Notre nouveau chapitre consacré au Club des Pilotes des 24 Heures du Mans donne la parole à Anny-Charlotte Verney. Elle est la recordwoman des participations aux 24 Heures, avec 10 éditions consécutives entre 1974 et 1983, devant Vanina Ickx (7 participations) et Marie-Claude Beaumont (6).
En dehors des 24 Heures, Anny-Charlotte Verney a été trois fois Championne de France des voitures de Production et deux fois vice-championne, et a disputé 10 Paris-Dakar, et bien d’autres courses encore.
Anny-Charlotte Verney a baigné très jeune dans le monde du sport automobile, son grand-père ayant participé à la création des 24 Heures, son père ayant été Vice-Président de l’ACO, et la famille Verney -une famille de transporteurs, les Transports Verney ayant été longtemps parmi les acteurs majeurs du secteur- ayant aussi des liens familiaux avec la famille Bollée.
Palmarès de Anny-Charlotte Verney au Mans :
1974 : Anny-Charlotte Verney/Martine Rénier/Pierre Mauroy Porsche 911 Carrera RSR n°59 13ème
1975 : Anny-Charlotte Verney/Yvette Fontaine/Corinne Tarnaud Porsche 911 Carrera RSR n°67 11ème
1976 : Anny-Charlotte Verney/Hubert Striebig/Helmut Kirschoffer Porsche 934 n°54 11ème
1977 : Anny-Charlotte Verney/René Metge/Dany Snobeck/Hubert Striebig Porsche 911 Carrera RSR n°47 18ème
1978 : Anny-Charlotte Verney/Xavier Lapeyre/François Servanin Porsche Carrera RSR n°66 12ème
1979 : Anny-Charlotte Verney/René Metge/Patrick Bardinon Porsche 934 n°84 19ème
1980 : Anny-Charlotte Verney/Xavier Lapeyre/Jean-Louis Trintignant Porsche 935 K3 n°43 Abandon
1981 : Anny-Charlotte Verney/Bob Garretson/Ralph Kent-Cooke Porsche 935 K3 n°42 6ème
1982 : Anny-Charlotte Verney/Bob Garretson/Ray Ratcliff Porsche 935 K3 n°77 11ème
1983 : Anny-Charlotte Verney/Vic Elford/Joël Gouhier Rondeau M379 n°28 Abandon
Annie-Charlotte Verney est une authentique mancelle, puisque née au Mans. Elle a aimablement répondu à quelques questions à Endurance-Info.
Votre hérédité, avec un grand-père qui a participé à la création à la création des 24 Heures et les liens de la famille Verney avec la famille Bollée a-t-elle été déterminante pour votre entrée dans votre carrière sportive ? Vous avait-on encouragée dans ce sens ou avait-on plutôt essayé de vous en dissuader ?
”Je n ai pas eu la chance de connaître mon grand-père, mais des l’âge de 5 ans j’accompagnais mon père (qui était Vice-Président de l’ACO) et je lui disais : un jour je ferai les 24 heures et il me répondait : mais bien sûr, sous entendant que je ne savais pas ce que je disais ! Imaginez sa surprise quand il a découvert l’article dans ” Le Maine Libre” annonçant ma participation à mes premières 24 heures en 1974 ! Je n’ai jamais fait appel à ma famille pour toutes mes activités aussi bien sportives que professionnelles. Je suis d’une nature très très très indépendante !!!!
La seule remarque que mon père m’ait faite lors de ma première participation, et juste sur la ligne de départ : si tu sens que cela va trop vite pour toi , surtout ne force pas. Ce à quoi j’ai répondu, bien sûr, je mettrai le clignotant en bout de ligne droite et je m’arrêterai !!! No comment.
Par contre ma mère avait une toute autre optique : il fallait gagner ou être toujours dans les premiers.”
Avec dix participations au Mans, vous êtes la recordwoman des 24 Heures , devant Vanina Ickx.. Est-ce quelque chose dont cous êtes fière ou considérez-vous cela comme anecdotique ?
”Mes 10 participations au Mans sont anecdotiques car j’ai participé à beaucoup d’épreuves durant mes 20 ans de carrière (10 Paris-Dakar, beaucoup de rallyes africains et 8 ans de Championnat de France -voitures de production- entre autres).
Malgré tout je garde un souvenir extraordinaire de la semaine précédent les 24 Heures et de la demi-heure précédant le départ ainsi que de la dernière heure avant l’arrivée quand j’avais la chance d’être encore en course (8 fois sur 10 participations). C’est une épreuve unique au Monde. ”
Quel souvenir gardez-vous de votre première course au Mans en 1974?
“Je considère ma première participation en 1974 comme une séance d apprentissage car la ligne droite était plus qu impressionnante et sans chicane. C’était la première fois que je dépassais les 300km/h.
