Ce matin, tout le monde avait les yeux tournés vers le ciel lorsque nous sommes arrivés dans le paddock du circuit de Spa-Francorchamps. En effet, la neige tombée ce matin et les basses températures (1° à 9 h 30) inquiétaient les pilotes, les teams managers et les ingénieurs. La question que tout le monde se posait était : comment les pneumatiques vont-ils fonctionner en course ? Premier élément de réponse : cela dépend de plusieurs facteurs comme la pression ou les différents types de gommes utilisés. Bien, me direz vous mais encore…. ?
Nous sommes allés à la rencontre de quelques protagonistes pour en savoir un peu plus, à commencer par un responsable pneumatique d’une équipe qui nous dit : « On sait que en dessous de 5/6°, ça ne roule pas. Nous avons déjà roulé avec des températures de piste basses comme 5° à Fuji en 2018 en Asian Le Mans Series. C’était vraiment juste. Dans ce cas-là, le pneu s’use très vite à cause du phénomène du ‘graining’, il ne chauffe pas assez à ces températures »
Qu’est ce que le « graining » ? Définition : « ce phénomène se produit lorsque le pneumatique glisse en virage sur la piste, au lieu de produire de l’adhérence. Cette abrasion latérale crée des protubérances sur la surface du pneu semblables à des vagues et réduit l’adhérence disponible. Ces dernières finissent par s’user, créant un effet caractéristique d’usure sur le pneu. »
Au fil de notre enquête, on tombe sur Jacques Morello, copropriétaire de TDS Racing (LMP2) et ingénieur piste : « A des températures comme 1° que nous avions ce matin, cela ne roule pas. On sait qu’en dessous de 15°, ça devient compliqué et généralement, lorsqu’on est en essais, on décide de ne pas prendre la piste. Là, on ne parle pas d’essais, mais bien de la course. Nous n’avons jamais roulé dans de telles conditions, la gamme de pneus n’est pas adaptée. Les pilotes n’arrivent pas à mettre les gommes en température, ils n’ont donc pas d’adhérence. »
Un peu plus loin, nous croisons un ingénieur de chez Michelin qui était en train de mettre des petits coups de cutter dans les pneus pluie d’une équipe roulant en GTE-Pro. « Je suis en train de couper les blocs en deux, de créer une sorte d’arrête pour que cela crée du mouvement. Cela ne va pas faciliter l’écoulement de l’eau. On coupe juste le fil d’eau et cela augmente la température de la gomme. Il existe toujours des solutions face à de telles conditions météorologiques. Lorsque les températures sont basses, plus il fait froid, plus on gonfle le pneu. Cependant, la réglementation est plus large en GTE qu’en LMP2 par exemple. En LMP2 mais aussi en GTE-Am, les écuries vont jouer sur le set-up des voitures au détriment de la performance pure. En GTE-Pro, le set-up va, lui, rester à l’identique, on va les aider de notre côté au niveau des pneus.”
Spa permet aussi aux manufacturiers de préparer les 24 Heures du Mans. « Le Circuit de Spa-Francorchamps est très exigeant pour les pneumatiques », confirme Jérôme Mondain, manager des programmes de Michelin en Endurance. « La recherche de l’équilibre entre les éléments nous permet de travailler avec nos partenaires sur les bons réglages, ainsi que sur les fenêtres d’utilisation des gommes. Il s’agit d’informations capitales à Spa, mais aussi en préparation des 24 Heures du Mans, où la maîtrise des pneus est l’une des clés pour la victoire. A noter que la météo de la région nous permet fréquemment de rouler la gamme des pneumatiques « Wet » : un test grandeur nature en préparation du double tour d’horloge manceau. »
Depuis, le soleil a refait surface, la température est actuellement de 8°. Cette course des 6 Heures de Spa-Francorchamps nous promet, très certainement, des surprises !