Alex et Martin Brundle ont vraiment des relations père et fils très étroites. Le premier a vécu les dernières heures de gloire de son père, le second a vu son fils gravir les échelons en sport automobile. De plus, ils ont même été coéquipiers en 2012 et pas dans n’importe quelle course : les 24 Heures du Mans. Nous avons questionné Alex pour qu’il nous parle de sa relation avec son papa…
Les premières traces d’Alex Brundle en sport automobile remontent à 2006 où il roule en Formula Palmer Audi et en T Cars. Cependant, pas de trace de compétition en karting dans son palmarès. « J’ai roulé quelques années en karting avant de démarrer en voiture. J’ai, entre autres, fait du Junior Rotax et du Mini Max en Angleterre. Cependant, mon vrai début de carrière s’est effectué en voiture, le karting a juste été une préparation. »
Une chose est certaine, Alex Brundle est tombé dans le chaudron quand il était petit. En même temps, pas facile d’échapper au monde du sport automobile à la maison quand on a un papa, vainqueur des 24 Heures du Mans (1990 sur Jaguar) en huit participations, qui compte 158 départs en Formule 1. Il a évidemment été en contact avec ce monde là comme l’a aussi pu l’être un Nicolas Prost. Né le 7 août 1990, il a cependant plus connu la fin de carrière de son père. « J’ai plus vécu la période Jordan (la dernière année de son père en F1 en 1996, il avait six ans, ndlr). Je n’ai pas de souvenir de 1992 où il était chez Benetton Ford (il est recruté pour remplacer Nelson Piquet aux côtés du jeune Michael Schumacher, ndlr), je n’avais alors que deux ans ! J’ai accompagné mon père sur certains Grands Prix, mais je ne suis pas capable de dire lesquels, j’étais tellement jeune. Je me rappelle davantage de ses années en Endurance et aux 24 Heures du Mans avec les programmes Toyota (1998 et 1999) et Bentley (2001). »
« J’ai de très bons souvenirs des années Toyota aux 24 Heures du Mans. Mon père m’emmenait en essais privés quand j’étais enfant. Je me souviens être allé en France, à Lurcy Lévis pour un shakedown avec la GT One. Je regardais mon père et les autres pilotes tourner avec la voiture, faire des allers et retours. Je garde aussi en tête des moments sympas avec Ukyo Katayama avec qui je jouais au football quand les pilotes faisaient des pauses ou attendaient que la voiture soit réparée ou modifiée. En 1999, mon père signe la pole position aux 24 Heures du Mans, toujours sur la Toyota GT One. Je me rappelle surtout de la joie et de la petite fête qui a suivi. Le lendemain, il avait reçu la plaque pour la pole position, nous l’avons toujours à la maison ! Cette année-là, ils avaient abandonné assez rapidement avant la nuit, je crois (avec Emmanuel Collard et Vincenzo Sospiri, ndlr). Chez Bentley, ce fut pareil. Une grande tristesse car ils abandonnent tôt (il était avec Stéphane Ortelli et Guy Smith, incendie) alors que la voiture sœur termine 3e ! A l’époque, j’avais 10 ans, je m’en souviens bien, mais c’est à peu près tout ce dont je me rappelle, le reste, c’est un peu le brouillard (rire). »
Martin Brundle n’a jamais poussé son fils à suivre ses pas en sport automobile. « Je me suis plus encouragé moi-même qu’il ne l’a fait lui, mais il ne m’a juste pas freiné (rires). C’est mon destin, mon rêve, je pense qu’il a juste mis assez de côté pour que je sois en mesure de l’accomplir. Quand j’étais jeune, il m’accompagnait sur les circuits, mais maintenant, c’est moins fréquent. Au début, il me donnait pas mal de conseils, mais surtout en sur une époque qui était révolue. En termes d’approche général du sport automobile, il m’a bien aidé. En termes de voiture en elle-même, les choses ont tellement changé, déjà depuis l’époque où je suis arrivé en monoplace. »
