Le Mans, c’est la plus grande course automobile au monde, mais pas seulement ! L’épreuve se nourrit aussi de plein de petits moments personnels qui contribuent à la magie générale. Benoît Tréluyer, pilote Audi Sport de 2010 à 2016 au Mans, revient sur ses 24 petits bonheurs du Mans…
1. Découvrir mon espace
C’est comme un sas entre le monde réel et celui du Mans. Mon installation dans le petit bungalow fourni par le Team est un rituel qui me permet d’entrer dans mon sujet. À partir de ce moment, je commence ma lente immersion dans les 24 Heures.
2. Rendre visite à mes parents
En marge de la course, les 24 Heures sont pour moi l’occasion de retrouver mes parents, directement chez eux. Entre deux averses, il fait assez beau à Alençon à cette période de l’année, et c’est l’occasion d’organiser un barbecue familial toujours sympa.
3. Assister au « Pesage »
Première rencontre avec le public, et pas n’importe lequel. Ce n’est pas Monsieur Tout-le-monde qui vient au Pesage, c’est un connaisseur. Avec lui, pas de bla-bla. D’ailleurs, on retrouve souvent les mêmes visages chaque année.
4. Manger des sushis
On a découvert l’endroit avec André et Marcel lors de notre première édition avec Audi en 2010, et nous y retournons tous les ans depuis. Un indice ? C’est près de la gare !
5. Apprivoiser le circuit
Le Mans est un tracé avec des vitesses et des enchaînements à nulle autre pareille, et les retrouvailles sont toujours importantes. Il ne faut surtout pas les négliger ! Chaque année, j’aborde mon premier tour avec humilité, c’est ma manière à moi de témoigner mon respect au Circuit des 24 Heures !
6. Serrer la main de Pesca
Je ne prévois jamais une rencontre avec Henri [Pescarolo] au Mans. J’attends plutôt que le destin nous réunisse… C’est toujours un immense plaisir que de le retrouver. Il est ma figure tutélaire !
7. Evoquer les souvenirs
Au Mans, tu as toujours rendez-vous avec tes souvenirs, bons ou mauvais, au détour d’un virage. Pour moi, il y a celui du « Karting » où j’ai doublé la Peugeot par l’extérieur en 2011 et, moins sympa, les « Esses » de la forêt où je me suis envolé en 2009. Je me souviens aussi des derniers tours dans la Viper « Equipe de France » en 2002, et de tous les fans brandissant des drapeaux tricolores au virage d’Arnage.
8. Voir les amis
J’ai grandi avec La Filière Elf du Mans, et les 24 Heures sont toujours l’occasion d’aller saluer mes anciens partenaires qui, pour la plupart, sont devenus des amis. J’ai besoin de ce retour aux sources annuel. J’essaie toujours d’avoir un petit moment pour eux.
9. Saluer nos héros
Hormis Henri Pescarolo, j’aime dialoguer avec ceux qui ont apporté leur contribution, grande ou petite, à la légende du Mans… Des gens comme Jacky Ickx ou Derek Bell notamment. Il y a aussi Tom [Kristensen] évidemment, mais la situation est un peu différente puisque nous avons été équipiers.
10. Parader à la Parade
C’est un vrai moment d’échanges avec les spectateurs. On rigole beaucoup. Il y a cette proximité avec les fans que le sport auto offre trop rarement.
11. Vivre le départ en spectateur
Quand je ne suis pas dans la voiture pour le départ, j’adore être dans le stand avec les gars, voir les voitures sortir du virage Ford, entendre la musique de l’Odyssée de l’Espace. C’est un instant magique, un moment de libération. Avant, c’est beaucoup de stress. J’aime vivre cet instant en simple spectateur : c’est mon côté fan !
12. Prendre un café avec Marcel
Quand André [Lotterer] est au volant, il nous suffit d’un regard avec Marcel [Fässler] pour nous comprendre et nous retrouver derrière le stand pour partager un petit moment de détente où l’on parle… de la course !
13. Assister au coucher du soleil
Le « sunset » depuis le cockpit, c’est pour moi l’un des meilleurs moments de la course. C’est un plaisir très personnel. On entre alors dans une autre dimension : celle de la nuit ! J’aime le silence radio lors de ce basculement. Je suis en communion avec l’épreuve.
14. Parler au Docteur Ullrich
Ce ne sont pas de longues conversations, juste quelques mots pour faire un petit point sur la stratégie ou prendre des nouvelles des autres voitures. J’aime ces parenthèses qui ont toujours un effet bénéfique sur moi.
15. Ecouter le silence
Je reconnais la grande utilité des liaisons radio, mais j’aime aussi avoir des moments à moi durant la course. Notre ingénieur de piste Leena Gade est compréhensive et, si la situation le permet, m’accorde un peu de silence lorsque je le lui demande.
16. Regarder les temps dans le stand
Pour un pilote, Le Mans se résume à quatre choses : piloter, manger, dormir, et se faire masser. Entre ces phases, j’aime retrouver mon siège dans le stand pour regarder l’évolution des temps. Ces moments sont les respirations, les petites virgules du récit que l’on est en train d’écrire.
17. Jouer les noctambules
Quand tu n’es pas trop en bagarre et que tu n’as pas trop la pression, c’est à ce moment précis que la nuit te révèle toute sa magie. D’un coup, elle t’appartient. Il y a moins d’interférences visuelles. Tu es bien, tu es zen.
18. Prendre une douche
Nous l’apprécions d’autant plus que nous savons être les seuls à avoir ce privilège dans l’équipe. Prendre une douche avant de se glisser sous les draps – même si l’on sait que l’on ne va pas forcément dormir – ça fait du bien.
19. Croiser tes équipiers
Entre le moment où l’un revient pour aller dormir et l’autre se réveille pour se préparer avant son relais, il y a un petit laps de temps où l’on peut parler de la voiture, de la course et des pièges à éviter. Au cours de la nuit, ce sont les seuls moments où nous nous croisons.
20. Jouir du p’tit matin
À la fraîche, sur une piste bien propre et avec un bon grip, c’est vraiment le pied intégral ! Quand on prend le départ, on ne sait jamais si l’on sera encore là le lendemain pour profiter de ce moment incroyable où les chronos se mettent à tomber. Magique !
21. Embrasser Mélanie et Jules
Ce n’est que le dimanche à quelques heures de l’arrivée que je peux les embrasser, vers 10-11h. On ne se donne pas rendez-vous, c’est comme cela. Mélanie a grandi dans le milieu du sport auto et sait s’effacer et réapparaître aux meilleurs moments.
22. Sabrer le champagne
J’ai eu l’honneur et l’avantage de le faire trois fois, et c’est toujours un moment que les mots ne peuvent décrire. J’ai quelques victoires à mon palmarès, et je peux vous garantir que le champagne n’a pas le même goût sur le podium des 24 Heures.
23. Profiter de l’après
Quoi qu’il arrive, que le succès soit au rendez-vous ou non, le(s) verre(s) partagé(s) avec l’équipe après la course est un moment cher à mon cœur. Mécanos, ingénieurs, pilotes, managers, tout le monde retrouve le camp de base après avoir franchi son Everest personnel. Séquence émotion !
24. Lire mes textos
Nous, pilotes, sommes comme des chanteurs après un concert : si nous ne recevons aucun message, c’est que le spectacle n’a pas été bon !