On ne vous apprendra rien en vous disant que le début de l’année en LMP2 a été quelque peu mouvementé avec certaines nouvelles règles qui ont fait grincer des dents. Sarah Abadie et Olivier Panis de Panis Racing (Oreca 07 #65) sont directement concernés avec leur présence en ELMS. Endurance-Info les a rencontrés et a échangé avec eux sur le présent et leur vision du futur de la catégorie LMP2…
Les derniers changements de règlement (Sarah Abadie) : « Une lettre a été écrite aux teams et on a mis deux sujets sur la table : le changement de pilote et le kit aéro Le Mans. Une chose est à préciser : quand le règlement sort, il doit y avoir l’unanimité des équipes pour pouvoir modifier les règles. Notre erreur a été que lorsque la lettre a été rédigée, il aurait fallu dissocier les deux thèmes. Ce qui est gênant dans cette histoire de kit aéro (finalement abandonnée), de poids, de réduction de puissance, de pneus avec des caractéristiques différentes donc moins perfo, etc, c’est que nous sommes toujours mis au courant à la dernière minute ! Pourtant, on savait que ce sujet allait arriver un jour sur la table depuis la création de l’Hypercar.
Dans l’idée générale, on comprend que l’Hypercar, le LMP2, le GT (ou LMP3) doivent cohabiter telles qu’elles sont. Nous avons déjà eu des réunions avec l’ACO et la FIA, mais nous sommes mis devant le fait accompli, il faut trouver des solutions. L’une d’entre elles était de baisser la puissance, mais ne pourrait-on pas prendre plus en considération les investisseurs privés, les pilotes dans le cadre des concertations ? Malgré un plateau complet et hyper dynamique, la LMP2 doit souvent faire preuve d’adaptation ! On comprend qu’il faille attirer des constructeurs en Endurance, c’est important, c’est la vitrine, mais il ne faut pas que la LMP2 en pâtisse pour autant. Nous sommes partie prenante tant sur le plan financier, que sur l’aspect du spectacle et de l’intérêt sportif. Il n’y a pas de catégorie plus importante que d’autres, nous sommes complémentaires ! Si l’Hypercar était seul, il n’y aurait que cinq voitures ! »
Les changements de règlement (Olivier Panis) : « Là on change, on enlève des chevaux, on met des pneus moins performants, du poids en plus, ça ne coûte plus le même prix pour nos clients. C’est ce qui nous dérange vis-à-vis d’eux. Je ne voudrais pas qu’ils s’ennuient et se fassent peur en piste. Il ne faut pas oublier que les pilotes ne sont pas tous des pros. Je suis prêt à discuter avec le législateur pour expliquer les problématiques d’une équipe privée comme Panis Racing.
L’arrivée de l’Hypercar (Olivier Panis) : « Lancer l’Hypercar est certainement une bonne chose pour l’avenir, mais quand on fait le LMDh en même temps, je pense, qu’à un moment donné, il se peut que ça devienne conflictuel. »
Les futurs LMP2 (Sarah Abadie) : « On est dans la crise Covid depuis plus d’un an, on n’a pas encore vu les effets de la crise financière et les contre coups vont arriver bientôt, c’est à dire en 2022 / 2023. Je pense que ce ne sera pas plus facile de trouver des budgets que ce ne l’était en 2019 avant la pandémie. Peut-être qu’il serait opportun de se dire que l’on va retarder un peu les nouvelles homologations. Au début de la crise, nous avons dû faire des PGE en France pour nos écuries, nous avons aussi des crédits sur nos investissements qu’il va falloir rembourser. Alors s’il faut réinvestir pour acquérir une nouvelle auto plus les pièces détachées, à savoir 600 000€, je ne vois pas comment on va faire ! Une moitié de plateau a besoin d’investissement bancaire, l’autre a des investisseurs privés. Nous sommes dans la première catégorie ! Comme chacun sait, la démarche globale de l’ensemble des entreprises est à la prudence ! »
Les préconisations (Sarah Abadie) : « Il serait bienvenu de retarder d’au moins une année supplémentaire la nouvelle homologation de la LMP2 pour nous donner de l’air après ces deux années de Covid. »
Les tests Covid (Olivier Panis) : « Nul n’aurait pu anticiper les coûts induits par les protocoles nationaux obligeant l’ensemble du personnel à réaliser des tests sur site. Cette dépense reste intégralement à la charge des équipes et, à ce jour, je ne sais pas si l’ACO a prévu de participer à cette charge supplémentaire. »
L’idée de représentants d’équipes et de pilotes (Sarah Abadie) : « Avec mon frère, nous faisons partie des dirigeants d’écuries favorables à des tables rondes régulières afin de participer à l’amélioration du championnat en tenant compte des contraintes de chacun. Pourquoi ne pas faire une élection en bonne et due forme de représentants de teams et de pilotes afin que ces représentants soient intégrés aux discussions et soient force de propositions aux décisions nous concernant tous. »
Les coûts (Sarah Abadie) : « Il y a des dossiers à attaquer en urgence comme l’allongement de l’homologation de vie de la LMP2 actuelle. C’est une voiture qui peut tenir, aller loin dans le temps. Actuellement, on se dirige plutôt vers une formule monotype. Cela ne nous pose aucun problème, mais si on pense monotype, dans ce cas on doit penser réduction des coûts !