Alex Brundle fait ses armes dans différents championnats passant par la Formula Palmer Audi, en F3 britannique ou encore la F2. Puis, en 2012, il bifurque définitivement vers l’endurance. « Je n’ai pas vraiment choisi, j’ai plus subi cette décision. Le budget pour continuer en monoplace était juste impensable pour moi, mais c’est une chose à laquelle tout pilote doit faire face un jour. Je n’avais plus moyen de continuer et de me diriger vers la Formule 1. C’est à ce moment-là que j’ai eu une option intéressante avec Nissan. Je l’ai saisie et les choses se sont enchaînées. »
2012 correspond aussi à sa première participation aux 24 Heures du Mans (il en compte six à ce jour). Cette année là, il roule sur la Zytek Z11SN-Nissan de Greaves Motorsport avec Lucas Ordonez et son père (dont ce se sera la dernière apparition au Mans). Evidemment, pour le jeune Alex, alors âgé de 21 ans, ce fut tout un symbole de rouler avec son père et ex-vainqueur. « Nous avions déjà un peu roulé ensemble en Formula Palmer Audi. Il m’avait accompagné plusieurs fois. Dans la voiture, j’étais parfois pilote, parfois c’était lui. On a fait cela quelque temps et on a fini en faisant les 24 Heures du Mans ensemble ! Nous avons eu quelques soucis avec la voiture. Nous avions pris cela très sérieusement tous les deux et le but était vraiment de ne pas faire de faute pour obtenir le meilleur résultat possible. Ce fut une superbe expérience, j’avoue, je ne l’oublierai jamais. Je n’avais jamais roulé au Mans auparavant et être Rookie au Mans, ce n’est pas rien. De plus, le faire avec lui, waouh. Je pense que je n’ai pas assez apprécié ces moments là, en tout cas pas autant que ce que j’aurais voulu. »
Depuis, père et fils sont souvent dans le même box, mais Martin a raccroché son casque et soutient désormais Alex. Ce dernier a continué sa carrière. Il a terminé 2e en WEC en LMP2 en 2013 avec OAK Racing (Morgan LMP2), roulé chez G-Drive Racing (6e en WEC en LMP2 en 2016 avec trois victoires), est devenu champion LMP3 avec United Autosports en ELMS en 2016 (Ligier JS P3) et a roulé chez Jackie Chan DC Racing en WEC en 2017 (3e au général et 2e en LMP2 aux 24 Heures du Mans). « Mon père est maintenant avec moi dans le stand, mais ne me donne plus de conseils. Il est présent, me soutient. C’est dur pour lui. Il n’a jamais piloté de LMP2 moderne. Par contre, au-delà de cela, quand on a besoin de faire un retour d’informations sur quelque chose, maintenant, il faut être plutôt diplomate au niveau du feedback que vous donnez. Il ne faut pas que vous vous laissiez emporter parce que vous avez passé une mauvaise journée ou traversé un moment difficile. Parfois, mon père m’aide encore à trouver ce juste équilibre. Par moment, je lui parle en premier pour voir comment il va ressentir les choses, savoir s’il est d’accord ou contre. C’est l’un des cotés intéressants de sa présence, en plus de son soutien. Par contre, me dire comment prendre tel ou tel virage, non, j’ai plus besoin (rire). »
En 2019, Alex a réintégré United Autosports pour rouler en ELMS d’abord sur la Ligier JS P217 puis l’ORECA 07 à partir de Spa-Francorchamps. « J’ai réussi à mettre la Ligier en 3e place à l’issue des qualifications au Paul Ricard. Nous avons terminé 3e lors des 4 Heures de Monza (avec Will Owen et Ryan Cullen, ndlr). En Belgique, nous avons changé de châssis et le rythme a été différent même si nous avons eu peu de temps pour nous habituer à cette nouvelle auto. Nous avons été un petit moment en tête de course, avant de connaitre quelques petits soucis techniques. Au Portugal, ça a déjà été beaucoup mieux avec une 4e place à Portimão. »
2020 sera la copie conforme pour Alex Brundle, c’est à dire l’ELMS et les 24 Heures du Mans. « Je suis heureux de continuer en LMP2 et de poursuivre l’aventure avec United Autosports. L’équipe a été super tout au long de l’année 2019, m’a tout le temps soutenu et m’a toujours apporté ce dont j’avais besoin. Par cette décision, l’écurie montre qu’elle a été contente de mon investissement et de mon travail et j’en suis ravi. Je poursuis en endurance, une discipline que j’apprécie vraiment. Ces courses longues et ces voitures rapides correspondent bien à mon style de pilotage. »