– On parle souvent du Mans comme le jour le plus long. Pour des raisons différentes, je crois que Pikes Peak n’est pas mal non plus dans son genre. C’est un autre point commun que ces deux courses partagent. Ma journée a débuté par le réveil un peu après 4h du matin, pour un départ de l’hôtel à 4h45 et une arrivée sur la montagne aux environs de 5h15. J’ai eu la chance d’éviter le trafic ! Cette journée, dont je me souviendrai longtemps, s’est terminée en fin de soirée pour de bonnes raisons
– En arrivant au parc d’assistance, je ne vais pas vous mentir, j’ai fait une petite sieste jusqu’à quelques minutes du briefing. Je suis passé prendre le café aux camions RD Limited où le team était bien installé avec ses pilotes. Le programme ne change pas d’une année sur l’autre : messe pour ceux qui le souhaitent, briefing pilotes – réduit à quelques phrases consacrées à la ligne de course (autant ne pas jouer avec !) et au respect du public – une petite prière d’un concurrent pour souhaiter une bonne course à tout le monde et invoquer une bonne météo, ainsi que l’hymne national américain.
– Retour à la structure VW Motorsport ensuite pour récapituler le programme, la procédure de départ mise au point par les ingés et glaner quelques infos sur la montagne, soit concernant l’état de la route, soit au sujet de la météo, relativement clémente à cet instant (un peu après 7h). Après quelques interviews, une discussion avec mon ami Brice (aussi mon ingé sur ce projet) et d’autres membres de l’équipe, je me suis mis petit à petit dans ma bulle. J’ai retravaillé une dernière fois les vidéos en même temps qu’un petit déjeuner léger.
– Les motos sont parties à 8h. Je n’en ai pas vu beaucoup. A proximité de la ligne de départ, une personne du team tenait au courant Brice de l’évolution : Pikes Peak est particulier à ce sujet, nous avons un ordre de départ mais aucun horaire. Il faut donc se tenir prêt. Hormis un drapeau rouge, le déroulement était correct. Je me suis installé dans l’auto à 9h23. Mon départ était espéré dans les 5 minutes suivantes. Il aura finalement lieu à 10h09 ! Je suis resté plus de quarante minutes dans l’auto à attendre, mais je n’ai pas trop stressé. Je ne voyais pas les nuages s’amasser, je voyais seulement un peu d’inquiétude sur les visages de Brice, FX Demaison et Sven Smeets. Avant de partir, on m’a dit qu’il y avait du brouillard à un ou deux endroits. J’ai relativiser en me disant que nous avions un gros potentiel pour le record électrique.
– 10h09, le départ donc. Je n’ai pas traîné sur la pré-grille. Moins de 30 secondes entre le départ de la tente et la ligne de départ. Le flag man m’aura simplement fait une fausse alerte en annulant trois fois le décompte ! Je me suis concentré, j’ai évité de regarder autour de moi et je suis parti avec une idée en tête : attaquer fort au début. Les deux premiers secteurs ont été conformes à mon run de qualifs, ce que je n’espérais pas forcément. La portion du milieu a été la plus difficile, avec de l’humidité et une frayeur. J’étais sur des oeufs et j’ai perdu quelques secondes sur le temps idéal. Quand je suis passé sur l’autre versant, j’ai su que le brouillard était derrière moi. J’ai attaqué à nouveau et ça a tenu jusqu’au sommet. Vu tout ce qui m’était arrivé lors des précédentes éditions, je me suis quand même posé quelques questions dans le dernier virage !
– Je ne connaissais pas mon temps en arrivant en haut de la montagne. Je me doutais fortement que j’avais battu le record, mais est-ce que j’étais passé sous les 8 minutes ? Au début, une personne m’a dit que non, puis l’organisation m’a confirmé que si. J’ai attendu l’arrivée de Simone Faggioli parce que je savais qu’il ferait un bon chrono. Et j’ai savouré. Cette fois, on le tenait notre record ! L’objectif était le record électrique mais nous avions compris, durant la semaine, que la barre des 8 minutes n’était pas qu’un rêve. J’en avais encore parlé avec Brice la veille au soir. Il fallait tout mettre dans l’ordre et que la montagne décide comme ils disent ici. Que la montagne décide de nous laisser notre chance. C’est Brice que j’ai appelé en premier et j’aurais voulu le voir à ce moment là tellement nous avons bossé ensemble sur ce projet.