Nous avons appris par la lecture du règlement sportif en décembre que nous avions une journée de test supplémentaire le jeudi des week-ends de course. Une concertation aurait peut-être abouti à ce que certains demandent l’annulation de cette journée. »
Le greenwashing / l’écologie (Sarah Abadie) : « Ce n’est pas uniquement l’essence que nous mettons dans nos voitures qui n’est pas « écologiquement correct » il y a également entre autres le carbone qui n’est pas recyclable ou réutilisable. Il est vrai que désormais nous ne sommes plus dans une démarche de performance technique absolue. Il faudrait trouver un autre axe. Pour information, nous jetons des pneus pour lesquels une taxe est à payer, or parfois par manque de place nous les laissons sur site et s’ajoute une taxe supplémentaire d’évacuation.
Ne pourrions-nous pas réfléchir à de nouvelles solutions ? Comme par exemple des voitures plus légères, moins sophistiquées et avec des éléments de carrosserie dans d’autres matières ? Pour autant il faut garder la partie sécurité car les progrès ont été salvateurs. Il est vrai que l’opinion politique tend à imposer le « green », et qu’à terme notre sport devra s’adapter. L’hydrogène est peut-être une bonne voie, mais la technologie n’est pas encore totalement aboutie. Si, au final, on se dirige vers du monotype, on peut imaginer simplifier les technologies embarquées, cela pourrait permettre la valorisation des pilotes et des équipes. Les Américains ont ouvert la voie en proposant des shows à succès avec certains championnats proposant des règlementations moins sophistiquées.
Si on veut aller encore plus dans le sens de l’écologie, il faut enlever du poids et non en rajouter. On peut aussi penser à « maigrir » dans les équipes, mais à ce moment-là, comme je l’ai dit, il faut enlever de la technologie. Aujourd’hui, on ne peut pas faire rouler une LMP2 à moins de deux ingénieurs minimum, généralement, un troisième est nécessaire pour monter tous les capteurs. Simplifions les règles, trouvons des solutions pour que tout le monde s’allège car les années qui sont devant nous vont être plus compliquées pour différentes raisons : crise économique, greenwashing, et ce côté « bien pensant » qui va nous faire beaucoup de mal. A nous de prendre les devants et d’anticiper plutôt que d’attendre que cela nous tombe dessus. Bien sûr que les amoureux du sport et du sport auto sont conscients des préoccupations écologiques, mais ils savent aussi que notre sport n’a qu’un impact minime à l’échelle mondiale. Mais, pour autant, il ne faudrait pas que les nouvelles technologies gâchent leur plaisir ! »
L’avenir de l’endurance (Olivier Panis) : « Il faut se battre pour ces beaux championnats que sont l’ELMS et le WEC. Les 24 Heures du Mans, c’est le graal, mais on ne peut pas laisser le pouvoir aux seuls constructeurs. L’ACO doit rester maître des décisions. Lorsqu’Audi et Porsche ont quitté le LMP1, cela a eu des graves conséquences pour le plateau. J’aime Le Mans, c’était le cas en tant que pilote, et ça l’est aussi en tant que team principal. Il ne faudrait pas que l’histoire se répète avec l’Hypercar et le LMDh.»