Alexandre Coigny est certainement l’un des hommes les plus rapides dans son travail puisqu’il détient une société d’aviation, COOL Aviation. En sport automobile, il roule sur l’ORECA 07 #37 Cool Racing avec son statut de gentleman de l’équipage. Pour sa première année en LMP2 en European Le Mans Series, il s’appuie sur l’un des meilleurs pilotes d’endurance au monde, Nicolas Lapierre. Le troisième homme est Antonin Borga. Ce trio et Cool Racing ont réussi un beau début de saison avec une pole position à Monza. Depuis, l’annonce de leur arrivée en WEC a été confirmée pour la saison 2019 / 2020…
Quel a été votre parcours avant d’arriver en ELMS ?
« Ca a commencé avec des journées autos entre copains, mais j’avais quand même Iradj Alexander comme coach. C’était quelque chose que j’aimais bien et ça allait de plus en plus vite. Iradj est quelqu’un qui te pousse même si tu fais cela pour ton plaisir, le week-end, sur un circuit. Il disait toujours que ça servait à rien de faire des tours juste pour faire des ronds ! J’ai alors eu l’idée de continuer en faisant attention à que le sport automobile engendre car ce n’est pas quelque chose de gratuit. J’ai donc commencé par faire de la Funyo disputant cinq courses en France pour obtenir ma licence internationale. C’était très sympa.
Ensuite, il y a eu l’aventure Vortex avec les frères Gomez en VdeV. C’était une voiture sensée avoir des performances d’une GT3 avec des coûts beaucoup plus réduits comme les Silhouettes. Tout le monde m’avait pourtant averti : une GT3 coûte le prix d’une GT3 donc si tu veux avoir les mêmes performances… Au final, on nous a livré cette auto, on a tout essayé, mais cela n’a jamais fonctionné comme cela devait ! Le but était aussi de faire les courses de 24 heures organisées par Creventic à un coût très faible pour obtenir de l’expérience dans le trafic.
On a mis tout ça de côté et je me suis tourné vers le LMP3 car mon objectif a toujours été de faire les 24 Heures du Mans. C’est un rêve de gosse et j’ai toujours construit mon programme avec cette course en ligne de mire pour 2020. Je savais que j’avais tant d’années pour le faire et j’ai alors réfléchi à comment organiser mon programme et ma progression le plus intelligemment possible. J’ai eu la chance d’avoir des gens comme Iradj (Alexander) avec moi, tout comme Patrick (Barbier) et toute son équipe. Ils m’ont beaucoup aidé dans mes décisions et mes choix. De plus, on m’avait dit que faire Le Mans en GT n’était pas vraiment une bonne idée. On vit avec les yeux dans les rétroviseurs, on voit tout d’un coup une LMP1 vous sauter dessus et ce n’est pas agréable. C’est comme cela que je suis arrivé au prototype et j’ai essayé une LMP3 lors d’une course de VdeV. Cela s’est pas trop mal passé, j’ai pris du plaisir. Nous sommes alors fin 2016 et, début 2017, j’attaque ma première saison complète en sport automobile, et plus particulièrement en ELMS. Là, la marche fut haute quand on a fait un peu de VdeV et qu’on se retrouve en ELMS, la différence est grande.
De plus, je n’avais pas pu faire le Prologue et la première manche. J’ai donc commencé à Monza et j’ai été convoqué par Eduardo Freitas, le directeur de course, après les qualifications. Il m’a alors dit qu’il ne voulait pas me laisser rouler car je n’étais pas rentré dans les 110% du meilleur temps. J’en étais même à 2.5 secondes ! Il a vraiment été sympa et j’ai alors vu que les organisateurs sont conscients des efforts et investissements que nous faisons. Il m’a dit : “Je vais te laisser partir, mais je vais te surveiller. S’il se passe quoique ce soit, tu rentres à la maison et ta saison est terminée.” La course s’est très bien déroulée et je n’en ai plus jamais entendu parler ! C’est assez marrant car, en 2017, j’avais à peine le droit de rouler et, en 2019, j’ai fait le meilleur temps des pilotes Bronze sur le même circuit !
Nous avons aussi opté pour une Mercedes-AMG GT3 pour faire de longues courses d’endurance en Creventic car l’ELMS n’en donne pas l’occasion avec des épreuves de 4 heures. J’ai tout simplement adoré. Lorsque nous étions en ELMS, nous nous sommes aussi alignés en Michelin Le Mans Cup pour nous donner encore plus de temps dans l’auto. Notre saison 2018 a été assez mitigée car la performance était vraiment là, mais pas la chance !”
….et maintenant une nouvelle catégorie
” 2019 marque une nouvelle page de notre programme avec l’ORECA 07 en LMP2 ! J’en suis ravi, les deux premières courses se sont bien déroulées, les résultats ne sont pas trop mauvais, loin de là. La performance est bien présente comme on a pu le voir à Monza avec notre pole position, l’équipe a fait du super boulot. Nous avons tout pour bien faire, mais avons eu un peu de poisse ! Au Castellet, nous avons eu un souci de porte alors que l’on doit terminer 4e ou 5e. En Italie, on finit 8e car on a crevé un pneu suite à un contact alors que l’on devait être bien mieux ! De toute façon, je pense que le Top 5 est notre niveau. Pour notre deuxième course en LMP2, je trouve que c’est pas mal pour des rookies.” (Cool Racing est actuellement 8e au classement Equipes et l’équipage est 11e du classement Pilotes, ndlr).
