Il est doublement au centre de l’actualité. Pilote Audi aux 24 Heures de Spa à la veille de la course majeure de la saison Blancpain et pilote Porsche venant d’apprendre le retrait des 919 pour la saison prochaine. Il était donc doublement utile d’aller à la rencontre du plus belge des pilotes allemands…
André, déçu que votre Audi R8 ne soit pas qualifiée pour la Super Pole de ces 24 Heures de Spa ?
« On échoue de 4 millièmes… Dries (Vanthoor qui assurait la qualif, NDLR) mériterait d’y être car il a la rapidité pour le faire. Mais le niveau est tellement fou. Le plateau est tellement dense. C’est assez impressionnant et unique en sport auto… 1/10, c’est déjà pas grand-chose mais imaginez 4 millièmes ! On ne peut pas dire que l’on n’a pas été bon ou que l’on a mal travaillé ! Je crois qu’il ne faut pas trop s’en préoccuper et se concentrer sur la course. »
La conséquence tout de même, c’est de partir au cœur du peloton. N’est-ce pas un peu plus risqué ?
« J’espère que non. Je pense que tous les pilotes qui prennent le départ sont des gens d’expérience qui ont l’habitude de gérer ce genre de choses. Ça ne devrait pas trop mal se passer. Évidemment, on n’est jamais à l’abri lorsque l’on est au milieu de toutes les voitures mais c’est une course de 24 Heures et j’espère que les autres pilotes le savent aussi ! »
Est-ce toi qui va prendre le départ ?
« Je ne l’espère pas ! Je n’ai pas encore assez d’expérience avec la voiture pour que l’on me mette dans la cage aux lions ! »
Avez-vous, avec Marcel et Dries, quelques soucis concernant la gestion des pneumatiques et leur durabilité sur un relais complet ?
« Moi, je suis encore en phase d’adaptation… Je n’ai roulé qu’avec des pneus ayant déjà du kilométrage. Ça ne sert à rien de se plaindre, tout le monde a les mêmes mais c’est quand même quelque chose de très à part. De mon côté, je n’ai vraiment pas l’habitude de ce genre de pneus donc le challenge, c’est de trouver le style de pilotage qui leur est le plus adapté. Sur le plan de l’équipe, avec 6 voitures, nous faisons énormément d’analyses sur les pneus. Certains équipages se sont concentrés sur le fait de faire des relais. Faire des double-relais sera impossible. (Jules Gounon nous a confirmé que la tenue des pneus a été validée pour 40 tours, histoire de boucler un relais complet accompagné d’une longue neutralisation, NDLR) Mais le défi est de terminer le relais avec un haut de niveau de performance donc en ménageant les pneus au début de celui-ci. C’est encore un point dont je dois parler en détail avec les ingénieurs d’ici demain. »
Tu abordes ces 24 Heures dans un état d’esprit particulier après l’annonce de Porsche et son retrait du WEC ?
« C’est sur que c’est un moment difficile même si j’avais pu m’y préparer car je le sentais venir. Cela a été bien plus dur pour moi l’an passé lorsque Audi s’est arrêté. Je me suis alors senti chanceux tout de même de pouvoir rebondir chez Porsche en me maintenant en WEC. Surtout que pour moi, Porsche et Le Mans, c’est comme le café et le lait, ça va ensemble ! Je pensais que j’allais pouvoir continuer l’aventure un peu plus longuement. Personne ne se doutait alors que cela allait s’arrêter aussi vite. »
Le retrait n’était-il pas un peu plus soudain aussi dans le cas d’Audi, l’an passé ?
« Oui, c’est clair. Cela avait été beaucoup plus soudain. Mais bon, ça sert à rien de s’apitoyer sur le passé. Nous avons été chanceux de piloter ces voitures incroyables qui ont fasciné les gens par leur niveau de performance fabuleux. 1000 chevaux, 4 roues motrices, ça accélérait vraiment comme une catapulte ! Nous, pilotes, avons pris notre pied pendant de longues années, avons vécu des bagarres superbes avec un niveau de professionnalisme très élevé, une bonne ambiance dans le paddock, un esprit d’équipe incroyable entre les pilotes. Vivre ça avec Audi puis Porsche est quelque chose qui peut rendre pas mal de pilotes jaloux et j’ai eu cette opportunité. J’aurai évidemment aimé que cela continue un peu plus longtemps, je n’ai que 35 ans. C’est là ou l’on voit que des gens comme Dindo, Tom, Allan, Emanuele, Frank ont pu surfer sur une vague incroyable en continuant à rouler jusqu’à 45 ans environ. Mais les choses changent et j’espère que je vais parvenir à trouver quelque chose de bien. J’aime ces prototypes et leur niveau de performance mais en ce moment, il y a un creux difficile à passer. »
Ce n’est pas seulement l’endurance mais plus globalement le sport auto qui vit une période difficile. Ou va-t-on voir André Lotterer en 2018 ?
« C’est vrai que c’est déroutant en ce moment. Il est difficile d’y voir clair et de faire les bons choix. La Formula E a le vent en poupe et elle ne doit pas être prise de haut. Il ne faut pas comparer avec ce que l’on l’habitude de connaître, ce n’est pas fair-play. C’est encore un championnat récent mais les performances vont augmenter dans un futur proche. La Formule a sa place et lorsque les capacités des batteries et les performances moteur vont croître, ça sera une formule très intéressante sur ces circuits urbains. C’est une autre forme de sport auto qu’il faut accepter. »
Tu es un habitué des 24 Heures de Spa, peut-on imaginer te voir passer à une saison complète en Blancpain GT Series ?
« J’avoue que ce n’est pas ma priorité. Cette course est spéciale pour moi et c’est la raison pour laquelle, j’aime y prendre part. Mais je ne me projette pas dans un championnat complet. »
En tant que pilote, comment vois-tu l’avenir des prototypes LMP1 ?
« Le Mans sera toujours Le Mans, ça reste une course incroyable. Mais le challenge, c’est maintenant de combiner les coûts avec l’innovation. Il y a toujours de l’intérêt de la part de constructeurs qui veulent faire Le Mans. Il y en a qui veulent de la technologie, d’autres qui souhaitent le faire avec un budget réduit. C’est là ou se trouve l’équilibre délicat à trouver. Lorsque l’on regarde le plateau du WEC, certes le LMP1 est en crise mais pour le reste, tout va plutôt bien entre le LMP2 et le GTE. Je pense que ça va prendre du temps pour retrouver une situation stable mais j’espère qu’ils vont trouver une solution car moi, j’aimerai bien encore pouvoir gagner quelques fois Le Mans ! Mais je n’ai pas idée de ce à quoi va ressembler ce futur Le Mans. »
Peut-on imaginer de voir André Lotterer prendre le départ du Mans en LMP2 l’an prochain ?
« Je pense tout de même qu’il y aura des LMP1 l’an prochain. Il y a quelques équipes qui se montrent intéressées. Il faut voir ce qu’elles proposent. Mais dans tous les cas, c’est une course que j’ai envie de gagner alors que ce soit en LMP1 ou LMP2, si c’est une voiture et une équipe qui me permettent de jouer la gagne, je serai intéressé. »