– Ensuite, c’est une autre attente qui a débuté. Raphaël Astier est arrivé, avec un bon chrono et la 2ème place de sa catégorie. Vanina Ickx a fait une belle montée également, en moins de 11 minutes, son objectif. Les drapeaux rouges se sont accumulés, la météo s’est dégradée, comme souvent. La pluie puis les grêlons gros comme des balles de ping-pong ! L’organisation a dû réduire la montée pour les derniers partants, dont Laure Many. J’étais vraiment déçu pour Laure qui vient en pure passionnée et qui avait déjà eu la neige l’an dernier.
– Après plusieurs heures à patienter, et à répondre aux questions des journalistes présents au sommet, dont des journalistes asiatiques très curieux (!) l’heure de descendre est enfin arrivée. Par précaution, et compte tenu des conditions, je ne suis pas descendu avec la voiture. Un peu avant de retrouver le parc d’assistance, je suis monté sur l’aileron de Paul Dallenbach, une des légendes de Pikes Peak, pour la parade devant les spectateurs et les autres concurrents. Un peu avant 18h, j’ai enfin retrouvé mes deux équipes, VW Motorsport et RD Limited, où l’émotion était forte, et mes parents bien évidemment. Les interviews se sont multipliées avant de repartir vers l’hôtel. Le trajet a été l’occasion d’un premier débrief, sur l’auto, ma conduite, les points d’amélioration.
– Après un apéro et un diner rapide, au cours desquels nous avons refait la course et parler des prochains rendez-vous, nous avons fêté la victoire et le record tous ensemble, à nouveau avec VW Motorsport et RD Limited. Dans mon esprit c’est une victoire collective parce que ce projet n’aurait pas été possible sans les premières tentatives, sans tout ce que j’ai appris avec mon team. Mais je mesure aussi la chance que j’ai d’avoir rejoint ce projet construit par Sven Smeets et FX Demaison, qui m’ont fait une totale confiance. L’entente a été immédiate et c’est un plaisir de travailler avec eux.
– J’ai découvert au cours de cette soirée une partie des photos et des vidéos de la journée : le suivi de la course à Alès, où un écran géant avait été installé, à Wolfsbourg aussi où plusieurs centaines de personnes de VW étaient réunis, et les célébrations du team. C’est toujours particulier de les savoir en bas, et moi en haut. J’ai pris conscience de l’émotion propre à chacun. Si je reste convaincu que j’avais une voiture incroyable pour réaliser ce record, j’essaye aussi de mesurer le chemin parcouru, depuis ma première participation en 2012 et au cours des dernières semaines, voire des derniers jours, avec VW. Tous ces efforts pour un peu moins de 8 minutes, c’est fou.
– Lundi matin, c’était une autre course. Je me suis réveillé en retard pour me rendre à la remise des prix… mais je suis arrivé à l’heure ! Les trophées, le discours, à nouveau quelques interviews, les photos, les au revoir… les derniers détails à régler pour le départ du team et des containers du team RD Limited, et il était temps d’aller à l’aéroport. Finalement, tout va très vite.
– Je ne vous avais pas dit, mais j’ai perdu mon passeport il y a une semaine. Chose incroyable, en passant la sécurité, une personne de l’aéroport m’a reconnu et s’est souvenue d’avoir vu mon passeport une semaine auparavant ! J’ai donc retrouvé le précieux sésame quelques minutes avant d’embarquer.
– Maintenant, je vais profiter de deux jours à New York avant de me rendre à Watkins Glen. Deux jours partagés entre repos et travail, car j’ai passé la dernière semaine complètement concentré sur Pikes Peak et il y a d’autres échéances à venir. Je vous en reparlais très certainement bientôt.