Si 2020 a été l’année de tous les dangers avec des incertitudes à la pelle, on ne peut pas dire que tous les voyants soient encore au vert en 2021. Il faut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Les annonces LMDh/LMH se succèdent et ce n’est pas terminé. Cependant, la pandémie et l’économie chancelante donnent toujours quelques maux de tête. Avant de vivre une grande fête pour le centenaire des 24 Heures du Mans en 2023, il reste deux saisons à traverser. Doit-on dire pour autant que 2021 et 2022 n’ont pas d’intérêt ? Pas sûr… 2021 demeure une année très importante à bien des égards dans les deux catégories prototypes. Endurance-Info vous explique pourquoi.
Toyota vs Glickenhaus = David vs Goliath…
Deux constructeurs ont répondu à l’appel de cette saison 2021 dans la nouvelle catégorie Hypercar qui pour le moment ne comprend que des prototypes de la classe ‘Le Mans Hypercar’ (LMH). Il faut attendre 2023 pour voir l’arrivée des LMDh. En attendant, il va déjà falloir trouver le bon équilibre entre les deux constructeurs via la Balance de Performance. Tout le monde doit partir à armes égales en faisant confiance à des technologies différentes. Pas simple pour le législateur.
Entre une Toyota GR10 HYBRID quatre roues motrices équipée d’un moteur V6 bi-turbo 3,5 litres et d’un moteur électrique, et une Glickenhaus 007 LMH motorisée par un V8 bi-turbo 3,5 litres sans système hybride, il n’y a pas beaucoup de points communs. Vous me direz, on a connu cela du temps des LMP1 hybrides. Ces nouveaux prototypes doivent tourner environ 10s moins vite au tour au Mans. Par rapport à la TS050 HYBRID, la GR010 pèse 162 kg de plus pour 32% de puissance en moins, une longueur de 250 mm en plus, une largeur et une hauteur de 100 mm en plus. On est loin d’une simple Evo de la TS050 comme on l’a beaucoup lu. Vous noterez que 162 kg en plus sur la balance est énorme pour une voiture de course.
Pour que l’Américain et le Japonais puissent s’affronter dans la même cour, le législateur va jouer sur la consommation d’énergie et le poids sur chaque course. Cela n’enlèvera en rien le budget bien plus important d’un constructeur comme Toyota qui en plus peut compter sur près de 10 ans en LMP1. L’autre point à surveiller des deux marques sera la fiabilité. Si votre voiture de tous les jours a de grandes chances d’être fiable sous garantie, rien ne garantit la fiabilité des nouvelles autos.
A contrario, ce que l’on sait avant le début des hostilités, c’est que Glickenhaus Racing a déjà séduit des milliers d’internautes avec une cote de popularité incroyablement élevée. Le projet, l’ouverture d’esprit de Jim Glickenhaus et le choix des pilotes vont dans le sens de l’applaudimètre des passionnés de la discipline.
Alpine, le poil à gratter…
La présence d’Alpine avec un prototype qui n’est finalement qu’un châssis ORECA ex-Rebellion fait causer dans le Landerneau du sport auto. Il est écrit dans le règlement qu’une LMP1 non hybride a sa place, donc sur le sujet il n’y a rien à redire. Alors, oui on peut toujours dire que cette A480 n’a rien d’une Alpine. Au diable les détracteurs ! Est-ce que ce prototype répond à la réglementation en vigueur en 2021 ? La réponse est oui, alors le sujet est clos. L’Alpine A521 qui roule en F1 a quoi d’une Alpine ? Est-elle conçue à Dieppe ? La Renault R.S.20. jaune et noire de 2020 est devenue une Alpine A521 bleue quelques mois plus tard. Le châssis ORECA qui s’est appelé Rebellion R13 a été homologué tel qu’il a roulé ces dernières années. Il faudrait donc refaire une homologation pour changer un capot avant et donner au proto un look plus Alpine ? Pas simple quand on parle de réduction des coûts. Il est tout de même vrai que la déclaration du patron de la marque comme quoi “Alpine allait démontrer son savoir-faire technique” est exagérée.
