La semaine dernière, le couperet est tombé. Il a été annoncé qu’afin d’harmoniser les performances entre les catégories Hypercar et LMP2, le comité FIA WEC et l’Automobile Club de l’Ouest décidaient d’effectuer un ajustement au niveau des LMP2. Le but ? Stabiliser les niveaux de performance entre les deux catégories.
Décision était donc prise de :
- diminuer la puissance du moteur Gibson, passant de 450kW à 400kW.
- ajout de 20kg pour atteindre 950kg.
- configuration aéro ‘Le Mans’ obligatoire sur toute la saison.
Ces décisions prises quelques jours seulement avant le début de saison ont été plus ou moins bien perçues. Les réactions n’ont pas tardé au sein du paddock. Tout le monde a bien compris la situation et qu’il fallait réagir. Le couac est surtout sur le coût occasionné par ces changements à quelques jours du début de saison. Il faut aussi mesurer le tout avec une situation sanitaire qui reste compliquée et une saison 2020 qui s’est terminée très tard.
« Nous avons fait pas mal de tests que ce soit à Barcelone pour les essais pneus Goodyear et sur un autre circuit pendant deux jours » , a confié un patron d’équipe à Endurance-Info. « Là, on nous met 20 kilos en plus, on nous retire de la puissance et on nous oblige maintenant à rouler avec le kit Le Mans, ce qui oblige à tout recommencer ! On ne sait pas quand les cartographies moteur vont être modifiées. Il faut donc oublier tous ces essais faits avec cette ancienne configuration. »
Même son de cloche du côté d’un team manager évoluant en FIA WEC : « Cela soulève quand même quelques questions. Comment allons-nous payer pour tous les essais de pré-saison effectués avec de mauvais pneus et un mauvais kit aéro. Nous avons dépensé plus de 100 000 euros cette année en essais. Qui va payer la facture ?!?! »
Le premier cité renchérit en pointant du doigt le fait que toutes les équipes ne disposent pas de kit aréo Le Mans et que cela demande de remettre la main à la poche à quelques jours du coup d’envoi de l’ELMS. « C’est une mauvaise nouvelle pour les écuries qui ne font pas les 24 Heures du Mans, ce qui est notre cas. Ce n’est pas un kit Le Mans qu’il nous faut, mais deux car si on n’a pas tout en double (un capot avant et un capot arrière de rechange), ce n’est pas la peine. Tout est multiplié par deux, je viens de recevoir le devis, on parle d’une facture de plusieurs milliers d’euros ! »
Dans une autre équipe, on est un peu plus mesuré. « L’ELMS a appelé tous les teams individuellement vendredi dernier. Nous n’avons pas le choix, nous n’avons pas grand-chose à dire là-dessus. Ils ont besoin de trouver un équilibre entre l’Hypercar, le LMP2 et le LMP3. » Le team manager impliqué en FIA WEC préfère, quant à lui, ironiser sur la situation. « C’est drôle qu’ils aient besoin de rendre les voitures plus lentes, on parle bien là d’une LMP2 avec un pilote amateur obligatoire contre des équipes Hypercar professionnelles ! »
Les pneumatiques comme point de départ de cette décision
Tout a commencé avec un écart trop faible entre les performances des nouvelles Hypercar et des LMP2 actuelles. La FIA et l’ACO ont dans un premier temps ralenti les LMP2 en diminuant la puissance (moins 30kW), mais aussi par le biais des performances des pneumatiques Goodyear version 2021. Finalement, comme le dit laconiquement le communiqué officiel, « il a été décidé de continuer avec les pneumatiques ayant déjà fait leurs preuves en termes de performance et de fiabilité. » « Comme certaines personnes pourraient le croire, nous ne revenons pas aux gommes de 2020. Nous allons avoir des spécifications C, ils avaient même imaginé faire des D et des E, qui sont bien moins vite que l’année dernière » nous explique-t-on.
Un autre team manager implanté depuis plusieurs saisons en ELMS résume très bien ce qu’il s’est passé : « Il a été demandé à Goodyear de perdre beaucoup trop de temps. Quand nous sommes allés faire des essais pneumatiques Goodyear à Barcelone au mois de mars, nous avons essayé les « spec » A et C. La première était bien mais se dégradait trop vite, après trois tours, on perdait sept secondes ! On nous a fait tester des D aussi et certaines équipes les E, mais là, c’était dramatique. En rentrant de ces essais, nous avons suggéré plus une prise de poids et une perte de chevaux plutôt que de continuer à pousser sur le pneu. Cela créait un déséquilibre trop important sur la voiture. On se retrouvait avec des gommes ultra dures qui ne redémarraient pas après des safety car ou des Slow Zones. Les pilotes ne prenaient pas du tout de plaisir et c’était en plus limite. Et je ne parle même pas de la nuit aux 24 Heures du Mans où cela aurait été catastrophique. Je ne mentionne pas non plus le coût général plus élevé car il aurait fallu chauffer plus les freins. Nous avons donc suggéré une baisse de chevaux et du poids supplémentaire. Par contre, nous n’étions pas au courant pour le kit Le Mans, mais je préfère encore cela à des pneus durs. Ce dernier est vraiment très bien et je ne pense pas que nous allons avoir une énorme perte de performance. »
Qu’en sera-t-il des performances ?
Justement, concrètement, avec du poids en plus, des chevaux en moins, un kit aéro à faible trainée et des gommes de type C de Goodyear, à quoi peut-on s’attendre en termes de réduction des performances ? On nous l’explique : « On va avoir moins de charge aéro, mais ce qui était important c’était de garder des pneus suffisamment tendres pour les relances de safety car et pour Le Mans. A force de vouloir réduire la performance par les pneus, nous étions arrivés à une limite et il était nécessaire de ne pas aller au-delà. Quand les gommes sont trop dures, les relances sont dangereuses. Il ne faut pas oublier qu’une LMP2 est agréable car elle a de bonnes gommes. On ne va quand même pas mettre des pneus en LMP2 plus mauvais que ceux utilisés en LMP3 ! Donc qu’ils limitent la gamme de pneus, c’est moins un casse-tête pour nous, ce n’est pas plus mal. Je pars du principe que c’est bien de simplifier les choses. Un manufacturier unique sur des choses comme cela, cela limite les coûts sur des formules comme celle-ci. La voiture coûte déjà suffisamment cher comme cela. Maintenant, on aura moins de charge aéro, on va gérer, on sait le faire en LMP3.» Nous avons même pu avoir des pertes au tour chiffrées : « A Barcelone c’était un peu difficile à voir, mais je pense que nous serons trois à quatre secondes des temps de l’an dernier. A mon avis, il n’y aura pas plus. »
A suivre…