Quelques jours après le lancement de la saison European Le Mans Series à Barcelone, le staff ORECA est à pied d’oeuvre à Spa-Francorchamps pour le lancement du WEC. Anthony Megevand, qui gère la compétition-client du constructeur varois, répond aux questions des différentes équipes dans le paddock de Spa avec en prime les réponses aux questions d’Endurance-Info.
Barcelone a répondu aux attentes compte tenu de l’ajustement de performance en LMP2 ?
« Avec 17 châssis LMP2 au départ, dont un pour la catégorie « Innovative Car », l’objectif était d’avoir le maximum de voitures à l’arrivée. Le bilan est globalement positif avec un seul abandon, mais nous sommes déçus pour DragonSpeed qui subit les conséquences d’un contact sur lequel le team ne peut absolument rien. C’est regrettable car, compte tenu de ce qui avait été vu en essais, l’équipage avait un très beau potentiel. L’une des satisfactions, c’est de voir la ORECA 07-MRC20 (nom de code de la LMP2, ndlr) à l’arrivée, sans aucun problème rencontré et les pilotes qui avaient le sourire. C’est un projet passionnant, c’est bien de le voir débuter en compétition ainsi après le travail fourni en développement.
« Au niveau de la performance, il s’agissait de la première apparition officielle de la ORECA 07 avec la puissance réduite de -50kw et le poids augmenté à 950kg. On ne peut pas dire que les pilotes sont heureux de ces ajustements mais la décision de ne pas rendre le kit Le Mans obligatoire en European LMS va dans le bon sens. Quoi qu’il en soit, une fois en piste, tout le monde donne le meilleur et on a vu une belle chasse aux chronos. Les cartes sont redistribuées, la course a été intéressante. Elle ne s’est pas limitée à la victoire de WRT. A titre d’exemple, la prestation de Panis Racing avec le trio Canal/Stevens/Aubry est sous-estimée. La première apparition en LMP2 de Ultimate est remarquable avec le Top 5 général pour les frères Lahaye et François Heriau. Cela prouve que chacun peut obtenir un beau résultat. Il y a beaucoup à dire sur cette première manche, notamment au niveau des pilotes ; c’est passionnant de voir l’évolution des uns et des autres. Le reste du championnat sera disputé, j’en suis convaincu. »
Ce changement a demandé du travail en interne chez ORECA ?
« Il y a forcément un temps d’adaptation et surtout des conséquences que les gens n’imaginent pas. Même si on comprend les raisons, baisser la puissance ainsi, augmenter le poids ainsi, ce n’est pas neutre. Nous avons donc réagi à ces nouvelles problématiques à travers différents ajustements, en amont puis sur le terrain. Ces changements ont aussi nécessité beaucoup de travail chez ORECA au niveau des approvisionnements, de la production, y compris pour la partie composite avec le kit Le Mans obligatoire en FIA WEC. Cela étant, le boulot le plus important a été pour les teams qui avaient préparé leur saison dans d’autres conditions et qui ont dû redoubler d’efforts. Après le premier meeting, on ne peut que souligner la quantité de travail et la qualité. »
Malgré une fin d’homologation fin 2022 des LMP2 actuelles, on voit de plus en plus d’équipes venir en LMP2 dans l’attente du LMDh. C’est le cas de WRT notamment. D’autres équipes y pensent pour 2022. Une belle satisfaction de voir la catégorie LMP2 jouer son rôle avant de voir plus haut…
« L’intérêt pour la catégorie LMP2 est toujours là effectivement et il a tendance à croitre. On voit de plus en plus de teams venir de disciplines et d’horizons différents : du GTE ou GT3 bien évidemment, de la monoplace également, de nouvelles nationalités aussi… C’est intéressant et c’est certainement créé par la perspective du LMDh mais pas seulement. Les pilotes prennent du plaisir au volant des LMP2 et on voit de plus en plus de jeunes talents venir se montrer, ainsi que des gentlemen drivers. Les teams peuvent par ailleurs exprimer leur savoir-faire. C’est le cas de WRT, de TF Sport, de WIN Autosport aux Etats-Unis… La vigilance est de mise malgré tout car la situation économique n’est pas simple. Il faut garder les pieds sur terre en se confrontant à la réalité du terrain. Il est nécessaire d’écouter tout le monde et de ne pas laisser des équipes de côté car le charme de notre discipline, c’est sa diversité. »
Il y a beaucoup d’Oreca 07 sur le marché. Est-il possible de voir un second marché post 2022 ? Par exemple une catégorie dans la catégorie, voire un championnat dédié ?
