Quatrième de l’épreuve et 3e en LM P2, la seconde ORECA 07 du team partagée par Brundle/Cheng/Gommendy a elle aussi rempli sa mission et David Cheng a lui aussi fait taire les critiques en tenant son rang au sein d’un peloton de pilotes chevronné. Les deux ORECA 07/Jackie Chan DC Racing ont terminé sur le podium.
Que dire de Signatech Alpine Matmut qui tenait la 3e marche du podium grâce à Pierre Ragues, Angel Negrão et Nelson Panciatici ? L’équipe française a déroulé en piste malgré quelques petites alertes sans trop de conséquences. A 40 minutes du damier, Andre Negrão est allé se planter dans le bac à Mulsanne, donnant des sueurs froides au camp de Philippe Sinault et Didier Calmels. Le Brésilien s’est vu contraint de repasser dans la foulée par son stand, ce qui a laissé le champ libre à l’ORECA 07/Vaillante Rebellion de Piquet Jr/Heinemeier-Hansson/Beche. Le trio de la #13 pourtant failli tout perdre quand Piquet Jr a écopé d’une pénalité pour avoir occasionné un contact. Vaillante Rebellion a été battu par le Leader mais le podium doit ravir l’équipe de Bart Hayden.
On attendait une course compliquée pour les Ligier JS P217 qui ont finalement toutes rallié le damier, exception faite de celle du Panis-Barthez Compétition (boîte). La meilleure des Ligier a été celle du United Autosports de Albuquerque/Owen/De Sadeleer qui s’est classée 5e en LM P2. Neuvième place de catégorie pour Tockwith Motorsports et 11e pour IDEC Sport Racing, l’équipe française remportant le Prix ESCRA. Pour ses débuts au Mans, Cetilar Villorba Corse peut se satisfaire de sa 8e place avec sa Dallara P217. Course à oublier pour TDS Racing (sortie de piste) et G-Drive Racing #26 (accrochage).
Un final Corvette/Aston Martin de toute beauté en GTE-Pro…
Avec toutes les marques en lice pour la victoire durant toute la course, l’édition 2016 en GTE est oubliée. La Balance de Performance a nettement mieux fonctionné et l’ajustement (-8kg) à l’issue des qualifications pour la Porsche 911 RSR a permis au constructeur allemand de revenir dans le match dans des conditions météorologiques très chaudes. Porsche, Aston Martin, Corvette, Ferrari, Ford. Cinq marques portière contre portière avec des pilotes de talent derrière le volant. Le sprint a duré 24 heures. A 9 heures du matin, on comptait 27 changements de leader.
Le final a été de toute beauté entre la Corvette C7.R de Jordan Taylor et l’Aston Martin Vantage GTE de Jonny Adam. Un contact entre les deux GTE à Mulsanne dans les cinq dernières minutes a donné des sueurs froides aux deux camps mais le pilote Corvette a pu garder le leadership jusqu’à ce que Jordan Taylor ne passe dans le bac à la 2e chicane. Le dernier tour a été d’un suspens incroyable. Taylor a subi une grosse pression de l’Aston Martin d’Adam et le Britannique a pris l’avantage à l’entame du dernier tour. Jordan Taylor a connu dans la foulée une crevaison, ce qui a donné la 2e place à la Ford GT de Derani/Tincknell/Priaulx pour 3s face à une Corvette crevée à l’avant gauche.
Pour son retour officiel au Mans, Porsche n’a pas démérité avec son trio de choc composé de Richard Lietz, Fred Mako et Patrick Pilet. La #91 a bien occupé la tête en fonction des arrêts, mais un arrêt à l’entame du dernier quart d’heure (carburant + 2 pneus) alors que le podium était en vue
Cinq marques différentes dans le top 5 avec la 5e place de la Ferrari 488 GTE/AF Corse de Bird/Molina/Rigon.
JMW Motorsport fait parler la poudre en GTE-Am…
C’est en GTE-Am que la course a été la plus sage. La Ferrari 488 GTE/JMW Motorsport de Dries Vanthoor, Will Stevens et Robert Smith s’est vite détachée du lot pour rafler la mise dès la première course de l’équipe britannique avec la 488 GTE. Le jeune Dries Vanthoor était venu pour découvrir Le Mans, il repart avec la victoire. Cette édition 2017 a vite vu la domination des GTE italiennes avec trois 488 sur le podium. A la peine en début de course, Marco Cioci, Aaron Scott et Duncan Cameron n’ont cessé de remonter dans la hiérarchie. Le trio de la #55 alignée par Spirit of Race a devancé celle de la Scuderia Corsa partagée par Townsend Bell, Bill Sweedler et Cooper MacNeil. On trouve même quatre 488 GTE dans le top 5 avec la 5e place de la #61 du Clearwater Racing de Mok Weng Sun, Matt Griffin et Keita Sawa. Seule l’Aston Martin Vantage GTE/TF Sport de Rob Bell, Salih Yoluc et Euan Hankey apporte un peu de diversité en se classant 4e.
L’Aston Martin Vantage GTE de Paul Dalla Lana, Mathias Lauda et Pedro Lamy avait un bon coup à jouer mais la machine s’est enrayée durant la nuit et la #98 n’a pu faire mieux que 8e.
On compte 11 abandons, dont 8 sur accident.
Analyse à suivre…