Si Signatech n’était pas parvenu à monter ce programme, on aurait un proto de moins sur la grille de départ, comme nous n’aurions peut-être pas deux LMP2 pour G-Drive Racing si Aurus ne mettait pas la main à la poche. On a un châssis français assemblé à Signes, une équipe française basée à Bourges, des pneus français et deux pilotes français, sans oublier deux partenaires titres français. Alors, réjouissons-nous qu’un tel programme puisse être mis sur pied pour aller gagner la plus grande course d’endurance au monde. Alpine et Signatech ne trichent pas, il y a juste une possibilité réglementaire de faire un coup avec un châssis existant et peut-être séduire Alpine pour aller en LMDh. Si la maison mère est intelligente, elle fait rouler Alpine en WEC et Nissan en IMSA en LMDh avec la même auto comme Honda et Acura peuvent le faire en GTD. Du gagnant sur les deux tableaux.
Quelle est la prochaine étape ? Siffler Alpine en cas de succès au Mans ? On va donc revivre l’épisode François Hollande de 2015 qui s’était fait huer sur une compétition sportive alors que personne avant lui depuis Georges Pompidou en 1972 n’avait fait le déplacement sur le circuit ? Allons allons, soyons sérieux. Si Alpine devait gagner Le Mans, les médias généralistes en parleront et ce peu importe ce qu’il y a sous la peinture bleue. Cette même année 2015, on aurait pu s’émouvoir du fiasco Nissan avec des LMP1 hybrides sans système hybride et des pilotes repêchés qui ne pouvaient pas se qualifier à la régulière malgré tout leur talent. Là, on était clairement dans le n’importe quoi après tout le battage médiatique fait autour du projet.
Des LMP2 moins rapides…
En 2017, lors de l’arrivée de la nouvelle réglementation LMP2, on a vite compris que la catégorie avait franchi un nouveau palier bien loin des LMP675 de l’époque. En 2020, dix secondes séparaient les LMP1 des LMP2 en qualifications au Mans. Avec des Hypercars qui doivent perdre une dizaine de secondes par rapport aux LMP1, il a donc fallu ralentir les LMP2. Les moteurs Gibson ont perdu quelques chevaux (40) sans pour autant perdre plusieurs secondes au tour. Les pneumatiques vont donc jouer un rôle primordial cette année et on ne peut pas dire que les gommes Goodyear 2021 ont jusqu’à présent séduit les pilotes. Ce n’est pas que Goodyear ne sait pas faire de gommes, c’est juste qu’il ne faut pas que les pneus soient trop performants sous peine d’avoir des chronos trop proches des Hypercars. Attention car là on tend vers le nivellement par le bas. Est-ce que le prix des pneus sera divisé par deux vu qu’ils sont moins performants ? Quand on paie un iPhone dernière génération au prix fort, c’est pour qu’il soit plus performant.
En 2017, on nous a expliqué que les LMP2 allaient être le nouvel eldorado des gentlemen avec des protos plus rapides, plus faciles et plus sécuritaires. Maintenant, on nous dit qu’elles vont trop vite alors que la réglementation n’a pas changé. Comme tout sportif, les gentlemen ont progressé, ils se sont affutés. François Perrodo, gentleman plus qu’affuté, tournait en 3:34 au Mans en 2017. Cette année, les pilotes professionnels roulant en LMP2 vont tourner bien moins vite que ce 3:34 pour respecter un écart suffisant avec les LMH. On fera les comptes financiers en fin d’année pour savoir si le coût a été diminué autant que les performances.
Le succès du LMP2 ne se fait pas mentir et il reste deux ans d’homologation aux autos actuelles avant l’arrivée de la nouvelle génération qui servira de base aux LMDh. En attendant, ORECA a toujours la plus grosse part du gâteau avec une 07 qui n’a pas reçu la moindre modification technique depuis 2017 contrairement aux autres constructeurs. Là aussi, on entend régulièrement que le LMP2 s’apparente à une coupe ORECA. Excusez ORECA d’avoir la meilleure auto du plateau. Ce sont les équipes qui décident du châssis à faire rouler. Il est clair qu’on aimerait plus de diversité mais pour cela il va falloir attendre 2023.
Quand on voit la qualité des équipes et des équipages LMP2 inscrits cette année en WEC et en ELMS, il y a de quoi se réjouir. Il faudra se montrer pour espérer aller en LMDh. Cela est valable aussi bien pour les équipes que pour les pilotes.
La saison 2021 s’annonce palpitante, alors réjouissons-nous….