Antonio Ferrari est le patron de l’équipe Eurointernational qui a remporté le titre ELMS en LMP3 et qui a contribué à décrocher celui de Rick Ware Racing en Asian Le Mans Series 2019/2020 en LMP2 Am. Ce qu’il faut savoir, c’est que le petit-neveu d’Enzo Ferrari est dans le sport automobile depuis des décennies. Nous avons remonté le passé en sa compagnie lors de la pénultième manche de la série asiatique à Kuala Lumpur, en Malaisie…
« En 2020, nous fêtons les 30 ans de présence de l’équipe en sport automobile et de façon consécutive ! » Le ton est donné ! Antonio Ferrari est un vrai personnage du paddock. Jovial, toujours prêt à raconter des anecdotes, le verbe haut, normal, il est italien ! « C’est peut être difficile à imaginer, mais nous sommes l’une des écuries les plus anciennes d’Europe et nous sommes aussi l’écurie qui compte le plus de victoires. Nous avons disputé notre 824e course à Buriram en Thaïlande lors de la finale de l’Asian Le Mans Series, nous en avons gagné 240, en incluant les victoires de catégorie ! »
On a souvent l’impression qu’Eurointernational est dans le paysage de l’endurance depuis quelques années seulement, mais il faut remontrer bien plus loin que cela ! « L’équipe a commencé en 1989 et, à ce moment-là, je n’étais pas le propriétaire de l’équipe, simplement l’ingénieur et le team-manager. C’est ce que je continue à faire maintenant. Nous avons débuté en CART avec Jean-Pierre Frey, mais au bout de trois courses, nous avons dû nous retirer. Nous étions presqu’à la veille des 500 Miles d’Indianapolis, course qui était un rêve pour moi. J’ai quand même décidé de continuer au lieu de rentrer à la maison en Italie. Finalement, la voiture pilotée par Davy Jones, qui roulait sous mon nom, Euromotorsport Racing, termine 7e des 500 Miles et avec l’argent, je m’en souviens encore 257 000 dollars, j’ai acheté l’équipe. Nous avons pris part à plus de 100 courses en CART et participé aux 500 Miles d’Indianapolis à neuf reprises. »
Eurointernational, c’est aussi une grosse présence en Endurance et cela dès le milieu des années 90 avec une auto mythique. « Nous avons aussi roulé en IMSA en 1994 et 1995 en tant que représentant Ferrari. Nous avons emmené la Ferrari 333 SP à sa première victoire à Road Atlanta avec Jay Cochran en 1994. Une 2e auto était aussi engagée pour Mauro Baldi.
Nous avons ensuite terminé 2e en catégorie WSC des 24 Heures de Daytona en 1995 (avec Fabrizio Barbazza, Massimo Sigala, Gianfranco Brancatelli et Elton Julian, ndlr) et seul représentant Ferrari. Nous dominions le champion IMSA cette année-là, mais Fabrizio Barbazza a eu son terrible accident (le 30 avril 1995 sur le circuit de Road Atlanta. Il est victime d’un très grave accident, qui le laisse plusieurs semaines dans le coma. Bien que parfaitement remis de son accident au terme d’une longue convalescence, il préfère mettre un terme à sa carrière, voir vidéo). »
« A partir de ce moment-là, nous ne devions pas aller au Mans, mais j’ai eu un coup de téléphone pour y participer. Nous avons donc aligné la première Ferrari 333 SP en Sarthe avec le #1 (René Arnoux, Jay Cochran, Massimo Sigala). Je me rappelle de chaque moment de la semaine au Mans, même si c’était il y a 25 ans maintenant. C’est un peu comme si c’était hier. Daniel Perdrix était aux vérifications. J’ai une surprise pour lui car j’ai la pièce qui a été installée sur cette Ferrari pour contrôler le régime moteur. Elle a cassé et la voiture s’est arrêtée après seulement sept tours de course. Je lui donnerai cette pièce. C’est un épisode de ma vie très important pour moi. Le sport auto est fait de parties comme celle-là. J’ai fait les 24 Heures du Mans avec des Ferrari 512, des Lancia, Alba Motori Moderni, etc… En tout, 9 fois ! Nous avons aussi gagné Road To Le Mans 2018 avec Mikkel Jensen et Kay van Berlo sur une Ligier JS P3. »
Comme Antonio Ferrari l’a précisé, il compte neuf fois les 24 Heures du Mans à son actif en simple ingénieur ou en tant que patron d’écurie. « Mon meilleur souvenir aux 24 Heures du Mans restera ma première fois, c’était en 1981 en tant que tout jeune ingénieur. J’ai été diplômé en novembre 1980 et le Mans était en juin. J’ai été pris en tant que second ingénieur sur une Ferrari BB512 Supercar Bellancauto (#45 pilotée par Fabrizio Violati, Duilio Truffo et Maurizio Flammini, abandon après 118 tours sur problèmes électriques, ndlr). L’ingénieur principal était Pallanca, très connu à l’époque. J’ai fait tous les essais avec cette Ferrari sur une autoroute qui était en cours de construction (rire). J’étais jeune, je n’avais pas d’expérience, et avec les trois pilotes, je n’avais que les indicateurs mécaniques classiques, pas d’ordinateur, juste des feuilles pour tout noter. Ensuite, on est allé aux 24 Heures du Mans, j’ai adoré cette première expérience, c’était un rêve pour moi. »
« J’ai aussi aimé ma venue en 1988 avec la Lancia LC2 (#24 de Dollop Racing avec Nicola Marozzo, Jean-Pierre Frey, Ranieri Randaccio, ndlr). Certes la voiture était assez vieille, mais nous étions en mesure de finir, mais nous avons eu des soucis mécaniques (abandon moteur 255 tours, ndlr). »
Depuis 1981, date de sa première venue au Mans, l’Italien accumule les souvenirs, les bons comme les mauvais…« Le meilleur souvenir aux 24 Heures du Mans restera cette venue avec la Ferrari 333 SP. C’était plus politique pour moi, on peut le dire maintenant, il y a 25 ans déjà. La voiture était ultra rapide, mais c’était le temps des suspensions actives. Il y avait tellement d’électronique dans cette auto. Nous venions de l’IMSA et la limite régime moteur de 14 000 tr/mn était gérée par ordinateur. J’ai compris, bien des années plus tard, que les gens avaient des doutes sur le fait que c’était bien une voiture usine. Certes, elle était sur le nom d’un privé, mais nous étions soutenus par Ferrari. A cette époque, la politique de Ferrari était plus tournée vers la F40, version Jean Todt, alors que Piero Lardi Ferrari (fils d’Enzo Ferrari, ndlr), était plus 333 SP. Au final, nous avons eu le moteur course pour les essais et le moteur essai pour la course. On a pu voir au warm-up que la voiture était très rapide, mais c’était un moteur de Formule 1, différent de ce que l’on pouvait trouver en endurance. Nous avons dû changer le régime moteur avant la course car ce moteur était d’un tout autre niveau. »
« Par contre, au niveau des mauvais souvenirs, je citerais 1985 lorsque j’étais chez Grifo Autoracing. » Il est alors directeur technique et team manager de l’Alba AR3 #82 qui est pilotée en Sarthe par Paolo Giangrossi, Pasquale Barberio et Mario Radicalla. « La voiture n’était pas compétitive, le moteur Cosworth 3.3 litres était complètement neuf et livré au circuit par Nicholson. Il n’a duré que 10 tours ! La voiture était bien en Championnat du Monde, mais au Mans, elle a été inexistante… »
A suivre…