Carlos Tavares est un vrai passionné de sport automobile et, en particulier, d’historique. Le patron de PSA a en effet alterné les épreuves modernes comme les 24 Heures du Nürburgring et historiques avec le Monte Carlo Historique et Le Mans Classic. Toujours accessible pour parler de sa passion du sport automobile, Carlos Tavares nous a accordé un entretien lors de l’Historic Tour au Mans pour évoquer ses différentes passions, mais aussi aborder l’avenir de Peugeot en sport automobile.
Qu’avez-vous pensé de Le Mans Classic cette année ?
« Cet événement est juste colossal, il n’y a rien à dire. Le Mans Classic est en train de devenir un monument du sport automobile. De plus, le romantisme attaché aux courses automobile, et à l’historique en particulier, est en train de croître. Les gens associent ces courses anciennes à l’idée qu’ils se font de la liberté et de la liberté de mouvement qu’offre l’automobile. Les gens recherchent ce parfum. C’est pour cela que les événements historiques ont de plus en plus de succès, ça leur rappelle leur jeunesse et les moments où l’automobile signifiait seulement la liberté de mouvement, la découverte de nouveaux espaces, la convivialité et les moments passés en famille. Cette quête pousse les passionnés à venir sur ce type de meetings qui sont très bien organisés et une véritable fête pour tous ces amateurs d’automobile. »
Comment s’est passé Le Mans Classic sur le plan personnel ?
« Ça s’est très bien passé. Sur le plateau 5, avec 74 voitures, nous avons signé le 8e temps aux essais (avec une Lola T70 MKIII B, ndlr). Nous avons terminé 3e des deux premières courses. Au départ de la 3e, nous étions de nouveau P3 mais, malheureusement, en essayant de suivre les deux voitures devant moi manifestement plus rapides, j’ai fait un tête-à-queue. Jusque là, rien de très grave, mais lors de mon retour sur la piste, en passant sur l’herbe, j’ai mis un peu trop de gaz et je me suis retrouvé dans le mauvais sens. Un autre concurrent, qui a pourtant dû rentrer dans cette zone placée en double jaune, est venu me percuter. C’est dommage, ça s’est arrêté là car nous pouvions terminer 2e sur l’ensemble du Mans Classic. C’est le sport automobile, il ne faut pas faire de faute et j’en ai pourtant commis une. »
Comment est la Lola T70 à piloter ?
« Elle est exceptionnelle et très bien motorisée. Son moteur dépasse les 500 chevaux, on prend 285 km/h au freinage de la première chicane des Hunaudières, en plus avec des freins qui ne datent pas aujourd’hui. On freine à deux cent mètres et parfois on utilise les deux files pour maintenir l’auto en piste. Elle a une tenue de route conforme à son châssis aluminium et à ses pneus très durs. De plus, nous avons une réglementation au niveau de la garde au sol, imposée pour nous ralentir, qui nous oblige à rouler très haut. C’est donc une auto sans aéro, avec une garde au sol très élevée, mais avec un moteur qui nous propulse à 285 km/h. Il faut donc bien faire la distinction entre le pilotage en ligne droite et celui en virage. Une fois que l’on a compris cela, que l’on a digéré le fait que la boîte de vitesses, les freins et la direction sont un camion, c’est une auto extrêmement sympa à piloter. »
Vous étiez à l’Historic Tour au Mans avec une monoplace. Aimez-vous passer d’une catégorie à l’autre ?
« Oui ! J’ai roulé avec une Formule 3. J’aime bien et j’essaye de rouler dans différentes catégories historiques. J’ai disputé Le Monte Carlo Historique avec une Peugeot 104 ZS, Le Mans Classic avec la Lola T70 de Richard Mille, la F3 Classic avec une Chevron B47. J’ai aussi roulé en moderne aux 24 Heures du Nürburgring sur une Opel Calibra et aux 24 Heures de Magny-Cours sur une Peugeot 208 Racing Cup. Plus c’est diversifié, plus ça me plait. La diversité fait partie des plaisirs, des sels de la vie ! Cela fait partie de mes plaisirs de pouvoir sauter d’une voiture à une autre et le plaisir c’est aussi la diversité. C’est aussi le fait de se dire que l’on peut pratiquer le sport automobile dans des catégories différentes, avec des réglementions différentes et des autos différentes. En règle générale, je suis pour une vie où l’on ne s’ennuie pas à mourir ! »
Vous roulez aussi en VLN et, donc, aux 24 Heures du Nürburgring sur une Opel Calibra. Comment ça se déroule ?
