En discutant avec Bertrand Baguette et Naoki Yamamoto samedi soir sous la tente du Nakajima Racing, on a senti que les deux étaient en confiance avant d’attaquer les 1000 km de Suzuka, le plus gros morceau de la saison SUPER GT. Alors que le Japonais prenait congé du Belge, les deux s’étaient donnés rendez-vous sur le podium dans un éclat de rire. Exactement 24 heures plus tard après notre conversation, les deux étaient sur le podium de l’épreuve, Bertrand Baguette sur la plus marche, Yamamoto sur la 3e. Une bien belle satisfaction pour un pilote qui était à la recherche d’un bon résultat depuis quatre ans.
Après l’épopée FIA WEC chez OAK Racing, Bertrand Baguette a tenté l’aventure au pays du Soleil Levant chez Nakajima Racing en 2014. Avant Suzuka, le Belge n’avait décroché que 26 points depuis ses débuts dans la série avec 7 points en 2014, 4 en 2015, 12 en 2016 et 3 en 2017. Les 25 points ramenés de Suzuka lui permettent de gonfler nettement son capital points et surtout son capital confiance.
Seule auto du plateau à être équipée de gommes Dunlop, la NSX-GT qu’il partage avec Kosuke Matsuura n’embarquait que 6 kg en plus pour cette course, soit le plus petit lest de toutes les GT500 en piste.
Dix ans après le dernier succès du Nakajima Racing en SUPER GT, cette victoire aux 1000 km de Suzuka fait forcément plaisir à Bertrand Baguette, comme il nous l’a confié après l’arrivée : « Cette victoire est tout sauf de la chance. Nous avons eu une auto compétitive tout le week-end. Cependant, on ne savait pas comment les pneus allaient se comporter sur de longs runs. Les Dunlop ont été constants sur chaque relais. J’ai roulé lors du warm up et je me suis dit qu’on avait un bon package pour la course mais il restait à transformer l’essai en course. »
L’utilisation des pneumatiques reste un élément primordial en SUPER GT : « Sur une telle distance, nous avons eu peur de la constance des pneus en fin de course lorsque la température de piste était en baisse. Nous avons pu garder l’avantage. L’équipe n’a pas commis la moindre erreur avec une stratégie aux petits soins. J’ai encore du mal à croire à cette victoire. Gagner à Suzuka n’a pas de prix. Quatre ans que je n’avais plus rien gagné. »
Les essais avaient plutôt bien débuté pour le tandem de la Honda aux couleurs Epson en se hissant sur la 2e ligne : « Les essais libres n’avaient pas donné entière satisfaction avec une auto très instable sur l’arrière et nous avons changé pas mal de choses. Le team a réagi, Dunlop également. J’ai réussi à passer en Q2 malgré la Nissan #23 qui m’a gêné. Matsuura-san a parfaitement maîtrisé la Q2. »
Avant l’épreuve, l’équipe a bouclé six journées d’essais sur le tracé de Suzuka. « Nous avons le droit à plus de journées de roulage car nous n’avions pas de victoire » explique le pilote de la #64. « C’est nécessaire pour nous car tout le développement des gommes Dunlop repose sur l’équipe. Le manufacturier s’est beaucoup investi. Cela ne fait jamais plaisir d’être régulièrement dans les dernières places. »
Depuis 2014, le Belge a connu plus de bas que de hauts au Japon : « Cette victoire est une juste récompense et elle est forcément spéciale. Malgré les mauvais moments, le Nakajima Racing est resté soudé. Cette équipe est ma famille japonaise. Dix ans que le Nakajima Racing n’avait plus rien gagné en SUPER GT. C’est la fin du calvaire pour eux. Il y a eu beaucoup d’essais et de travail de développement avec aucun temps de repos pour les mécaniciens. »
« Rouler avec seulement 6 kg a forcément été un plus » souligne « BB ». « En début de relais, on reprenait 5s à la Honda/Keihin qui avait 30 kg de plus que nous. On savait que les Lexus seraient très lourdes. Tout le monde a tellement travaillé pour en arriver là. On espère maintenant poursuivre sur cette bonne dynamique à Buriram dès le prochain rendez-vous puis à Motegi pour la finale. Le circuit thailandais est le seul où nous sommes passés en Q2 en 2016. Ce meeting de Suzuka nous a donné des enseignements pour le futur sur ce qui marche et ce qui ne marche pas. En 2016, nous avons changé de direction sur le travail des pneumatiques. On sait que pour le moment nous ne sommes pas assez réguliers sur l’ensemble des circuits. »
Le SUPER GT reste l’une des séries les plus relevées au monde, ce que ne dément pas le Belge : « Le championnat est très compétitif. On le voit avec un pilote de la trempe de Jenson Button qui doit trouver ses repères. Trois marques et quatre manufacturiers pneumatiques sont présents. C’est la guerre sur la piste. Je suis quelque peu attristé de voir que les 1000 km de Suzuka vont changer de format. Tous les pilotes adorent cette course. »
Le programme 2018 de Bertrand Baguette n’est pas encore fixé mais poursuivre l’aventure au Japon reste la priorité, lui qui a roulé en parallèle en Super Formula durant deux saisons, autre championnat incroyablement relevé : « Tout reste ouvert pour 2018 mais je compte bien continuer en SUPER GT. Je me sens bien ici, le team et Honda sont satisfaits de mon travail. Avoir un contrat de pilote officiel n’est pas chose facile par les temps qui courent. Je suis revenu rouler en Europe en Blancpain Endurance Cup avec Lamborghini mais le programme n’est pas allé à son terme. L’arrivée de la NSX GT3 ouvre aussi de nouvelles portes. »
Malgré la difficulté de la langue, le Belge s’est parfaitement acclimaté au Japon : « Je parle déjà français, anglais et italien couramment. J’ai pris des cours de japonais et je commence à me débrouiller. Je suis en colocation avec Andrea Caldarelli à Tokyo, ce qui me permet de garder une atmosphère européenne (rires). Les débuts n’ont pas été faciles mais j’adore la culture du pays. Plus j’y suis, plus j’apprécie. Il y a aussi bien le respect que la gentillesse. Cela fait plaisir de voir qu’il existe encore des endroits de la sorte dans le monde. »