Suite de l’entretien accordé par Don Panoz à Endurance-Info en février dernier :
Quel est votre plus grand regret au Mans, si vous en avez un ?
“Mon plus grand regret remonte à 2005, la première année où nous courions avec l’Esperante. J’avais toujours l’habitude de dire à nos gars que Le Mans est une course de 24 heures, et que bien sûr prendre le départ de la course, pour les pilotes, c’est grandiose, avec tout le décorum du Mans : son histoire, ses pilotes. Même si nous savons tous qu’ils sont agressifs, on dirait que l’adrénaline monte encore plus en eux. Je continuais à parler aux gars et à leur dire “Regardez, c’est une course de 24 heures, tout ce que nous voulons c’est éviter les ennuis, ne dépassez pas en virage, ne montez pas sur les bordures, essayez de ne pas avoir plus d’un tour de retard, laissez les autres faire des fautes, laissez leur adrénaline les emporter et nous les ramasserons durant la nuit car notre moteur V8 aime la fraîcheur. Nous pourrons alors bien faire;” Donc, en 2005, nous avons fait notre discours, nous partions cinquièmes sur la grille et à la fin du premier tour nous étions premiers et alors bien sûr nous avons heurté quelque chose et avons endommagé l’avant de la voiture. Nous étions tous excités, ils ont ramené la voiture, elle a été rentrée dans le box. Elle a été remise en état proprement, et de toute évidence nous avions une voiture qui aurait dû gagner cette année-là. Mais c’est l’année suivante avec LNT que nous avons employé ces bonnes stratégies et c’est comme ça que la voiture a gagné.”
Beaucoup de pilotes, tels que Andy Wallace, David Brabham, Jan Magnussen, Max Angelelli, Mario Andretti, Olivier Beretta ou Max Papis, pour n’en citer que quelques-uns ont conduit des Panoz au Mans. Il y a en a un qui vous a impressionné ?
“C‘est vraiment une bonne question. Des pilotes comme David Brabham, Jan Magnussen et Max Angelelli, et on ne peut pas ignorer Mario Andretti, ont tous été très impressionnants. Je pense que David Brabham était un des meilleurs stratèges. Je pense que si vouliez prendre un tour et que vous en aviez besoin, alors Jan Magnussen était le genre de gars qui pouvait le faire.
Cependant je regardais aussi le peloton et j’ai également été impressionné par d’autres pilotes. Je pense que JJ Lehto était un des meilleurs pilotes dans le trafic. Allan McNish, était un gars qui pouvait vous faire gagner un tour. Je pense que nous avons eu une grande chance d’avoir possédé une belle série de pilotes. En 2006, quand on m’a décerné le trophée “Spirit of Le Mans”, j’ai repensé à nos dix années précédentes et pour célébrer cette dixième année, j’ai regardé la liste des pilotes de cette édition, et sur cette liste cette année-là, il y avait plus de trente pilotes qui avaient piloté des Panoz.”
Vous avez coutume de dire quelque chose comme “je ne veux pas faire ce que d’autres ont déjà fait”. Est-ce la raison pour la quelle vous avez développé la DeltaWing ?
“J‘ai cette théorie en moi. Je ne vois pas pourquoi je passerais tout mon temps à faire ce que les autres ont fait. Oui, c’est excitant, un challenge, une sensation d’accomplissement, tout ce qui arrive quand vous faites bien les choses. Je dis qu’il faut prendre du temps pour rêver, et il faut que vous réalisiez vos rêves. Cependant, vous devez aussi savoir que plus vous rêvez, plus vous ferez de cauchemars de temps à autre!
Concernant la DeltaWing, elle était très radicale et tout le monde disait que ça ne marcherait pas, ce qui était le challenge. Tous les experts, les ingénieurs, les firmes automobiles, disaient “non, non, non; ça ne marchera pas”. C’est Chip Ganassi qui avait avancé l’idée et avait essayé de la faire accepter en IndyCar, ce qui évidemment a été refusé. Cependant, le challenge était de prouver que la voiture, avec moitié moins de puissance, pouvait aller aussi vite que les autres prototypes. Et cela était dû à sa conception inhabituelle, à son équilibrage et son aérodynamique. Nous avons produit une version routière cinq places, nous observons tout, et nous pensons que c’est comme d’autres choses qui sont sur le marché, c’est en quelque sorte comme “Sparky”, notre GTR-1 Q9 hybride, peut-être que nous sommes un peu en avance sur notre époque, mais nous avons ça en nous, nous avons des voitures et nous allons les sortir. Je pense qu’il y a de la place pour cette voiture pour continuer à montrer aux gens qu’elle peut être performante, qu’elle peut économiser de l’argent et qu’elle peut sécuritaire comme une familiale.”
