Bruno Engelric (Mecachrome) : « On ne va pas laisser tomber »

#5 CEFC TRSM RACING (CHN) GINETTA G60 LT P1 MECACHROME LMP1 CHARLES ROBERTSON (GBR) DEAN STONEMAN (GBR) LEO ROUSSEL (FRA) MICHAEL SIMPSON (GBR)

Acteur incontournable depuis plus de 30 ans dans la conception, l’ingénierie, l’usinage et l’assemblage de pièces et d’ensembles de haute précision dans différents domaines allant de l’aéronautique à la défense en passant par l’énergie et le sport automobile, Mecachrome a profité d’une catégorie LMP1 revigorée pour proposer un moteur V6 turbo de 3.4 litres. Ginetta a signé un partenariat avec le motoriste français bien avant la présentation de la LMP1 britannique dont l’exploitation a été confiée à Manor.

La machine s’est enrayée dès le début avec une absence en piste des 6 Heures de Spa en mai dernier après que le sponsor chinois CEFC China Energy n’ait pas rempli ses obligations financières auprès de l’équipe Manor. C’est donc aux 24 Heures du Mans que les deux Ginetta LMP1 équipées du moteur Mecachrome ont débuté. Une seule des deux a rallié l’arrivée après plusieurs arrêts prolongés, trois heures environ au total. A deux semaines de la manche FIA WEC de Silverstone, Ginetta a décidé de se tourner vers un nouveau partenaire moteur, en l’occurrence AER, pour équiper la Ginetta G60-LT-P1. Ce n’est pas pour autant que Mecachrome compte remiser son moteur au garage. Bruno Engelric, directeur de Mecachrome Motorsport, a répondu à nos questions sur la collaboration avec Ginetta mais aussi sur le futur de son moteur LMP1.

Le partenariat avec Ginetta a été de courte durée…

« Les difficultés d’ordre financier sont apparues dès le Prologue et ont ensuite été confirmées à Spa, date à laquelle nous n’avions toujours pas de contrat signé pour une participation des deux voitures de Manor à la super-saison de WEC ; après Le Mans, les relations commerciales sont devenues compliquées. La problématique ne vient pas de Ginetta car j’ai beaucoup de respect pour Lawrence Tomlinson et son équipe. Tout ce que Lawrence a promis a été fait. Ce projet de moteur LMP1 a vu le jour parce que Ginetta a été avec nous dès le début. Aller plus loin devenait compliqué de part le manque de financement de l’écurie d’exploitation Manor. L’objet du contrat initial était de faire rouler deux autos sur l’ensemble de la Super Saison avec comme première étape de terminer les 24 Heures du Mans, ce qui a été réalisé avec une auto, l’autre ayant abandonné suite à un problème électrique indépendant de notre prestation. Nous savions que nous n’allions pas nous battre pour réaliser la pole dès la première année. J’ai connu cela avec Peugeot du temps de la 905. La voiture a abandonné lors de sa première participation au Mans avant de gagner les deux années suivantes. Mais nous avions organisé cinq simulations de 30 heures avant chaque édition victorieuse. »

Ginetta vous a fait le reproche que le moteur Mecachrome manquait de puissance…

« Moins de 3000 km au total avec les deux voitures ont été bouclés avant les 24 Heures du Mans, ce qui n’aide pas la préparation en vue de la plus grande course d’endurance au monde. Même si nous avions eu 50 chevaux supplémentaires, le résultat final n’aurait pas été meilleur. Il fallait avant tout la fiabilité et c’est déjà une belle satisfaction d’avoir vu l’arrivée pour la première participation de l’ensemble Ginetta-Mecachrome. Ginetta vient de se tourner vers AER qui dispose d’un moteur plus abouti que le notre en termes de développement mais aucune des deux voitures engagées au Mans en juin n’a vu l’arrivée suite à des casses moteurs. »

Le projet Mecachrome LMP1 est mis en stand-by ?

« Absolument pas ! Mecachrome a investi beaucoup d’argent dans ce projet. J’ai bien conscience que trouver de nouvelles équipes en milieu de saison ne sera pas facile mais il n’est pas question de mettre ce projet de côté. »

Voir le moteur hors de la catégorie LMP1 est possible ?

« D’autres projets peuvent voir le jour, notamment aux USA. L’architecture de notre moteur, sa fiabilité et son niveau de performance sont compatibles avec les attentes de la catégorie DPi. »

Mecachrome fait partie des tables rondes sur la future catégorie ‘Hypercar’ ?

« Nous faisons partie des fournisseurs invités et nous allons y participer. Les dernières orientations sont connues mais il est primordial que la nouvelle réglementation soit stable, par exemple sur une période de cinq ans. Tout le monde vient au Mans pour gagner et j’ai bien conscience que le travail du législateur n’est pas simple. Mais la stabilité technique est le meilleur atout pour continuer d’améliorer la qualité du plateau. Il ne faut pas non plus oublier les écuries privées. »

Vous croyez au concept DPi ?

« La catégorie DPi est une catégorie adaptée à notre motorisation. L’endurance demeure un créneau idéal pour le développement commercial de notre moteur. »

Des discussions sont en cours pour un retour à court terme du moteur Mecachrome ?

« Nous avions des contacts avancés dès l’annonce du projet sachant que nous nous sommes lancés assez tard. Nous avons toujours cherché à discuter avec les constructeurs de châssis plutôt qu’avec les équipes. Dallara avait déjà signé avec AER. Oreca s’est engagé très tardivement en LMP1 ce qui leur imposait de continuer avec la motorisation qu’ils connaissaient parfaitement en LMP2. Onroak Automotive n’a pas de projet LMP1 à ce jour. S’engager avec Ginetta était la bonne solution. Nous débutions ensemble dans cette catégorie et nos deux entités avaient tout à apprendre ensemble. »

Selon vous, l’avenir passe par l’hybride ?

« C’est l’orientation que nous avons de nos jours dans le sport automobile en accord avec le développement du marché automobile. On peut par exemple imposer une partie motorisation avec un kit électrique identique pour tout le monde tout en gardant la différentiation par le moteur thermique. Une fois le fonctionnement du système hybride électrique bien maitrisé par les écuries, le législateur pourrait alors ouvrir le développement dans la partie électrique, comme cela a été le cas en Formule E. Mais il faudra quand même faire très attention au risque d’inflation budgétaire incompatible avec le financement des écuries privées. »

Mecachrome reste impliqué en sport automobile à court terme ?

« Nous avons une grosse activité avec Renault F1, avec les championnats F2 et GP3, et depuis peu aussi avec Citroën en WRC2 pour le programme R5. Le moteur V634 a été initialement développé pour fournir le plateau GP3 en version atmosphérique, et la Formule 2 en version turbo. L’activité ne manque donc pas chez Mecachrome Motorsport. Sur la base du V6 Turbo de Formule 2, nous avons développé une version avec l’injection directe adaptée au règlement LMP1 et nous comptons bien continuer son développement. »