Contrairement aux autres championnats qui vont devoir se creuser la tête pour trouver des dates une fois la pandémie terminée, l’Asian Le Mans Series n’est pas dans cette situation puisque la saison 2019/2020 s’est terminée le mois dernier. Le championnat asiatique a été épargné par les reports, mais il a été parmi les premiers à suivre de près l’évolution du coronavirus. Quelques semaines après la fin de saison Cyrille Taesch-Wahlen, directeur général du championnat, a dressé le bilan du cru 2019/2020.
Quel bilan tirez-vous ?
“Très positif car c’est notre meilleure saison en termes de qualité, de quantité et de diversité. Le niveau des équipes est encore monté d’un cran avec une compétition qui a fait rage dans trois des quatre catégories jusque dans le dernier relais de la dernière course. Nous avons réussi à continuer le développement de la série tout en conservant une belle atmosphère dans le paddock. La diffusion télévisée, les courses retransmises gratuitement partout dans le monde et le développement de nos réseaux sociaux sont aussi de belles satisfactions.”
Pourtant, on ne peut pas dire que vous avez eu une saison sans couac…
“C’est la saison la plus compliquée à laquelle nous avons eu à faire face en dehors de la piste. Il y a d’abord eu des containers qui sont arrivés en retard à Shanghai, puis l’urgence de traiter des visas pour certaines équipes durant la période de Noël pour le meeting australien, sans oublier les feux de brousse en Australie. Le COVID-19 n’a pas permis aux teams chinois de faire le déplacement sur les deux derniers meetings. Une équipe comme Astro Veloce Motorsport est basée en Chine à Wuhan, là où a débuté l’épidémie.”
Le championnat a été confronté au COVID-19 ?
“Nous avons été parmi les premiers à surveiller le développement de l’épidémie. Dès le mois de janvier, nous avons suivi l’évolution avec notre médecin. Des mesures ont été prises dès la mi-saison avec une protection accrue et un focus sur le lavage des mains. Avec le recul, c’est une bonne chose d’avoir mis en place ce calendrier avec Sepang et Buriram en une semaine. En tant que championnat, l’épidémie n’a pas été un handicap par un report ou une annulation.”
Le côté humain n’a pas été simple lui non plus…
“Comme je l’ai précisé, la saison 2019/2020 a été la plus compliquée hors de la piste. J’ai perdu mon père deux semaines avant le meeting de Shanghai et nous avons appris le décès de Gary Khor cinq jours seulement après la finale. Gary était un vétéran du sport auto et il faisait partie de l’organisation depuis trois ans. Son décès a été un vrai choc pour nous tous. On a connu la joie sur la piste et la douleur en dehors. C’est donc un sentiment mitigé. Je tiens à rendre hommage à la qualité de tout le staff de l’Asian Le Mans Series.”
Le championnat s’est renforcé dans la région asiatique ?
“L’objectif reste de faire de l’Asian Le Mans Series la série Endurance de référence en Asie et être le fer de lance de la pyramide ACO. Cela fait maintenant cinq ans que je suis à la tête de la série. Il a fallu redonner la confiance qui n’était plus là. Avec la prise de mesures importantes, on a regagné la confiance des gens.”
Avoir de plus en plus d’équipes asiatiques est quelque chose qui doit vous ravir ?
“Plus de 90% des équipes GT viennent d’Asie et 25 à 30% sont en prototypes. La série s’internationalise en Asie et devient clairement une série que les acteurs veulent gagner. L’Asian Le Mans Series va au-delà de l’invitation pour Le Mans. Philip Di Fazio, team principal de HubAuto Corsa (équipe titrée en GT, ndlr) m’a dit que c’était le championnat le plus difficile qu’il ait eu à gagner. Pour la première fois, nous avions une équipe japonaise en LMP2 (K2 Uchino Racing, photo) et j’en suis ravi. On est là aussi pour créer des ponts.”
L’Asian Le Mans Series n’est plus seulement une série uniquement pour espérer aller au Mans ?
“L’intérêt pour les équipes de faire du business est clairement là. Des écuries ont besoin d’être en piste 12 mois par an. Avec Pierre Fillon (président de l’ACO, ndlr), la mission est de faire grandir le championnat le plus possible.”
Il faut s’attendre à des modifications ?
“On ne pourra rester indéfiniment à quatre épreuves, mais tout sera fait en concertation avec nos équipes qui sont nos clients. Aller vers de nouveaux pays ? On l’a fait cette année avec l’Australie. Il faut aussi gérer la contrainte logistique, mais aussi météorologique. Les terrains de jeu sont importants, mais il faut du temps et surtout ne pas se précipiter. Si on veut offrir de beaux tracés, il faut de belles infrastructures. On ne peut pas rouler n’importe où. On fréquente les meilleures pistes Grade 2 et les Grade 1. Aller à Suzuka est une très bonne chose. C’est d’ailleurs au Japon qu’on débutera fin novembre. L’annonce a été faite fin décembre et le reste du calendrier sera publié dès que possible.”
Le fait que les 24 Heures du Mans soient reportées en septembre changent vos plans ?
“Le plus important était de repositionner les 24 Heures du Mans, ce qui a été fait. Le calendrier 2020/2021 sera sous réserve de l’évolution sanitaire qui reste la priorité. Nous devons garder la confiance et toute l’équipe travaille pour débuter la saison à Suzuka fin novembre. Nous restons solidaires de la situation globale.”
Comment travaille votre équipe dans cette période compliquée ?
“L’équipe est éparpillée aux quatre coins du monde. Pour nous, le télétravail est la norme car c’est comme cela qu’on fonctionne toute l’année. On reste une petite équipe, mais très flexible. Les personnes sont en France, Malaisie, Singapour, Australie, Angleterre, Macao et Chine. On avance comme prévu tout en travaillant sur des plans B si le besoin devait s’en faire sentir. Il faut anticiper car malheureusement les championnats WEC et ELMS ont déjà été touchés par des reports.”