Vous avez démarré un nouveau projet, la Green4U Racing GT-EV, que vous avez présenté en juin dernier au Mans? Qu’en est-il du développement ? Allez-vous faire une demande d’engagement au titre du Garage 56 ?
« C’est une opportunité excitante car c’est vraiment un challenge. Lorsque vous prenez un peu de recul, pour voir ce qu’il y a comme formes de voitures de sport, vous prenez une Ferrari ou une Porsche, et vous leur faites le plein d’essence, vous allez faire 250 à 300 miles. Et quand vous regardez ce qui se passe au Mans, cette quantité de carburant dure seulement 55 minutes, tandis qu’un réservoir plein sur une voiture de série pourrait durer cinq à six heures. Et pour obtenir l’efficacité de l’énergie électrique, pour pouvoir avoir une voiture qui soit compétitive, c’est un gros challenge. J’appelle cela le Saint Graal. Selon moi, le Saint Graal, c’est d’être capable d’être performant avec une voiture électrique, de remplacer les batteries le plus rapidement possible avec la même performance que les autres autos. Je pense que c’est c’est un sacré exploit. Nous continuons à travailler dessus, la raison pour laquelle nous continuons c’est parce que nous n’avons pas buté sur des impasses nous disant que nous ne pouvons pas y arriver. Cela ne pourrait peut-être pas être 2018, peut-être 2019, mais nous allons incorporer toutes les technologies les plus récentes et nous allons essayer d’aller au Mans et de prouver qu’une GT électrique pourrait l’emporter. Ce que j’aime dans ce projet c’est que de nouveau nous ne sommes pas comme les autres, c’est une GT et si nous réussissons nous la commercialiserons.
Le siège du pilote et du passager ne sont pas côte à côte mais dos à dos comme dans un cockpit de F16, nous parlons de nouvelles technologies, d’affichage tête haute, de vision surround, etc, etc… Nous allons continuer à travailler comme je l’ai dit, nous n’avons pas encore rencontré de barrage, mais nous avons encore un peu de travail à faire.
Vous avez réussi dans de nombreux domaines, comme Elan Corporation dans le domaine pharmaceutique, Chateau Elan Winery & Resort pour la viticulture, Panoz LLC et Panoz Motorsports pour l’automobile, la fondation de l’American Le Mans Series, le Petit Le Mans, parmi d’autres… Duquel êtes-vous particulièrement fier, ou les placez-vous tous au même niveau?
“En fin de compte, je place tous les succès au même niveau. Cependant ils possèdent chacun leur propre charme et leur propre motivation, parce que ce sont des types d’affaires différents, avec là encore la motivation de relever le challenge d’essayer de faire quelque chose de mieux. Pour ce qui relève de la pharmaceutique, il s’agissait de développer une technologie permettant de réduire le dosage des médicaments et d’atténuer les effets secondaires. Pour la viticulture, il s’agissait de produire du vin en Georgie où on considérait généralement qu’on ne pouvait pas en faire. Pour les voitures de course et la compétition, il s’agissait, avec un petit groupe utilisant en plus une technologie moins poussée comme le petit bloc Ford, de montrer qu’on pouvait battre des gens Audi et BMW. Chacun de ces domaines était gratifiant à sa propre manière. Je pense, comme je le dis, au Saint Graal qui sera mon dernier rugissement. J’en retirerai un peu plus de satisfaction mais alors ce sera suffisant!
C’est super, et pour être tout à fait honnête, j’aime les gens qui me complimentent parce que cela fortifie la volonté de faire des choses différentes et de les réussir. Bien sûr, si vous n’y arriviez pas, cela pourrait vous décourager et je tiens à remercier tous les fans et tous ceux qui ont continué à m’encourager pour que j’essaie de faire encore mieux.”