Anders Fjordbach est l’un des pilotes emblématiques de High Class Racing. Il roule pour l’équipe battant pavillon danois depuis 2017. Avec son compère Dennis Andersen, il disputera uniquement la saison WEC cette année. Après des essais pneumatiques Goodyear à Barcelone il y a quelques jours, il s’est confié à Endurance-Info.
Vous avez effectué une semaine d’essais à Barcelone avec les nouveaux pneus Goodyear. Êtes-vous satisfait ?
« Je ne dirais pas que je ne suis pas satisfait, le problème n’est pas les Goodyear. Ils ont de telles restrictions de la part de la FIA pour faire de “la place” pour les Hypercar que la tâche de Goodyear est de faire une voiture rapide très lente ! Et cela doit être fait sans que l’auto ne devienne dangereuse. Pour le moment, les pneus que nous sommes sensés avoir en WEC sont à moitié dangereux. J’ai discuté avec pas mal de pilotes comme Antonio Felix da Costa, Ben Hanley, Juan Pablo Montoya. Ils peuvent piloter avec ces gommes, moi aussi, et aligner de bons temps, mais le problème est plus sur Dennis (Andersen, le gentleman de l’équipage) ou Henrik Hedman. Il y a tellement peu d’adhérence que l’on dirait que nous sommes sous les conditions de petite pluie. On sait que moins on a d’adhérence, plus c’est difficile et dangereux pour les gentlemen-drivers.
Nous avons fait des essais tout au long de la semaine avec des pilotes différents, en essayant différentes philosophies de set-ups pour s’adapter aux nouveaux pneus et avoir de l’adhérence. Au bout de 4 ou 5 jours, je suis ok avec ces gommes, mais Dennis est très déçu. Nous avons aussi discuté avec d’autres gentlemen-drivers comme Roberto Gonzalez (Jota) et il n’est pas non plus satisfait. Payer trois millions et demi d’euros pour avoir peur n’est pas quelque chose que l’on souhaite ! J’ai assisté au “boom” de la catégorie LMP2, tous les pilotes GTE veulent venir, nous avons de grands noms comme Montoya, Kubica, Magnussen, Di Resta, etc… C’est parce que cette auto est intéressante, que le niveau de performance est relevé, qu’elle se pilote comme une vraie voiture de course, mais avec ce que je viens de mentionner, nous perdons une bonne partie de la qualité qu’avaient les LMP2 avant. Sur le plus ou moins long terme, High Class Racing ne va pas forcément perdre des clients, mais ce sera plutôt la catégorie LMP2 dans son ensemble ! »
Et qu’en est-il de la réduction de puissance ?
« Ce n’est pas très important au final, le souci est vraiment les pneus ! Je tiens à redire que ce n’est pas un souci pour moi, mais plus pour les gentlemen-drivers. Cela ne nous a pas empêchés d’être compétitifs à Barcelone lors de ces essais. Je tiens aussi à préciser que, lors de nos tests à Barcelone, il faisait 21 degrés et que c’est un circuit avec beaucoup d’adhérence. Pourtant, pendant nos essais, nous n’avions pas de grip ! Alors imaginez Fuji avec une piste à 3° ou Le Mans avec un package aéro faible trainée, ce serait alors dangereux ! Je ne veux surtout pas passer pour la personne qui se plaint, mais la catégorie LMP2 va souffrir un peu cette année et c’est bien dommage. »
Fin janvier 2021, vous avez disputé les 24 Heures de Daytona pour la première fois (avec Dennis Andersen, Ferdinand Habsburg et Robert Kubica). Que gardez-vous en tête ?
« Nous avons énormément aimé Daytona, ce fut tout simplement incroyable, même si le résultat n’a pas été à la hauteur de nos espérances (abandon, boîte de vitesses, ndlr). Avec Dennis, nous avons été surpris de la façon dont nous avons été accueillis par l’organisation, les gens de chez Michelin et de chez Gibson. Pour être honnête, nous avons été tout simplement impressionnés car, le premier jour, le président de l’IMSA, John Doonan, est venu nous voir dans le box. Il a même demandé à voir Dennis car il voulait nous recevoir en personne ! C’est loin d’être le cas partout. Nous avons été surpris de la façon dont il garde un œil sur les gentlemen drivers. L’IMSA a compris qu’il fallait que ce soit fun et compétitif pour eux, nous avons été très touchés par cela ! »
Vous avez désormais deux voitures admises aux prochaines 24 Heures du Mans. Vous êtes annoncé sur la 2e auto, mais serez-vous sur la #20, celle qui dispute le WEC ?
« Je ne vais pas m’étendre sur le sujet pour le moment, mais tout ce que je peux vous dire c’est qu’il y a des chances que l’on me voit sur la #20. De plus, à l’heure actuelle, aucun pilote n’a encore signé sur cette deuxième voiture. Nous cherchons d’ailleurs des pilotes pour faire un équipage. »
Vous avez testé Marc Gené. Fera-t-il partie de votre équipage aux 24 Heures du Mans sur la 2e voiture par exemple ?
« Nous connaissons très bien Marc Gené au niveau de l’équipe. C’est une superstar et nous habitons dans le même secteur à Barcelone. Nous lui avons proposé de venir rouler dans l’Oreca 07. Il n’avait jamais piloté la nouvelle génération de LMP2 (il a roulé sur la Zytek Z11SN de Jota Sport aux essais des 24 Heures du Mans 2014 avant que Loïc Duval ne se blesse et que le pilote espagnol ne le remplace chez Audi Sport, ndlr). Il a été très impressionné par la voiture. Nous adorerions avoir Marc avec nous au Mans, nous travaillons sur ce sujet, mais je ne peux pas en dire plus. Je peux seulement dire « peut-être » ! »
Qu’est ce que cela va changer pour vous d’avoir deux voitures au départ des 24 Heures du Mans ?
« L’an dernier, nous étions super compétitifs, forts, nous étions parmi les six voitures acceptées en Hyperpole. Je pense qu’avec une seconde voiture, nous aurons le double de données, le double d’essais, ce qui veut dire que notre performance devrait être meilleure ! »
Vous êtes sur la liste du WEC, mais pas sur celle de l’ELMS. Pourquoi ce choix ?
« Nous avons comparé les budgets nécessaires en ELMS et en WEC, ce dernier championnat étant un peu plus cher que le premier. En WEC, il y a plus de roulage qu’en ELMS. L’aventure mondiale et l’expérience que l’on peut en récupérer sont plus importantes. De plus, cela fait des années que nous roulons en ELMS et notre objectif a toujours été le WEC. Lors de la précédente saison, j’ai eu la chance que Mark Patterson ait envie de faire le WEC et Dennis est prêt, à son tour, à passer le cap et d’y rouler pour la première fois. Nous sommes très contents. »