« Difficilement car le VLN est extrêmement relevé. Aux 24 Heures du Nürburgring, il a fallu faire très attention aux GT3 qui nous dépassaient par paquet, surtout la nuit. Ce sont des autos de 500 chevaux et, quand elles arrivent en paquet, le 4e ou le 5e ne voit pas forcément que le premier est en train de doubler une auto plus lente. Cela peut paraître curieux, mais il y a une vraie science à se faire doubler. Le VLN est une discipline assez violente avec un niveau de compétitivité assez haut, mais ce sont des courses. Je ne plains pas du tout de cette virilité, mais le plateau est costaud.»
On vous a vu à Spa il y a deux ans au volant d’une LMP3 lors des 4 Heures de Spa ELMS. Pourquoi ne pas avoir continué en moderne ?
« Le moderne m’intéresse énormément, mais si on ne m’a pas revu en LMP3, c’est parce que c’est trop cher ! J’ai fait cette course à Spa dans des conditions particulières et c’est une belle discipline. Cependant, j’avais trouvé la LMP3 sous motorisée par rapport à son efficacité aéro et ses appuis aérodynamiques qui sont très bons. Par contre, du point de vue de la tenue de route à haute vitesse, l’adhérence est vraiment bonne, on peut vite progresser avec ce genre d’auto. En tout cas, j’ai adoré cette expérience et le fait de partager le baquet avec Erik Maris sous la coupe d’OAK Racing et Jacques Nicolet. Ce fut vraiment sympa. Par contre, je le répète : c’est trop cher pour moi !”
Peugeot a annoncé la poursuite de son implication en WRX (Championnat du Monde de Rallycross), mais avez-vous regardé de prés le nouveau règlement “Hypercar” qui va être mis en place par l’ACO et la FIA ?
« Pour être franc, non ! Pour le moment, nous sommes en WRX. Je me suis rendu à Lohéac début septembre (pour la manche française, ndlr) et j’ai trouvé que c’était une fête extraordinaire. Là aussi, j’ai pu rencontrer de vrais passionnés, c’est très beau. Attention néanmoins, ces passionnés devraient donner de la voix s’ils veulent préserver leur sport car le sport automobile tel que nous l’avons vécu à Lohéac pourrait être contesté dans quelques années (une réglementation électrique devrait voir le jour pour 2021, ndlr). Il ne faut pas attendre qu’il le soit ! En tout cas, j’ai trouvé ce moment fabuleux, mais il va falloir que l’ensemble de ces forces, les organisateurs, la Fédération, les passionnés sachent aussi protéger leur discipline de manière à ce qu’elle ne soit pas remise en cause un jour ou l’autre. »
Donc l’endurance pas plus que ça ?!
« Je suis sûr que mes proches collaborateurs y ont prêté une grande attention. Pour le moment, ce que j’observe en E-WRX ou en Endurance, c’est la difficulté à finaliser de grandes réglementations. Pour une raison bien simple : le sport automobile doit protéger sa compétitivité marketing par rapport à d’autres activités marketing. Si on ne sait pas établir un règlement qui mixe à la fois une compétition de haut niveau, c’est-à-dire de belles bagarres, et la maîtrise des coûts pour que la compétitivité du sport auto en tant qu’outil marketing ne se dégrade pas, ce n’est pas bon. Si on n’arrive pas à trouver cet équilibre là et à faire venir un nombre suffisant de concurrents, les disciplines sont alors difficiles à faire naître ou à faire vivre. Je n’ai, par contre, aucune inquiétude sur le fait que le nouveau règlement du WEC débouchera sur des choses très positives. Je ne suis pas soucieux, mais je constate juste que c’est de plus en plus compliqué. Il ne faut pas l’ignorer : des gens pleins de bonne volonté, intelligents, avec une grande vision du sport ont du mal à trouver un point d’équilibre entre les dimensions budgétaire, passion et sportive. L’ensemble de ces trois facteurs doit converger pour faire un grand événement ou un grand championnat et c’est de plus en plus difficile ! »