Des C1 de Briggs Cunningham aux 24 Heures du Mans 1960 à John Greenwood en passant par Pratt & Miller qui portent le drapeau aujourd’hui, Corvette est devenue l’une des marques les plus reconnues et a connu un succès incroyable aux 24 Heures du Mans.
Dans le cadre de la célébration des 20 ans de Corvette Racing aux 24 Heures du Mans, nous avons bien entendu été à la rencontre de certains pilotes (interviews à venir), mais aussi d’un des hommes clés du rouage de la marque de Detroit, Dan Binks, le chef voiture de la #63 (et de la #3 en IMSA). Il compte plus de 15 ans de fidélité au constructeur américain et a officié en IMSA (avec Corvette évidemment mais aussi avec le programme Intrepid GTP), WEC et Trans Am.
Né à San Diego, en Californie, Dan Binks a grandi dans une famille de fans de sport automobile. Dès son plus jeune âge, il a été exposé aux voitures de sport, ses parents étant tous deux des passionnés. Son père, Phil, a couru avec une Austin-Healey Sprite. Sa mère l’a rencontré lorsqu’ils ont entamé une conversation sur les Sprite sur le circuit de Del-Mar. Le jeune Dan regarda son père travailler sur les machines du garage et s’y intéressa très tôt. Son rôle au sein de son écurie est simple. Il est le chef d’orchestre, apporte son aide à ceux qui en ont besoin et garde l’équipe concentrée sur la préparation, la mise en place et les changements pendant la course.
Quand avez-vous commencé à travailler pour Corvette Racing ?
« J’ai été recruté à la fin de l’année 2002. J’ai manqué les toutes premières éditions des 24 Heures du Mans avec Corvette Racing. J’ai donc dû attendre 2003 pour pouvoir venir en Sarthe pour la première fois. Nous n’y avons pas gagné,mais l’année suivante en 2004, nous l’emportons (avec la C5-R de Oliver Gavin, Olivier Beretta et Jan Magnussen, la dernière de cette voiture, ndlr). »
De quoi vous rappelez lorsque vous êtes arrivé pour la première fois aux 24 Heures du Mans, en 2003 ?
« C’était tellement immense. Lorsque vous êtes enfant, que vous grandissez aux Etats-Unis dans une famille de passionnés, les 24 Heures du Mans représentent beaucoup. Je suis allé au cinéma voir le film Le Mans avec Steve McQueen et jamais je n’aurais pensé courir un jour ici. Quand je suis arrivé sur le circuit pour la première fois, c’était un rêve qui devenait réalité, ce tracé est gigantesque, cette course est la plus belle au monde. Cette année-là, quand ils ont joué l’hymne national américain, j’ai fondu en larmes, j’ai pleuré comme un bébé ! »
Vous venez aux 24 Heures du Mans avec Corvette Racing depuis 2003. Quels sont vos meilleurs souvenirs ?
« Je me rappelle bien de 2009. La bagarre fut intense et nous avons réussi à l’emporter (par rapport à la #64). Ces différentes éditions sont toutes spéciales pour moi. Dans une course telle que les 24 Heures du Mans, tellement de choses peuvent se passer. Même quand les choses tournent mal, que vous sortez un peu de nulle part, que vous réparez la voiture, réaliser de tels accomplissements est beau et important, même parfois plus que la victoire. Il nous est arrivé de venir avec la meilleure voiture du plateau et avons perdu. Nous sommes parfois arrivés avec une auto moins bonne que la concurrence et avons gagné ! C’est Le Mans !»
Quel est votre pire moment aux 24 Heures du Mans ?
« Sans aucun doute 2015* ! Nous n’avons pas disputé la course avec la #63 et ce fut vraiment dur à digérer. Nous avons été ravis de savoir que le pilote était OK. Nous avons beaucoup appris de ce qui s’est passé, la cohésion à l’intérieur de l’équipe fut tout simplement extraordinaire mais j’espère que cela ne se reproduira plus jamais. »
*Jan Magnussen a eu un gros accident dans la deuxième séance de qualifications avec la Corvette #63 en 2015. Sa voiture a tiré tout droit dans les Virages Porsche, un problème technique était à l’origine. La Corvette n’étant pas réparable, il n’y avait pas d’autre châssis au Mans et l’équipe a donc été contrainte de déclarer forfait avec cette voiture.
“Évidemment, je pourrais aussi citer 2017 lorsque l’on perd la course dans le dernier tour, dépassé par l’Aston Martin. Ce fut une fin décevante. Mais si vous regardez toute la course, nous n’avons pas toujours été à l’avant. Partir avec un podium fut donc une chose dont nous pouvons être fiers.”
Comment expliquez-vous le fait que Corvette soit si populaire en France ?
« Je pense que cela vient du son du moteur V8 Chevrolet. Les spectateurs Français aiment aussi l’excitation qu’une marque comme Corvette dégage, ils aiment les efforts que l’équipe fait ainsi que le gros travail qui est accompli ! C’est fou le respect que les Français peuvent avoir à notre égard, ils nous aiment sincèrement. Ce qui est sympa, c’est que à force de venir au Mans, on connait et reconnait des gens en ville, dans la foule ou quand certains se promènent en pitlane. Parfois, on prend du temps, on les fait rentrer dans les stands et on fait asseoir leur(s) enfant(s) dans la voiture. C’est toujours un plaisir de venir rouler ici au Mans quand on a un tel accueil ! »
Pouvez-vous comparer la passion des spectateurs qui se dégage en France de celle que vous avez aux Etats Unis ?
« C’est très différent de ce qu’on peut avoir à Daytona ou Sebring. Celle qui se rapproche le plus du Mans est certainement Sebring, il y a aussi une certaine ferveur, on peut la sentir dans le paddock ou sur la grille de départ. Mais, rien ne vaut Le Mans, rien n’est comparable au niveau des émotions que le départ des 24 Heures lorsque les hymnes nationaux sont joués ! C’est juste incroyable !»
2019 marque le 20e anniversaire de la présence de Corvette Racing aux 24 Heures du Mans. Qu’est ce que cela représente ?
« C’est impensable, c’est fou de se dire que cela fait 20 ans. Pour ma part, jamais je n’aurais cru que je viendrais 17 fois disputer les 24 Heures du Mans ! J’espère bien que Corvette fêtera ses 30 ans au Mans plus tard. L’avenir est bien dégagé pour la marque… »
Vous avez été de toutes les campagnes des Corvette, les C5, C6, C7. Comment voyez-vous l’évolution du GT à travers les années ?
« Elle est très bonne même j’aimerais bien que nous ayons plus de puissance à l’heure actuelle. Les C5 étaient de superbes voitures, très solides, avec beaucoup de puissance, mais ne se manipulaient pas aussi facilement que les C7 modernes. La C6 en avait un peu moins de puissance, mais avait des freins en carbone. Les pneus ont bien évolué aussi, c’est un facteur important en course. Avec la C7, nous allons aussi vite, mais au niveau sécurité, elle est bien mieux. Lorsqu’il y a de gros crashs, les pilotes ont généralement OK. Le plus important est de prendre du plaisir, faire de son mieux, essayer de gagner et que tout le monde rentre chez lui à la fin de la course.»
A noter que Dan Binks récupère des pièces et des morceaux de carrosserie qui ont été changés sur les Corvette sur les circuits du monde entier, principalement aux USA et au Mans, tout au long de la saison. Il organise ensuite une collecte de fond en fin d’année en vendant ces éléments et reverse les fonds levés pour organiser des camps pour enfants défavorisés aux Etats Unis !
Merci à Laurent Cartalade