Comment s’est fait le passage de la LMP3 à la LMP2 ?
” Assez naturellement. Je me suis assis dans la LMP2, je m’y suis bien senti. On a surtout eu Nicolas Lapierre tout de suite avec nous, et ça a beaucoup joué. Le fait que ça aille plus vite, que cela défile plus vite ne m’a pas dérangé du tout, je pense que mon milieu professionnel m’a pas mal aidé aussi. La LMP2 se conduit beaucoup plus cliniquement et ça me convient mieux. Je ne dirais pas qu’elle est plus facile, mais elle met plus facilement en confiance. On s’y sent à l’aise, cela donne envie de la pousser et de te dépasser ! De plus, j’applique à la lettre, au mot près, ce que me demande Nico. S’il me dit que dans ce virage que ça passe à fond, je vais me tordre l’estomac et le faire ! Il a vraiment le don de me faire sortir de ma zone de confort. Nous n’avons pas fait d’erreur en deux courses, pas un bac à gravier, juste quelques têtes à queue ! Tout se fait intelligemment et de manière posée ! Nous ne brûlons pas les étapes et Nico nous donne le tempo ! Il est la plus belle chose qui nous soit arrivée ! “
Votre programme va évoluer car, en plus de l’ELMS, vous serez en WEC…
” Tout à fait, cela a été confirmé. L’équipe restera exactement la même : l’équipage, les mécaniciens, Franck (Larue) notre ingénieur. Il n’y a pas un maillon de cette chaîne qui va changer entre maintenant et fin 2020. Cela a été décidé et cela en sera ainsi. C’est une bonne chose pour les gars car cela leur donne de la visibilité. On s’entend tous super bien, tout le monde va dans la même direction et travaille, c’est une grande famille. L’ELMS 2019 est une année d’apprentissage pour nous. Nous savons que nous devons encore progressé comme lors des arrêts au stand ou dans d’autres domaines. Nous savons que nous pouvons grappiller des secondes par ci, par là, mais nous débutons ! Il faut savoir rester à sa place et se contenter de ce que l’on a.
Pour ma part, j’ai besoin de gérer le trafic et le seul moyen est de rouler en course. Le championnat qui te permet de disputer des courses en hiver et qui garantit les 24 Heures du Mans, c’est le WEC ! Ce n’est pas le fait de faire le championnat du monde qui est important car je pense qu’au niveau compétitivité, l’ELMS est un cran au dessus. Le WEC est très lourd du point de vue logistique, mais au niveau roulage, c’est mieux. Il n’y a que 30 autos et non 40, il n’y a pas de LMP3, il n’y a que des GTE à dépasser et elles ne représentent même pas le nombre de LMP3 en ELMS. De plus, on n’est plus la catégorie reine et on se fait dépasser. Les courses sont plus longues aussi avec des 6 heures, des 8 heures et les 1000 Miles de Sebring. “
Quel est le but de votre démarche ?
“L’objectif est d’être au top en ELMS en 2020, mais aussi aux 24 Heures du Mans 2020. Le résultat du WEC sera plus compliqué, je sais très bien qu’en face, il y a des équipages très forts. Il faut être réaliste, je n’ai pas le niveau des Gonzales, Thiriet ou Ragues. “
Vous insistez depuis le début de notre entretien sur les 24 Heures du Mans. D’où vous vient cette passion ?
“De bandes dessinées, de ce que j’ai pu lire quand j’étais gosse. J’ai toujours aimé le sport auto, mais ce n’est pas une passion familiale. Mon père aime les voitures comme n’importe quel homme ! Je suis parti dans l’aviation, mais je me suis souvent dit qu’il y aurait un championnat pour les gentlemen drivers où ils font vraiment partie de l’équation. J’ai toujours eu les 24 Heures du Mans dans un coin de ma tête et, à un moment, j’ai senti que c’était le bon moment, qu’il était temps de se mesurer à un tel challenge.”
Est ce facile de concilier le travail et le sport automobile ?
” J’ai toujours eu la chance dans ma vie familiale ou professionnelle d’être super bien entouré. J’ai des gens magiques autour de moi, que ce soit ma femme ou mes collaborateurs au bureau sur qui je peux compter. Je peux être n’importe où dans le monde, je sais qu’ils gèrent. J’ai une qualité que j’ai acquise avec le temps : déléguer et faire confiance. Cependant, j’ai conscience que ce que je fais demande des sacrifices. Là où je les admire tous, c’est au niveau des sacrifices qu’ils sont prêts à faire pour me soutenir. Du coup, tu sais que tu dois te donner, mais ce n’est pas pour le résultat final, tu te donnes pour tous les sacrifices ton entourage fait pour toi ! Ils se mettent en quatre pour toi, tu n’as pas le droit de ne pas te donner ! “