Andrea Pizzitola contraint (lui aussi) de raccrocher le casque en 2020

#25 ALGARVE PRO RACING (PRT) ORECA 07 GIBSON LMP2 ANDREA PIZZITOLA (FRA)

Hier c’était Enzo Guibbert, aujourd’hui c’est Andrea Pizzitola. L’un et l’autre ont du talent, c’est indéniable. Le talent ne faisant pas tout, les deux se voient contraints de raccrocher le casque cette saison dans l’attente de jours meilleurs. Ce retrait, qui on l’espère pour eux n’est que temporaire, n’a rien à voir avec le coronavirus.

Le système du sport automobile actuel fait que (très) peu de pilotes peuvent vivre de leur sport. Au mieux ils roulent sans toucher un euro, alors n’imaginez pas préparer votre retraite. Les équipes recherchent toutes 200, 300, 400 000 euros. Si vous avez ne serait-ce que 80 000 euros, mieux vaut les investir ailleurs car vous n’êtes pas intéressant pour des équipes qui ont de plus en plus de mal à boucler les budgets. On peut clairement dire que les sommes demandées sont indécentes. Le sport auto intéresse de moins en moins mais on continue à demander de plus en plus, toujours plus… Qui peut encore croire qu’on va diminuer les budgets ? Une saison ELMS sans Le Mans coûte environ 1,8M d’euros, 2,4M avec Le Mans et près de 4M pour le WEC.

Les pilotes qui n’ont pas de budget restent donc à la maison. C’est le cas d’Andrea Pizzitola, sans volant, obligé de travailler cette année dans l’entreprise familiale. A 27 ans, le Montpelliérain avait pourtant tout pour réussir. Vice-champion de Formule 4 2011, il passe en Formule Renault 2.0 avec de bons résultats à la clé. Place ensuite à la Renault Sport R.S.01 avec un titre qui lui offre un statut de pilote officiel Nissan pour faire un test en GT500 puis une arrivée en LMP2. Tous les feux étaient donc au vert. Le titre European Le Mans Series 2018 décroché chez G-Drive devait lui assurer un avenir radieux mais sans les sacrifices d’Algarve Pro Racing qui l’a fait rouler en 2019, la sortie de piste était déjà annoncée malgré le titre en poche et un passage de Silver à Gold.

On fait des règlements, on améliore les voitures, on demande d’être performant. On a juste tendance à mettre de côté l’humain. Où sont Gary Hirsch et Léo Roussel ? Les deux ont pourtant raflé une couronne ELMS mais ont été écartés de tout programme en passant de Silver à Gold à moins d’amener un budget conséquent. Vous seriez certainement surpris de voir combien de pilotes paient pour rouler, même des noms connus. Si vous payez une fois, c’est fini, vous tombez dans l’engrenage du pilote payant. L’étiquette vous collera à la peau.

“Je n’ai rien du tout pour 2020”, a déclaré un Andrea Pizzitola quelque peu désabusé à Endurance-Info. “J’avais deux pistes sérieuses en LMP2 dont une avec un contrat qui était signé. Depuis un an, tout le monde me dit que ça va sourire, que je vais rebondir. Finalement, il n’y a rien au bout. Mon coeur me dit de continuer à me battre mais je dois me faire une raison.”

Andrea Pizzitola avait même signé un contrat de pilote officiel en GT mais depuis, plus la moindre nouvelle. Rien, pas de réponse…

“Le passage de Silver à Gold a été bon et moins bon”, poursuit le Montpelliérain. “Je savais que ce serait dur mais je m’étais dit que si les gens estimaient que je valais le coup en tant que Gold, ça paierait un jour. Je suis déçu sur la façon de faire. Malgré tout, je reste ouvert à toute opportunité car je ne suis pas prêt mentalement à mettre un terme à ma carrière. Je sors pourtant d’une belle année avec Algarve Pro Racing en compagnie de John Falb et Olivier Pla. Rouler avec Olivier a été un vrai plaisir. Même pour un pilote de sa trempe, qui est un talent à l’état pur, c’est compliqué. Et pourtant, il a un nom.”

Andrea Pizzitola va donc travailler dans l’entreprise familiale en attendant de voir le bout du tunnel : “Je suis loin d’être le seul pilote dans ce cas. J’étais fou de sport auto mais je ne regarde même plus les courses. Avant, je me levais à 4h du matin pour regarder une course. Maintenant, je me lève mais pour le supercross américain. Ma passion en a pris un coup. Ma famille m’ a permis de rouler en karting et en Formule 4 où j’ai terminé vice-champion derrière Matthieu (Vaxiviere). Il fallait ensuite amener 150 à 200 000 euros pour passer en Formule Renault 2.0. Pour moi, c’était bouché mais j’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un qui m’a aidé. Les résultats sont venus mais une fois encore j’étais à l’arrêt après la Formule Renault. Par chance, mon team de FR cherchait un pilote pour épauler un gentleman en Renault Sport Trophy. Je n’avais pas le choix, il fallait remporter le titre pour devenir pilote officiel Nissan, ce que j’ai fait pour 0.4s. Je m’étais dit que le plus dur était fait mais pas du tout. Mon père s’en veut de m’avoir mis dans ce système mais si c’était à refaire, je le referais car j’ai vécu de bons moments. C’était un pari à prendre. Quand je suis arrivé en LMP2, je pouvais rêver de LMP1. Maintenant, il n’y a pas le moindre débouché sans amener de budget, au mieux il est possible de rouler gratuitement.” Son test sur la Ginetta LMP1 n’a pas eu de suite.

Si rien n’est fait, de plus en plus de pilotes vont se retrouver dans cette situation inconfortable. Et qu’on arrête de nous parler de filière. D’ailleurs, quelle est la solution ?