L’année 2001 marquait les débuts du GT aux 24 Heures de Spa. Cette première édition réservée aux GT voyait la victoire de la Chrysler Viper GTS-R/Larbre Compétition de Christophe Bouchut (avec Jean-Philippe Belloc et Marc Duez). Bis repetita un an plus tard pour le Bourguignon en compagnie de Vincent Vosse, Sébastien Bourdais et David Terrien. Christophe Bouchut était sans aucun doute le pilote GT le plus rapide du début du XXIe siècle. Entretien…
Les 24 Heures de Spa étaient importantes à vos yeux en 2001 ?
“A cette époque, c’était déjà une grande course GT car les 24 Heures du Nürburgring n’avaient pas la même aura que maintenant. Spa était la seule course réservée aux GT avec un plateau très complet venant du FIA GT plus quelques autres autos. Chaque pilote voulait accrocher Spa à son palmarès. C’est magique de gagner une fois, alors deux…”
Cette course diffère en quoi des autres ?
“La particularité de Spa reste la météo. Il était fréquent de rouler en slicks à l’arrivée de la pluie, ce qui compliquait la tâche. La partie du Raidillon n’est pas la plus simple à cause de l’élévation. On y a vu beaucoup de sorties sur des problèmes mécaniques comme on a pu encore le constater lors des derniers essais. Spa est complexe car la transmission est beaucoup sollicitée, comme le démarreur.”
La Chrysler Viper GTS-R était une auto facile ?
“Déjà à cette époque, la compétition était difficile et on ne peut pas dire que la Viper était une GT facile à piloter avec sa boite en H et pas de traction control. Les choses ont tellement évolué. On osait à peine mettre en marche l’essuie-glace de peur qu’il ne casse. Il fallait à tout prix prendre soin de sa monture. A mi-course, l’équipe était obligée de pousser l’auto pour la redémarrer. Les temps ont bien changé.”
Vous avez roulé dans beaucoup de GT1. Il y en a une qui se détache ?
“Chaque auto était exceptionnelle. La plus aboutie était l’Aston Martin DBR9. Cette GT1 est remarquable et fantastique. Le GT1 était complètement différent du GT3. En 2015, j’avais l’impression de passer à fond partout sachant que c’était quasiment la même chose avec les dernières GT1 qui roulaient tout de même bien plus vite. Après réflexion, je citerai aussi la Saleen S7-R comme une très bonne GT1.”
Les 24 Heures de Spa restent une course physique ?
“La semaine est déjà plus courte qu’au Mans. J’ai pris énormément de plaisir à rouler à Spa malgré les incertitudes de la météo, du manque d’éclairage et de la possibilité de glisser sur de l’huile. Tu vas à Spa avec une certaine appréhension. S’il y a bêtise à Spa, tu sais qu’elle sera grosse. Cette course m’a permis d’élargir mon palmarès sachant que j’avais déjà remporté Le Mans et Daytona. Spa était la cerise sur le gâteau.”
On vous a vu au Mans le mois dernier. Vous avez pris du plaisir à arpenter le paddock ?
“Tout est verrouillé partout, les accès sont impossibles. On s’aperçoit que tout le monde se renferme comme s’ils protégeaient la septième merveille du monde. La plupart des équipes font juste de l’assemblage, ce qui ne relève pas d’un grand secret. Se cacher est ridicule et cela devrait même être interdit.”
Revenons-en au GT. Quel est votre regard sur le GT3 ?
“Selon moi, il y a trop d’autos en piste dans certains championnats. Quand je roulais, j’appréciais les qualifications, mais à la fin j’étais bien incapable de faire un tour à fond. On le voit même en F1 avec pourtant moins d’autos. Les qualifs Blancpain GT Series doivent donner lieu à des discussions dans les stands tellement c’est chaud. Avec 60 autos en piste, qui plus est avec des pilotes moins expérimentés, même si on ne veut pas gêner, on gêne quand même. Si on remonte 30 ans en arrière, des autos sorties de nulle part pouvaient gagner. Maintenant, c’est impossible.”
Dépasser a toujours été un challenge ?
“C’est un miracle qu’il n’y ait pas plus d’embrouilles en piste. On l’a vu au Mans avec McNish il y a quelques années, puis avec une Toyota et une Ferrari à Mulsanne. Les différences de vitesse ont toujours existé. C’était le cas entre la Peugeot 905 et les GT. La seule différence est que la pression n’était pas la même. On prenait plus de temps pour dépasser. Au fil des années, le sport auto s’est démocratisé. Aujourd’hui, on a beaucoup d’autos en piste même si c’est bien pour le public.”
La victoire n’en est que plus belle…
“Le pourcentage de l’auto est plus élevé que celui du pilote dans le résultat. Le résultat est le fruit d’un effort d’un certain nombre de personnes. Le pilote est le dernier maillon de la chaîne. Les règles mettent à niveau les performances de chaque auto, ce qui fait que la gestion et la préparation sont importantes. Mais si on regarde bien, en Endurance et en F1, on a souvent les mêmes qui gagnent, ce qui est bien dommage. On prend une LMP2, tout le monde a le même châssis, le même moteur et c’est quasiment toujours les mêmes qui gagnent. Les autres sont là, mais ne gagnent pas. Un Nyck de Vries mène en Formule 2 aux portes de la Formule 1. Mais au Mans ? Il a été devant ? Aujourd’hui, les jeunes font tellement de simulateur qu’ils peuvent t’en apprendre. Dès qu’ils descendent de l’auto, ils mettent le nez dans l’ordinateur. Personnellement, je n’ai jamais regardé mes datas. Il fallait me pousser pour monter dans un simulateur. Je fais partie des autodidactes, il fallait que je comprenne par moi-même.”