24H 1987, part 1 : Jaguar défie Porsche

Après la démonstration de 1986 avec sept voitures aux sept premières places et neuf dans le Top 10 (trois 962C, quatre 956, une 936 et une 961), Porsche remettait sa couronne en jeu , couronne qui était propriété du constructeur allemand depuis 1981 et la victoire de la Porsche 936 de Jaky Ickx/Derek Bell. Porsche avait également remporté les titres pilotes en 1986 avec Derek Bell et Hans Stuck et le titre équipes grâce au Brun Motorsport. Les 24 Heures 1987 constituaient la cinquième manche du Championnat du Monde des Sports-Prototypes.

Les Jaguar XJR8 avaient dominé le début du Championnat du Monde en remportant les quatre manches précédant les 24 Heures : victoires de Lammers/Watson à Jarama, de Cheever/Boesel à Jerez, de Lammers/Watson à nouveau à Monza et de Cheever/Boesel encore à Monza. Les Porsche 962C avaient certes été battues quatre fois, mais elles n’avaient pas été laminées et sur 24 Heures, cela risquait d’être une toute autre affaire…

Les engagés

63 voitures avaient fait acte de candidature mais la course n’avait pas fait le plein des engagés, puisque 50 voitures seulement (51 en fait, Mazda ayant amené une voiture de réserve) -toutes des prototypes- s’étaient présentées pour les Vérifications Techniques, réparties en trois catégories : C1, C2 et IMSA

La liste des engagés est ci-dessous (avec quelques inexactitudes…)

C1

La catégorie reine, le C1, était la mieux représentée avec 27 engagés. Le duel Jaguar-Porsche, la revanche de 1986, était au rendez-vous, chacun des deux constructeurs alignant trois voitures d’usine.

Porsche AG avait donc engagé trois 962C officielles / #17 pour Hans Stuck/Derek Bell/Al Holbert, #18 pour Bob Wollek/Jochen Mass et #19 pur Vern Schuppan/Kees Nierop. Ces trois 962C sont propulsées par un moteur 3 litres Turbo à refroidissement par eau, avec une puissance annoncée de 700 chevaux à 7000 tours/minute pour un poids avoisinant les 900 kg, la limite de la catégorie étant fixée à 850 kg.

Silk Cut Jaguar, sous la direction de Tom Walkinshaw, présentait trois XJR8 LM à moteur atmosphérique 6900 cm3 pour une puissance similaire à celle des Porsche : 700 chevaux à 7000 tours/minute, les XJR8 ayant elles aussi un poids près de 900 kg. Les Jaguar étaient chaussées en Dunlop comme les Porsche officielles.

Si Jaguar n’avait que ces trois unités, Porsche avait en revanche d’autres fers au feu, avec pas moins de neuf autres 962C engagées par des équipes privées : trois pour le Brun Motorsport, deux pour le Jöst Racing, deux pour le Porsche Kremer Racing, une pour l’Equipe Liqui Moly et une pour Primagaz Compétition , des équipes de grande valeur avec des pilotes talentueux comme Michel Trollé ou Oscar Larrauri chez Brun, Sarel Van der Merwe, Hurley Haywood ou David Hobbs chez Joest , Volker Weidler, Franz Konrad ou Wayne Taylor chez Kremer, Jonathan Palmer et James Weaver chez Liqui Moly, Jürgen Lassig chez Primagaz, et d’autres.

Porsche motorisait également la Cougar C20 engagée également sous la bannière de Primagaz Compétition et pilotée par Pierre-Henri Raphanel, Hervé Regout et Yves Courage, le constructeur de la voiture lui-même. La Cougar était équipée de pneumatiques Michelin tandis que la Porsche 962C également sous les couleurs de Primagaz Compétition était en Goodyear.

Face aux deux grands favoris, Porsche et Jaguar, l’opposition venait de Nissan, avec deux R87E officielles à moteur V8 3 litres turbo et une R86E de l’année précédente (V6 3litres) engagée par Italya Sports. Les modèles 87, une évolution de la R86E, étaient cependant plus lourds, trop peut-être…Les Nissan officielles avaient des équipages entièrement nippons, dont Aguri Suzuki et Masahiro Hasemi.

