Ils sont encore 205 000 à avoir fait le déplacement dans l’Eifel pour assister aux 24 Heures du Nürburgring et comme c’est souvent le cas, la météo est venue clôturer le scénario de cette 45e édition. On doit bien avouer que l’édition 2017 a manqué de piment : pas de grêle, pas de pluie, pas de neige. Le calme plat ! Mais ça c’était avant que Dame météo ne vienne troubler les cartes d’un scénario écrit dès la première partie de course. Si la pluie a sans aucun doute joué un rôle primordial, il en va de même pour les pneumatiques.
On l’a vu aux 24 Heures du Mans 2016, il vaut mieux attendre le damier pour connaître le vainqueur d’une course que l’on pense gagner depuis longtemps. Comment les 24 Heures du Nürburgring pouvaient échapper à Audi Sport Team Land qui menait depuis 3172 km, soit 125 tours ? Avec une seule Audi R8 LMS vaillante à la nuit tombée, l’écurie de Wolfgang Land qui débute cette année en équipe satellite d’Audi Sport, avait tout pour réussir. La #29 n’a jamais quitté le haut de tableau. Il faut dire qu’avec Christopher Mies, Connor De Phillippi, Markus Winkelhock et Kelvin van der Linde, tous les ingrédients étaient réunis.
Pourtant, la prestation des Audi R8 LMS restait une inconnue. Le constructeur allemand (et non les équipes) a pris la décision de passer des gommes Michelin aux Dunlop durant le meeting. On a certainement jugé que les nouvelles règles étaient plus favorables aux pneus Dunlop qui comptaient jusque-là 17 succès dans l’Enfer Vert. Pour résumer la situation, Audi était en Dunlop, contrairement à BMW, Mercedes et Porsche qui ont maintenu leur confiance à la firme française. Initialement, seul Phoenix Racing avait choisi les Dunlop. Toutefois, Black Falcon et HTP Motorsport n’ont pas mis tous les oeufs dans le même panier en conservant chacun une Mercedes-AMG GT3 en Dunlop. Audi a tout de même mené 90% de la course et les 10 kg en plus imposés aux R8 LMS juste avant le départ n’ont rien changé.
Décidément, le cercle noir en caoutchouc est au centre de toutes les attentions. Les organisateurs n’ont pas décidé de bannir les pneus confidentiels, mais juste de les rendre disponibles à la concurrence, ce à quoi Michelin a du mal à répondre. Le cahier des charges était clair à Clermont-Ferrand : fournir des pneus le plus constant possible sans dévoiler tout l’arsenal technologique. Porsche a souffert dès les premiers essais d’une dégradation importante. Les Dunlop se sont montrés compétitifs tout au long de la course.
On a vite vu que les GT3 équipées de Dunlop étaient plus véloces sur une piste chaude même si les BMW M6 GT3 ont bien résisté. A ce petit jeu, l’Audi R8 LMS/Audi Sport Team Land s’est montrée la mieux armée pour aller chercher la victoire. Mais c’était sans compter sur un souci de capteur qui a contraint Kelvin van der Linde a faire un passage par les stands pour un rapide contrôle sous le capot arrière. Il n’en fallait pas moins que voir une équipe Land Motorsport en plein stress alors que la victoire lui tendait les bras. Une Audi pouvait cependant en cacher une autre et c’est Audi Sport Team WRT récupérait le leadership jusqu’au damier…ou presque.
Les 24 Heures du Nürburgring sans une goutte de pluie ne seraient pas les 24 Heures du Nürburgring. La longueur du circuit rajoute toujours de l’incertitude et les gros nuages noirs sur une partie du tracé ont mis à mal le cerveau des stratèges des équipes. La météo allait une fois de plus choisir le lauréat de l’épreuve. WRT ? ROWE ? Land ? Trois équipes en lice pour la gagne. Lors de ce qui devait être le dernier arrêt, les trois optaient pour les slicks avec une certaine confusion chez Land qui connaissait un souci de remplissage d’essence. Le pilote sud-africain était prêt à repartir, avançait de quelques mètres pour finalement s’arrêter. Il fallait alors reculer la voiture pour régler le problème. L’équipe en a profité pour changer de stratégie et installer les ‘pluie’. Pari osé mais on n’avait tout bonnement plus rien à perdre chez Wolfgang Land d’autant plus que la pluie s’intensifiait. WRT et ROWE étaient déjà en piste mais les pilotes galéraient dans la partie mouillée. Van der Linde avait le couteau entre les dents face à des pilotes sur des œufs en slicks. Chez WRT et ROWE, on a bien compris qu’il fallait s’arrêter à l’entame du dernier tour sous peine de tout perdre dans une sortie de piste. Le sourire se faisait à nouveau sentir dans le stand Land et c’est bien van der Linde qui attaquait l’ultime tour aux commandes de la course. Les pneus Michelin ‘wet’ ont bien aidé la BMW de Nick Catsburg à prendre la 2e place à l’Audi/WRT de René Rast qui devait finalement se contenter de la dernière marche du podium.
Quand vous mettez en place une stratégie, elle est à double tranchant. Elle peut faire de vous un héros et à contrario elle peut vous faire tout perdre. Peser le pour et le contre en quelques secondes n’est pas chose facile. La météo et les pneus ont donc joué un rôle essentiel dans cette édition 2017. « Nous avons toujours eu un bon pneu Dunlop » déclarait Wolfgang Land à l’issue de la course. « Il n’y a pas eu le moindre problème sur la qualité. »
« Le développement de ces derniers mois, qui nous a permis de bien nous préparer aux nouvelles règles pour la Nordschleife, a payé » confiait Alexander Kühn, product manager chez Dunlop. « Nos pneus ont été capables couvrir aisément les écarts de température. » En aurait-il été de même si la pluie était arrivée dès le début de course ?
Le pneu est une composante prépondérante dans la course à la victoire selon les promoteurs. On ne peut pas nier que c’est le cas en SUPER GT avec une vraie guerre des manufacturiers pneumatiques assumée. On cherche à ralentir les autos au Nürburgring, donc on influe sur les pneus. C’est sous-estimer le travail des ingénieurs des constructeurs. Sur la Nordschleife, on ne badine pas avec la sécurité, d’où un changement de pneus à chaque relais. L’abandon des gommes confidentielles n’a pas permis d’économiser des pneumatiques, au mieux de l’argent aux équipes. Si on laisse une compétition ouverte entre les manufacturiers, on doit garder un développement même si les manufacturiers ne mettent pas tous les mêmes moyens sachant que Dunlop et Michelin mettent le paquet. Dunlop, Michelin, Pirelli, Falken, Bridgestone, Yokohama, Giti et Hankook étaient présents cette année.
On balance déjà les autos, alors si en plus on doit équilibrer les pneumatiques, la compétition perd une partie de son intérêt…