Les Total 24 Heures de Spa sont en constante évolution et l’édition du 70e anniversaire ne déroge pas à la règle avec quelques aménagements dans la réglementation sportive. Toujours soucieux d’expliquer les choses au plus grand nombre, Alain Adam nous a expliqué les ‘petits trucs’ des Total 24 Heures de Spa, mais aussi sa fonction de directeur de course de la plus grande course GT au monde qui est tout sauf un long fleuve tranquille. Entretien avec un directeur de course qui met un point d’honneur à ce que le public comprenne bien tous les rouages de la course…
Alain, commençons par le nouveau système de qualification mis en place cette année. Un gros changement selon vous ?
“Les Total 24 Heures de Spa font partie à part entière de la Blancpain GT Series Endurance, on applique donc le même principe que sur le reste de la saison. La qualification sera une moyenne des temps des pilotes de l’équipage. Jusqu’à maintenant, on pouvait avoir une GT3 alignée en Pro-Am venir jouer les troubles fêtes lors de la qualification. Maintenant, il faut un équipage le plus homogène possible, ce qui donnera à coup sûr un nouveau visage à la grille de départ. Les pilotes devront être précautionneux avec les limites de la piste. Si le temps d’un pilote d’un équipage devait être annulé, cela pénalisera le temps moyen des trois ou quatre pilotes selon le nombre de pilotes de l’équipage. Je vais insister sur ce point lors du briefing. On aura une grille qui va refléter la qualité des équipages.”
Les limites de la piste seront une nouvelle fois au centre de la course ?
“Il a été décidé de ne plus mettre systématiquement un ‘drive through’ à la voiture fautive. Il y aura deux avertissements, un drapeau avertissement lors de la 3e infraction puis un dernier avertissement et enfin une pénalité, comme c’était le cas dans le passé. Maintenant, la pénalité sera un arrêt de 5s avant d’effectuer le ravitaillement. La fois suivante, ce sera 10s et ensuite un stop & go. Au bout de six heures, on remet les compteurs à zéro. Auparavant, un drive through coûtait environ 50 secondes.”
Vous n’avez pas une crainte que les pilotes en jouent ?
“On observe de plus en plus avec des moyens qui sont renforcés. Le GPS améliore les choses. A titre d’exemple, si un groupe est en bagarre, seul le premier est pénalisé pour non respect des limites de la piste. On a une BOP exceptionnelle, un règlement qui incroyablement bon où tout est clairement expliqué. Il y a une bonne gestion sportive et technique. Tout est optimisé pour améliorer la qualité du personnel sportif. Les teams montent en puissance, plus ils deviennent professionnels, plus on se doit de fournir un service sportif de qualité. On est arrivé à un niveau hors norme avec une compétition qui se fait sur la piste. Pour gagner à Spa, il faut que tout soit parfait.”
C’est ce qu’a réalisé Saintéloc Racing en 2017 ?
“Saintéloc doit sa victoire en grande partie à Fred Thalamy. Ils ont gagné du temps à la fin de chaque relais, ce qui est exceptionnel. Fred Thalamy est allé à l’opposé de la mentalité des pilotes en leur demandant d’être plus doux avec les pneus en début de relais. Ils ont gagné du temps sur chaque fin de relais avec des pneus encore performants. Je vois des approches différentes en fonction des équipes.”
Selon vous, être dans les anciens stands représente un avantage ?
“Oui car cela permet de voir la sortie des stands. Voir le feu a son importance d’autant plus qu’il peut y avoir un décalage de 1 à 2 secondes entre mon écran et celui des équipes. Peut-être que celui qui voit le feu a également un décalage. L’inconvénient reste le manque de place et le côté pente de la voie des stands.”
La chauffe des pneumatiques va elle aussi changer ?
“Sur chaque course, tout le monde veut démarrer avec des pneus chauds. On autorise la chauffe des pneus mais pas les couvertures chauffantes. Une fois la voie des stands fermée, on ne pourra plus amener de pneus chauds sur la grille de départ. On peut toujours dire que c’est gênant à Spa car les autos stationnent assez longtemps sur la grille. Lors de la Journée Test, un mécanicien qui travaillait en short s’est brûlé en manipulant un pneumatique encore chaud. On ne veut pas prendre le moindre risque avec le public qui est nombreux sur la grille de départ. Le risque est de partir avec des pneus plus froids mais tout le monde est logé à la même enseigne.”
Être directeur de course de la plus grande course GT au monde demande autant de professionnalisme que les pilotes et les équipes…
“Pour être directeur de course, il faut avoir connu toutes les situations d’une course. C’est ce que je dis à la radio qui prime. On ne peut pas parler de stress mais bien d’adrénaline. Avant le départ, il y a beaucoup d’énervement car les questions sont nombreuses avec une pression qui monte petit à petit. Quand la course est partie, c’est différent. Chaque incident sérieux est un grand moment de solitude. Quand il y a un accident important, tout le monde regarde alors qu’il faut avancer et surtout ne pas devenir spectateur.”
Avoir beaucoup de teams sur la piste demandent de l’organisation ?
“La messagerie interne a beaucoup fait évoluer les choses. On insiste sur les procédures avec les nouvelles équipes. Il faut aussi s’assurer de la rotation des équipes en direction de course, que quelqu’un surveille lors de ces rotations. Tout est consigné par écrit pour que ceux qui arrivent soient bien au courant de ce qui s’est passé.”
Il y a une période plus “stressante” dans la course ?
“La période de danger reste le début de soirée où il y a moins d’attention en piste, moins de commissaires. Le premier relais dans le noir n’est pas le plus facile. SRO a fourni de gros efforts sur l’éclairage. Il faut toujours contrôler les limites de la piste. Le milieu de la nuit est la période où tout le monde est quelque peu endormi dans les stands. La pression augmente au lever du jour. Le public revient pour l’arrivée, on sent la tension augmenter, les pilotes prennent des risques en piste. C’est le moment où il faut briefer à nouveau tout le monde. Les commissaires doivent s’assurer qu’il n’y ait pas de débris sur la piste et si ce n’est pas le cas, les ôter en toute sécurité. C’est aussi le moment où les équipes viennent en direction de course pour qu’on explique telle ou telle décision prise durant la nuit. A la mi-journée, les équipes TV veulent connaître les stratégies pour savoir qui aller voir en prévision de l’arrivée. Lors des deux dernières heures, on fait une analyse pour les pénalités en cours. A l’arrivée, je suis dans une partie régularisation de manière à m’assurer que tout a bien été respecté. Je referme le livre de course vers 21h avant une semaine d’échange avec les équipes pour répondre aux questions.”
La préparation de l’édition suivante débute à quel moment ?
“Une semaine après l’arrivée, il est temps de préparer le règlement de l’année suivante. Je suis fier de l’équipe qui officie à mes côtés et de la confiance de SRO. L’objectif est de maîtriser le jeu. Les teams sont dans le même jeu.”
Quand une équipe trouve une faille dans le règlement, cela vous irrite ?
“Si une équipe trouve une faille, cela améliore le jeu. Les équipes ont des ingénieurs exceptionnels et on doit accepter le remerciement du travail accompli. Les arrêts dans le championnat Sprint en sont le parfait exemple. On fait les règles du jeu mais il faut des joueurs. On a réussi à faire un jeu exceptionnel. Mon rêve est de parvenir à l’expliquer au plus grand nombre. Il faut donner des informations pour pouvoir jouer. Si on permet au public d’être actif, c’est encore mieux. Pourquoi pas partager des infos sur des écrans… On doit impliquer le public dans le jeu. Il faut remercier les fans et en attirer de nouveaux.”