En GT, vous avez toujours couru avec des Porsche, pourquoi cette exclusivité ? Vous avez couru une seule fois en Proto, sur une Rondeau en 1983 pour votre dernière participation au Mans. Vous préfériez les GT ou est-ce simplement une question d’opportunité ?
”J’ai commencé ma carrière en 1972 avec une MEP Citroën , suite à mon stage à l’école de pilotage du Bugatti avec Marcel Mignot comme moniteur, ce qui par la suite m’a facilité la conduite des protos, mais j ai toujours eu une nette préférence pour les GT et surtout les Porsche.
J’aurais aimé conduire des Protos d’usine mais je n’ai pas eu cette opportunité”
Vous avez plusieurs fois engagé vous-même une voiture au Mans, en plus de la piloter ? Être pilote et en même temps concurrent, cela fait-il une grande différence par rapport à une participation en tant que pilote seulement ?
”J’ai eu la chance d avoir un staff très performant qui s’occupait entièrement de la logistique avant, pendant et après l’épreuve, ce qui me permettait de me consacrer à la conduite.”
Vous aviez engagé en 1975 une Porsche Carrera que vous pilotiez vous-mêmes avec Yvette Fontaine et Corinne Tarnaud, finissant deuxième en GT, je crois. Pourquoi avoir monté un équipage 100% féminin ?
”En 1975, nos sponsors, belge et français souhaitaient un équipage féminin.”
Vous avez couru plusieurs fois avec des Porsche 935. Quelle était leur puissance et quelle vitesse atteigniez-vous dans les Hunaudières ? Le pilotage des 935 était-il différent d’une GT « classique » ?
”Pour moi, c’est la Porsche 935 m’ a laissé les meilleurs moments de ma vie de compétition automobile. J’ai eu la chance de connaître la préparation Kremer qui était à un niveau de professionnalisme que je n’avais jamais eu avant et ensuite la 935 de l’écurie Américaine Cook Wood était à un niveau de préparation quasi équivalent et avec des moyens financiers digne des écuries officielles.
Je m’en suis rendu compte surtout aux 24 Heures de Daytona (il y avait une deuxième voiture dans le camion, identique à celle avec laquelle nous courions pour pouvoir prendre les pièces en cas de besoin).
La puissance était de 730 CV avec un moteur bi-turbo. Mon record de vitesse est de 356 sur la ligne droite des Hunaudières. La courbe passait à fond et il n y avait pas de chicane comme maintenant. Le pilotage était beaucoup plus musclé que dans les voitures du championnat de production, de part la puissance et le poids de la voiture.”
Quel est votre meilleur souvenir des 24 Heures ?
‘‘Je n ai pas de meilleur souvenir, j’en ai tellement que ce serait trop long à raconter par écrit.”
Y-a-t-il une -ou des- course pour laquelle vous avez des regrets ?
”Je n’ai jamais de regrets, Ma vie en tant que pilote a été super et m’a apporté d’immenses plaisirs.”
Vous avez eu des coéquipiers célèbres au Mans. Lesquels vous ont le plus marqué ?
”J’ai couru plusieurs fois avec Xavier Lapeyre que j appréciais beaucoup tant pour son pilotage rapide et très respectueux de la mécanique. Je garde un très bon souvenir de l’ensemble des pilotes avec lesquels j’ai couru, sauf un que je préfère ne pas mentionner.”
Dans les années 1980, vous vous êtes tournée vers les rallyes-raid ? Pourquoi avez-vous arrêté de courir en endurance ?
”J ai commencé en 1982 le Paris Dakar avec Mark Thatcher car notre sponsor commun Hertz nous a donné son accord et comme les circuits se terminaient fin octobre cela nous permettait de faire le Dakar en Janvier. De plus Thierry Sabine était un ami. J’ai arrêté les Voitures de production en 1982 après une année assez décevante avec Peugeot.
J’ai travaillé un an avec Thierry Sabine pour le Dakar 1983 et le Niamey-Bamako, j’étais responsable de la partie sponsoring et presse. En 1984 j’ai eu la chance d’avoir une proposition de Toyota pour les Rallyes africains. En 4×4, ce sont certainement les meilleures voitures que j’ai pu piloter.
J’ai arrêté définitivement ma carrière en 1992 après l’épreuve Paris-Le Cap car je n’éprouvais plus aucun plaisir à conduire dans ce genre d’épreuve.”
Quel est votre regard sur le sport automobile actuel ?
”Mon regard sur le sport automobile est qu’il faut de plus en plus de sponsors et avoir beaucoup de chance pour être pilote d’usine. Il y a de très bons pilotes sur la touche. Je regrette les Protos au Mans, parce qu ils se ressemblent tous et pour moi les 24 heures ont été créées pour des GT améliorées que tout le monde peut reconnaître.”
Nous remercions vivement Annie-Charlotte Verney pour sa disponibilité et sa gentillesse. Remerciements également à Christian Vignon et Luc Joly pour les photos.
L’ensemble des photos est disponible ici