« Des possibilités post 2022, il y en a très probablement. Certains teams et pilotes ont fait part de leur souhait. De quelle manière cela peut s’articuler ? C’est à réfléchir et ce ne sera pas valable uniquement pour ORECA. Nous avons des idées mais il est trop tôt pour en parler. Nous sommes d’abord concentrés sur les saisons 2021 et 2022. »
Quel est votre état d’esprit à la veille du lancement de la saison WEC ? Tout est prêt ?
« Est-ce qu’on peut vraiment dire qu’en sport auto, et encore plus en endurance, tout est prêt ? L’état d’esprit est clair : apporter le meilleur soutien possible aux équipes, avoir de belles batailles en piste et toutes les voitures sous le drapeau à damiers. C’est une première course particulière avec les changements règlementaires évoqués plus tôt et les débuts de la catégorie Hypercar. Forcément, il y a une part de curiosité et de découverte autour de la performance des autos. On est dans un cadre magnifique avec une belle grille de départ et la compétition parait très ouverte ; ce devrait être un weekend intéressant. Bien difficile d’établir un pronostic en tout cas. En plus des ORECA 07 et Aurus 01, nous avons un œil particulier sur l’Alpine A480. Cette première course pour l’écurie Alpine Elf Matmut est une étape importante. »
Les dossiers LMH/LMDh avancent comme il faut niveau timing ? L’intérêt est toujours bien présent ?
« Les dossiers avancent de manière positive. Le timing est serré mais nous avons déjà composé avec ce type de situation par le passé et c’est peut-être même dans l’ADN d’ORECA d’y faire face. L’intérêt est là, c’est clair. Il faut être réaliste, tout le monde ne viendra pas mais certaines marques accentuent leur démarche, d’autres cherchent à venir plus tôt que prévu… Ce qui était valable il y a quelques mois ou quelques semaines reste valable : les profils sont variés, les attentes ou motivations diffèrent logiquement. Cela offre un beau panel. Quand on voit les marques qui se sont déclarées en LMH, celles qui s’engagent en LMDh, et celles qui avancent dans l’ombre… Cela va donner un plateau incroyable. Je reste convaincu que tout le monde peut en bénéficier, que ce soit les marques, les teams et les pilotes, ainsi que les quatre constructeurs LMP2. Mais il faut justement garder en tête que le LMDh ne peut être dissocié de la catégorie LMP2 et éviter toute dérive potentielle. »
A une époque où il est de plus en plus important de se diversifier, ORECA regarde de près autre chose que le prototype ?
« Ce n’est pas propre à l’époque. ORECA, ce n’est pas uniquement l’endurance ou les prototypes, même si l’Histoire du groupe y est étroitement lié depuis plusieurs décennies. ORECA est fort de ses expériences multiples, en monoplace, en tourisme, en rallye… Il y a des programmes qui ont été menés dans d’autres disciplines, voire dans d’autres sports, sans que cela soit nécessairement communiqué. Il y a des souhaits, des idées, des pistes ou sollicitions. Hugues de Chaunac pousse chacun d’entre nous à aller de l’avant, à penser aux projets futurs, à explorer. Vous avez régulièrement entendu parler d’Indy Car, c’est toujours le cas. Mais il y a d’autres envies… Nous avons un petit esprit mystérieux, il faut l’avouer. On ne se fixe pas de barrière avec toutefois une ligne de conduite qui ne change pas : nous ne voulons pas faire les choses pour dire de les faire, nous voulons les faire de manière qualitative et ambitieuse. »
Tous les corps de métier son touchés pour l’approvisionnement de pièces compte tenu de la situation sanitaire. Pas de gros délais chez ORECA ?
« Ce n’est pas une solution facile. Nous subissons à la fois le contexte sanitaire et économique actuel, mais aussi le Brexit qui n’aide pas. Nous essayons de nous adapter au mieux. Il faut faire preuve de réactivité et surtout d’agilité. Nous sommes tous dans le même bateau, nous devons donc être solidaires et compréhensifs les uns envers les autres. C’est le cas jusqu’à présent. Nous avons la chance de pouvoir exercer notre métier, d’être sur les circuits, notamment grâce au bon travail des organisateurs. Oui, il y a des galères et des imprévus, beaucoup de tests PCR à faire… mais on est là. Ce n’est pas de la naïveté de dire cela, simplement tout n’est pas rose mais tout n’est pas noir. Et quand le public sera de retour, ce sera encore mieux. »