Depuis la parution des règlements sportifs FIA WEC et ELMS 2018, l’article 10.9.1 alinéa c fait débat. Le législateur se donne la possibilité d’ajuster la composition d’un équipage au cas par cas et pour une durée limitée.
Certains sont pour une libéralisation complète de la composition des équipages, d’autres pour une plus stricte application des catégorisations établies par la FIA. On met des pilotes dans des cases en fonction de critères établis. Comme dans toute règle, il y a toujours des grains de sable qui viennent enrayer la machine. Dans l’ensemble, les statuts Bronze et Platinum, qui sont les deux extrêmes, ne posent pas de problèmes majeurs. Le souci vient plutôt du milieu. Silver ou Gold ? Gold ou Silver ? Lorsque Stéphane Ratel a inventé cette catégorisation au siècle dernier, le système était plus simple car on avait des professionnels face à de vrais amateurs. Au fil du temps, ces amateurs sont devenus de vrais pilotes qui cumulent vie professionnelle intense et entraînement sportif.
Contrairement à tous les sports où le but est de gravir les échelons, un pilote n’est pas intéressé à passer dans la case supérieure sous peine de perdre son emploi. Un Silver qui passe Gold peut très bien se retrouver sans volant l’année suivante.
Les équipes doivent donc composer avec cette liste afin de réunir un équipage. Tout n’est pas permis, comme par exemple un trio Rast/Albuquerque/Senna en LMP2, soit trois Platinum.
Si on prend le cas de la catégorie LMP2, le règlement stipule l’obligation d’avoir un Bronze ou un Silver dans chaque équipage avec des temps de conduite différents en fonction de la classification. En ELMS, sur une course de 4 heures, un Platinum ou Gold doit rouler au moins 40 minutes et au plus 1h40. La règle est un peu une usine à gaz pour un non initié. Il faut déjà tenir compte de savoir si l’équipage est composé de deux ou trois pilotes et de la classification des pilotes. Les équipes font donc leur “marché” durant l’intersaison pour réunir le budget et avoir le meilleur trio sur la grille. Les Bronze et Silver apportent le gros du budget sachant qu’on connaît des Platinum qui amènent beaucoup d’argent pour rouler.
On se retrouve donc avec des disparités en fonction des équipages. A la régulière, un trio Derani/Liu/Rizzo ne pouvait guère lutter contre Richelmi/Laurent/Newey en Asian Le Mans Series. 2018 permet donc de faire des aménagements. Si on prend la liste des engagés de l’European Le Mans Series, trois équipages peuvent bénéficier de cet aménagement : Vergne (Platinum), Vaxivière (Gold), Rusinov (Gold) pour G-Drive Racing (LMP2), Glorieux (Silver), Toril (Silver) pour DKR Engineering (LMP3) et Dracone (Silver), Barrato (Bronze) pour BHK Motorsport (LMP3). En FIA WEC, seul le trio DragonSpeed (LMP1) peut être aménagé du fait du statut de Bronze d’Henrik Hedman.
“On se donne juste la possibilité de faire du cas par cas, le tout dans le strict respect de l’équité sportive,” nous expliquait en début d’année Vincent Beaumesnil, directeur des Sports à l’ACO. “On intervient sur l’équipage, pas sur la catégorisation. Les performances des pilotes seront suivies tout au long de la saison. Si on constate une mauvaise surprise, alors on pourra modifier cet aménagement.”
Il est donc permis de voir un pilote Bronze dans la catégorie LMP1 et de voir une association Platinum/Gold/Gold en LMP2. Il n’est toutefois pas possible de voir n’importe quelle association. Alors, que dit le règlement ?
Un comité dédié d’un représentant de l’ACO et du promoteur LMEM (plus un représentant de la FIA pour le FIA WEC) peut accorder une dérogation temporaire à la règle de composition des équipages sur demande du concurrent. Cette dérogation ne doit pas compromettre la sécurité en piste et ne doit pas constituer un avantage sportif par rapport aux autres équipages engagés dans la même catégorie.
Avant une acceptation par le comité, le concurrent doit exposer les motifs de la demande, donner les résultats de tous les pilotes de l’équipage avec une analyse des performances établie sur les 20 meilleurs tours réalisé par chaque pilote sur toutes les épreuves significatives réalisées au cours des trois dernières années (minimum de 10 épreuves par pilote). Cette analyse des performances doit contenir une comparaison directe avec les 10 meilleurs pilotes de la classe pour chaque pilote pour chaque épreuve.
Le comité doit déterminer ensuite sur la base de l’analyse des performances des 20 meilleurs tours de course des trois dernières saisons, si les performances et le comportement de l’équipage sont compatibles avec les conditions de sécurité et de performance. La dérogation sera accordée exclusivement pour le championnat en question avec une limite de temps. Les temps de conduite seront adaptés en conséquence. Si un avantage concurrentiel devait être constaté par rapport aux autres équipages, le comité évaluera alors la performance de l’équipage avant de rendre une décision. Un rapport sera d’abord envoyé au concurrent avant d’entraîner pourquoi pas l’annulation de la dérogation.
Une fois la composition devenue caduque, le team devra donc se mettre à la recherche d’un nouveau pilote afin de se mettre en conformité avec la réglementation. Dans le cas d’Hedman en LMP1, c’est sa capacité à rouler en toute sécurité dans une LMP1 que le législateur va surveiller. Pour Vergne/Vaxivière/Rusinov (G-Drive Racing), c’est plutôt de voir si le trio ne serait pas avantagé par rapport à la concurrence et il semble bien que l’équipage ne roulera pas ensemble. A moins de six semaines du coup d’envoi de la saison, G-Drive Racing va devoir se mettre à la recherche d’un Silver pour rentrer dans le rang, voire d’un Gold pas trop rapide. Plusieurs pilotes ont été testés il y a peu à Motorland Aragon : Alesi, Pizzitola, Imperatori.
Trouver un Silver rapide ou un Gold pas trop rapide pour rentrer dans une case montre que le système global est peut-être arrivé à ses limites.