Le Toyota Team Tom’s alignait deux nouveaux modèles, des C87 avec un moteur 4 cylindres turbo de 2140 cm3, avec une puissance annoncée en hausse par rapport à 1986 , avec une belle brochette de pilotes dont le Champion du Monde F1 Alan Jones, Geoff Lees, Tiff Needell ou Masanori Sekiya.

Autres têtes de gondole en catégorie C1, les deux Kouros Mercedes C9, dotées d’un moteur 5 litres préparé par l’usine. Les deux équipages étaient solides, la #61 étant confiée à Henri Pescarolo, Mike Thackwell et Hideki Okada, la #62 à Johnny Dumfries, Mike Thackwell (inscrit donc sur les deux C9) et un certain…Chip Ganassi (l’emblématique patron du Chip Ganassi Racing, qui engage les Ford GT en 2017 au Mans, a fait une carrière de pilote, notamment en CART ou en IMSA Camel Lights, a disputé 5 fois les 500 Miles d’Indianapolis et a disputé les 24 Heures de Daytona, et donc les 24 Heures du Mans).

Outre une Sauber C8 engagée par Noël Del Bello, trois protos français complètent la catégorie C1. WM, sous l’égide de Secateva, a engagé une WM P86 et un nouveau modèle, la WM P87. L’équipe de Gérard Welter et Michel Meunier a largement dépassé -mais officieusement- les 400 km/h la semaine précédant le Pesage sur une autoroute en construction. Le Graff Racing a pour sa part engagé une Rondeau M482 motorisée par un Ford Cosworth DFL V8 3,3 litres.

C2

La diversité était de mise dans la ”petite”catégorie, avec 10 marques différentes : Ecosse, Sauber, Bardon, Spice, Chevron, Tiga, ALD, Alba, Royale (même si celle-ci est dérivée de l’Argo) et Argo justement.

Cette diversité se retrouvait dans le choix des motorisations, même si le Cosworth DFL 3,3litres était en force avec 9 unités (Ecosse, Bardon, Spice, Alba, Royale, Tiga). On trouvait quelques originalités, comme le moteur ROC équipant la Chevron B36 de José Thibaut, le Zakspeed 1,9l turbo de l’Argo JM19 du team Schanche, ou encore les moteurs de plusieurs Tiga : un Volvo 2,3l Turbo pour la GC287 #171 du CEE Sport Racing, un Rover V6 3,2l pour la GC297 #181 du Dune Motorsport, un Porsche 2,6 Turbo type 935 pour la GC287 #123 du Charles Ivey Racing, un Cosworth DBT 2,3 l Turbo pour la GC287 #114 du Tiga Ford DK.

Diversité également pour Spice, avec un Hart 1,4l Turbo pour la SE86C #117 du Chamberlain Enginneering et un Cosworth DFL 3,3l pour la SE86C #111 de Spice Engineering, cette Spice jaune arborant, à l’initiative de Philippe De Henning, un sponsoring d’un genre nouveau puisque mettant en valeur l’ouvrage de Ron Hubbard ”La Dianétique” ! On ne connaissait pas encore énormément en Europe la Scientologie à l’époque…

Les deux ALD de Louis Descartes (#177 pour le modèle 87 et #178 pour le modèle 86) ainsi que la Sauber C6 #108 de Roland Bassaler sont équipées d’un moteur BMW 3,5l alors que l’Argo JM19 #200 de Dahm Racing Cars est propulsée par le moteur 3,2l double turbo de la Porsche 930.

Les favorites de la catégorie étaient les deux Ecosse C286 DFL, avec des pilotes comme Mike Wilds, Ray Mallock ou Marc Duez, ainsi que la Spice officielle avec Gordon Spice lui-même et Fermin Velez.

IMSA GTP

La catégorie la moins représentée concernait seulement deux marques : Mazda et Porsche . Mazdaspeed présentait (comme en 1986) deux 757 conçues par Nigel Stroud à moteur rotatif Wankel, des tri-rotor.

Porsche engageait officiellement, comme en 1986, sa 961 à quatre roues motrices, la 961 ayant terminé septième cette année 1986. 

Merci à Christian Vignon pour ses photos.