C’est chaque année le même rituel, l’information se fait plus rare en août. On ne parlera pas de trêve des confiseurs mais plutôt de trêve estivale. On va donc faire dans l’humour avec quelques anecdotes personnelles. En voyageant toute l’année sur les circuits à travers le monde depuis plus de dix ans, les anecdotes personnelles ne manquent pas. Certaines sont connues puisqu’elles ont été publiées sur les réseaux sociaux, justement lors de la trêve des confiseurs, d’autres sont inédites.
On oublie trop souvent qu’on ne fait QUE du sport automobile, qu’on ne sauve pas de vies et que les communicants ont tendance à tout vouloir dicter dans un sport qui, en étant un brin réaliste, intéresse de moins en moins de monde. Ceci est un autre débat. Travaillons correctement sans se prendre au sérieux. Entre les séances de vélo, les apéros à rallonge (oui je sais les deux ne vont pas ensemble), l’écriture d’un mémo pour Thomas Bastin sur comment faire de bons paris (en même temps parier sur la victoire d’une Ford Sierra aux 24H de Spa 2019 !?!?!). Vous le trouvez en pleine méditation sur le chemin de St Jacques de Compostelle, son bâton de pèlerin à la main. Revenons à nos moutons ou plutôt à nos anecdotes. C’est parti pour la première de l’été que vous êtes déjà pas mal à connaître mais cette fois c’est la version intégrale.
En ce week-end de SUPER GT à Fuji où Mako-san s’élancera depuis la 1ère ligne, retour sur ma première escapade au pays du Soleil Levant. Août 2013, direction Suzuka pour assister aux 1000 km où Fred roule sur une Honda alignée par Dome et partagée avec Naoki Yamamoto. Départ en avion (ouais en vélo c’est un peu loin) vers Osaka puis un train vers Kyoto. A cette époque de l’année, Fred dispose d’un appartement dans la banlieue de Kyoto à Kita-ku. Après une nuit salvatrice passée sur un lit futon où on dort très bien (private joke), Fred décide de faire une séance de vélo (nous sommes le jeudi 15 août). Je l’accompagne à la sortie de l’appartement. Pouah il fait déjà au moins 3000°C (ok un peu moins) et je me dis que ce mec est fou surtout quand on voit les montagnes environnantes. Bon, à cette époque j’étais encore un puceau du vélo. Bref, il revient 3h plus tard, certes bien cramé mais moins qu’un Thibaut Pinot à l’arrivée au Tourmalet.
Le vélo appartenant à Amazawa-san (team manager de l’équipe), l’objectif de l’après-midi est de l’emmener en révision dans une boutique spécialisée avant de le remettre à son propriétaire. Il se trouve que la boutique est tout de même assez loin (il fait toujours 2500°C au bas mot). On étudie le plan et pour une question de simplicité il est prévu de prendre le bus sauf qu’à l’arrêt de bus, on s’est fait brailler dessus, bien plus que Marc Madiot qui encourage son poulain dans le Tourmalet. Vous la sentez la blague ? Il faut y aller à pied. A pied ? Avec cette chaleur ? JC dans Dikkenek aurait dit ‘Mais il est fou ce type’. En regardant le plan sur le téléphone, ça ne semble tout de même pas très loin sauf qu’il faut franchir une colline.
Le gros avantage du Japon est qu’il y a des distributeurs d’eau tous les 500 mètres. Pas de musette de ravitaillement mais on s’arrête régulièrement pour se rafraîchir. On marche, on marche, on marche. Je me dis que je serai pas mal en bord de mer bras dessus bras dessous avec ma copine de l’époque. On entame la montée de la colline. Heureusement que je ne me suis pas tapé la matinée de vélo dans la montagne.
Et là on change de braquet. Je sens bien que Fred prépare un plan diabolique au moment où un grand-père nous dépasse avec son vieux vélo que même pas c’était un vélo Mercier. Là je pense que notre pilote de SUPER GT est pris d’une violente insolation. J’entends un ‘fini les conneries, monte sur la selle, je vais pédaler’.
Moi : hein ???
Lui : ben ouais tu montes sur la selle et je pédale.
Moi : heu… Mais on arrive dans une descente
Lui : justement
Moi (qui cherche une caméra cachée) : tu crois que c’est prudent ?
Lui : monte on y va !
Allons-y ! Je m’installe sur la selle et nous voilà en route vers la boutique. Le début se passe plutôt bien, j’ai même le temps de prendre une photo…de ses cheveux. On rattrape le papi, on le dépasse, il n’en croit pas ses yeux. On passe une intersection où par chance pas la moindre voiture n’arrive. Fred pédale, pédale encore. On arrive à la boutique, non sans avoir perdu la housse du vélo qui était dans le porte-bidon. Revenir en arrière pour retrouver la housse ? Que dalle, vaut mieux en acheter une neuve.
On rentre en métro (même si vous ne comprenez pas le japonais, vous y arrivez sans problème), on passe par le McDo pour une collation. Ben ouais ça crève le vélo. Ah mais non car moi je n’ai pas fourni le moindre effort.
On visite Kyoto et on se dit qu’on boirait bien un petit verre tranquille. On tombe sur un bar à Nakagyo-Ku. On rentre, il fait très sombre à l’intérieur. On discute au téléphone avec Olivier Van Hoofstadt (oui oui celui-là même qui a réalisé Dikkenek). On discute également avec le barman, qu’on a surnommé Francis et qui ne connaît pas Claudy Focan. Il voit qu’on est Français. Il part à la cave et revient avec une bouteille de Pernod (bien entamée) et de Baileys. On pense qu’elles n’ont pas servi des décennies mais on tente quand même, le temps de faire un selfie avec Francis (je ne vous montre pas le selfie car la qualité de l’iPhone en 2013 n’était pas terrible ou alors c’est plutôt moi qui suis une quiche en photographe). On rentre, on dort, on se prépare pour Suzuka.
Trois jours plus tard, Fred Makowiecki et Naoki Yamamoto remportent les 1000 km de Suzuka, l’épreuve la plus importante course de l’année en SUPER GT. Si je ne suis pas conquis par l’utilisation des baguettes pour manger, je suis conquis par le SUPER GT qui selon moi reste le championnat le plus compétitif de la terre. Je suis en bas du podium au milieu de plusieurs dizaines de milliers de fans et là je repense au papi qu’on a dépassé trois jours plus tôt à deux sur un vélo. #BigInJapan