A 51 ans, Christophe Bouchut possède sans aucun doute l’un des plus beaux palmarès de l’Endurance. Le natif de Voiron a été de toutes les campagnes GT après avoir fait les beaux jours de Peugeot, Porsche et Mercedes en prototype. Le vainqueur des 24 Heures du Mans 1993 retrouvera un double tour d’horloge dans quelques jours au volant d’une Lamera Cup aux 24 Heures de Dubai, 12 ans après y avoir roulé pour la première fois. Christophe Bouchut a fait le point avec nous sur son retour en Endurance tout en nous donnant son sentiment sur la discipline.
Pourquoi cette participation aux 24 Heures de Dubai sur une Lamera ?
“Je suis engagé sur une nouvelle auto avec Wilfried Merafina qui gère le championnat Lamera Cup qui est une très belle réussite avec une trentaine d’autos. Notre auto est en apparence la même que celle utilisée sur le championnat mais elle a un moteur plus puissant qui développe 550 chevaux. Cela me permet de reprendre contact avec une auto différente de la NASCAR Whelen Euro Series. L’idée est de commercialiser cette Lamera qui est une auto fiable et performante. Nous allons à Dubai avec de grandes ambitions.”
L’envie de piloter est toujours là ?
“Mon rôle de pilote à plein temps est derrière moi. Les choses sont ce qu’elles sont mais la passion reste intacte. Je sais que la vitesse est encore là. Aujourd’hui, la réalité est que je ne sais pas si j’ai envie et tout est une question d’opportunité. J’ai eu l’habitude de rouler dans des équipes de pointe tout au long de ma carrière. De nos jours, la course automobile fait de moins en moins place à la passion.”
Les temps ont changé ?
“Sans un solide partenaire, un jeune pilote ne peut plus rien faire et ne peut pas se montrer. Il n’y a pas que le talent qui compte car l’argent prend souvent le dessus. Ma génération s’en est bien tirée. Je n’ai jamais fait de Formule 1 mais cela ne m’a pas manqué vu ce que j’ai pu faire à côté. Des pilotes de talent n’ont pas eu la chance de réussir, beaucoup ont été sacrifiés. On trouve des pilotes plein de talent qui n’ont pas un sou. On peut juste regretter que tout soit devenu un business et une entreprise. La passion m’a fait devenir pilote. De nos jours, les débouchés sont compliqués. Même des pilotes de renom apportent un budget ou doivent compter sur un gentleman pour compléter le budget.
” Les voitures sont devenues de plus en plus proches. Quand on pilotait la Peugeot 905, si on faisait n’importe quoi, on sortait et on pouvait se faire très mal. Maintenant, la Balance de Performance fait que tout doit se confondre. Celui qui a dépensé X milliers d’euros en plus n’a pas forcément la meilleure auto.”
Quel est votre regard sur la période actuelle de la discipline Endurance ?
“Le sport automobile a traversé un tas de difficultés et l’Endurance n’a pas échappé à ces difficultés. Le Mans a toujours su rebondir. Le Championnat du Monde d’Endurance a disparu au début des années 90. Ensuite, il y a eu un vide. Le BPR a donné vie à l’Endurance moderne. Le WEC, qui est un très beau championnat, a du mal car il coûte cher. Je pense qu’on ne va pas dans le bon sens en demandant trop de technologie complexe à maîtriser en peu de temps. Il faut laisser du temps aux constructeurs pour développer une auto. On n’apprend pas des erreurs du passé. Si le coût est élevé et que le rapport média est faible, alors cela complique les choses. Trouver le bon équilibre n’est pas chose facile. Une LMP1 coûte beaucoup d’argent et la Formula E est dans l’air du temps pour un prix moins élevé, du moins pour le moment. Si on le veut, baisser les coûts est possible. Il n’y a pas que le prix de la voiture. Certains coûts sont affolants.”