Donnez-lui un règlement et il vous sort une bête à succès. Tête pensante des Ford en WRC, Christian Loriaux s’est mis au GT3 avec l’arrivée de la Bentley Continental GT3. Présentée au Mondial de l’Auto 2012, la Continental GT3 a suscité bien des interrogations de part le poids de la voiture de série. L’ingénieur belge a apporté sa patte à la première mouture de la Continental GT3 avant de se pencher sur la version 2018 qui doit gommer les imperfections de sa devancière. Bentley Team M-Sport a eu la bonne idée d’ouvrir son stand samedi soir à Monza pour que les médias puissent approcher la nouvelle Bentley Continental GT3. Personnage attachant s’il en est, Christian Loriaux a pris du temps pour nous détailler cette Bentley Spec-2018 quitte à décaler son briefing avec l’équipe technique.
Il reste encore des pièces de l’ancienne Continental GT3 ?
« Au départ, on comptait garder pas mal de pièces du précédent modèle mais au final, les deux autos n’ont plus grand-chose en commun. La partie du volant a été conservée. On peut dire que cette Bentley est nouvelle à 95%. Elle a nécessité environ 9 mois de travail. »
Les petits défauts ont-ils été gommés ?
« On savait que l’ancienne Continental GT3 n’était pas à son aise sur le plan de la traction et donc sur le mouillé. Nous avons travaillé en priorité la répartition des masses. La géométrie des suspensions est elle aussi inédite. Un gros travail a été fourni sur la géométrie. Le moteur a été rabaissé d’environ 90 mm. La nouvelle Bentley Continental a les roues plus en avant et son porte-à-faux est plus petit que sur l’ancienne. Tout a été repensé : on voulait réduire le frottement sur les suspensions, un système de carter sec propre a été développé spécifiquement, la transmission a été dessinée par nos soins et le réservoir est plus bas et plus reculé. Au final, nous sommes très proches d’un 50/50 au niveau de la répartition des masses même si pour cela, il a fallu cravacher quand on voit la conception de l’auto de route. »
On entend dans le paddock que cette Continental GT3 fait plus penser à un prototype qu’à une GT3. Quelle réponse apportez-vous ?
« J’ai aussi entendu cette remarque mais ce n’est pas un prototype. Sur la première version, on partait d’une auto d’un poids de 2,5 tonnes. Si on avait une Ferrari, on aurait pu tout garder. Là, il a fallu un gros travail de développement. La BMW M6 GT3 est comparable à la Bentley même si nous avons poussé un peu plus car l’auto est plus récente. Pourquoi cette Continental GT3 serait plus un prototype qu’une autre ? Il est vrai qu’elle est plus agressive que la précédente version. »
Elle pourrait servir de base à une future GTE ?
« Si la question est de savoir si elle a été pensée pour devenir une GTE, la réponse est clairement non. Certes, l’aéro est bien meilleure que l’ancienne. Elle pourrait faire une bonne base. On ne peut pas nier que le GTE intéresse tous les constructeurs. »
Cette Continental GT3 a aussi été pensée pour les clients ?
« L’ancien modèle pouvait boucler jusqu’à 20 000 kilomètres sans révision. Un arbre de propulsion, un arbre de roue et une transmission peuvent aller jusqu’à 15 000 km. En trois ans, nous n’avons utilisé que trois châssis. Le nouveau modèle a aussi été pensé pour réduire le coût d’exploitation le plus possible. Si on a une voiture capable de tenir 5000 km aux Total 24 Heures de Spa, il faut qu’elle puisse boucler 10 000 km sans problème. Il est prévu que la boîte de vitesses tienne 10 000 km sans la moindre révision. Je reste convaincu que la Bentley sera parmi les moins chères en exploitation. Bentley a toujours voulu vendre des voitures. Le précédent modèle a été construit à 27 exemplaires. »
N’est-ce pas un problème que M-Sport aligne directement l’auto ?
« On a pu voir que le Team Parker pouvait être devant. Comme je l’ai dit, Bentley veut vendre des autos. C’est toujours bien de voir gagner une équipe roulant en Bentley. Il y a un vrai partage d’infos. Des clients sont intéressés par la nouvelle auto. Il faut s’assurer qu’elle soit fiable avant de livrer les clients car les essais ne remplacent pas la course. »
N’est ce pas trop frustrant quand on est ingénieur de penser une auto qui sera ensuite étalonnée par la BOP ?
« Le développement d’une GT3 est quelque chose de très excitant. Certes, il y a toujours une BOP et ce n’est pas toujours la meilleure auto qui l’emporte. Que ce soit en WRC ou en Formule 1, les règles sont les mêmes pour tout le monde et que le meilleur gagne. La catégorie GT3 est ce qu’il y a de mieux pour la compétition-client. Si tous les constructeurs principaux sont là, ce n’est pas pour rien. Le travail de Claude Surmont pour établir la BOP est honnête. En Sprint, la BOP est primordiale, ce qui est moins le cas en Endurance où il faut tenir compte de la stratégie, des pilotes, de la fiabilité de l’auto et de la constance. C’est d’ailleurs ce qui nous a coûté des victoires. Après 6 heures, une BOP s’équilibre. Personnellement, ce qui m’intéresse, c’est d’aller gagner Spa, Bathurst ou le Nürburgring. »