L’Endurance a perdu aujourd’hui un grand nom avec le décès de Don Panoz. Le fondateur de l’American Le Mans Series nous avait accordé un entretien en février dernier pour la rubrique du Club des Pilotes des 24 Heures du Mans. Retour sur l’interview donnée par Don Panoz à Endurance-Info (partie 1)…
Mr Panoz, quand vous étiez un jeune garçon, Le Mans représentait-il quelque chose pour vous?
“Non, pas du tout. J’ai développé l’infection du Mans uniquement après y être allé pour la première fois.”
Quand êtes-vous donc venu au Mans pour la première fois? Quel a été votre sentiment et que pensez-vous du Mans maintenant?
“Mon premier voyage au Mans a eu lieu en 1997 avec la Panoz GTR1 et, pour être exact, c’était seulement la septième course à laquelle j’assistais, et, quand je suis venu, la course automobile, c’était quelque chose de tout nouveau pour moi. Cela ne m’avait pas intéressé avant 1997 au moment où j’ai discuté avec mon fils et où je lui ai dit qu’il lui fallait un palmarès en compétition. Il m’a dit de m’occuper de mes affaires car il était trop occupé par la conception de ses voitures de sport et, puisque je venais de me retirer de Elan Corporation, alors je devrais me lancer moi-même dans la compétition et, bingo, j’étais là, j’ai été infecté par le virus du Mans.”
Qu’est-ce qui vous a décidé à vous engager dans le sport automobile? Pourquoi avoir choisi les Sport-Prototypes et les GT, et non les monoplaces, la NASCAR ou autre chose ?
“J‘ai pensé tout d’abord que les monoplaces ne représentent pas vraiment les voitures que tout le monde peut conduire quotidiennement, alors que les voitures de sport débouchent généralement sur de nouvelles bases, en technologie, en aéro, en développement des moteurs, etc… C’est une situation concurrentielle et, pour être compétitif, il faut prouver des choses et en les prouvant vous améliorez les performances et moi, je trouve cela vraiment intéressant.
Nous avons construit des monoplaces, mais après que nous nous soyons lancés en course automobile. Lorsque j’ai décidé que je n’avais pas besoin de continuer à aller en Europe pour acquérir des technologies et d’acheter des produits, j’ai décidé de construire nos installations ici. Nous avons mis en pratique les compétences que nous avions acquises dans le développement des moteurs et dans la fibre de carbone, nous avons commencé à construire toute une gamme de voitures de sport et des monoplaces.
Nous avons remporté le Champ Car quatre fois en six ans. Je n’étais pas un expert en sport automobile, je voudrais éviter toute confusion. Ce que j’ai trouvé, j’ai trouvé que ça m’enthousiasmait, car j’étais ce que les gens appelaient un néophyte en sport automobile. J’avais 62 ans quand je m’y suis mis.
Je ne ressemblais à tous ceux qui arpentent la pit-lane comme les politiciens, etc. Je faisais attention de l’autre côté de la piste à ce que les fans disaient, à ce qu’ils voulaient, et ils veulent pronostiquer ceux qui vont être les plus performants, ceux qui ont été le plus créatifs, qui vont gagner. Et c’est tout le contraire avec quelques-unes des composantes actuelles -la Balance de Performance est à mes yeux une sorte de castration : dépensez de l’argent, allez vite, et on vous pénalise; ne dépensez rien, on vous récompense et vous pouvez lutter.” engager une
Vous avez été le premier à engager une voiture hybride au Mans, la Panoz Esperante GTR-1 Q9. Pourquoi avez-vous arrêté cette technologie?
“En 1997, quand je suis venu au Mans pour la première fois avec la GTR1 -la GTR-1, au fait, était le premier prototype depuis plusieurs années à avoir un moteur placé à l’avant-, j’ai rencontré Bill Gibson, un personnage intéressant, qui avait une société appelée Zytek; qui fabriquait des moteurs, et il parlait de faire un moteur électrique. Et, en substance, il m’a expliqué ce que pourrait être une voiture hybride. J’ai été enchanté par ce qu’il me disait et je me suis dit “Oui, je pense que nous pourrions le faire”, et nous nous sommes servis de notre GTR1 pour construire une voiture hybride avec des batteries hybrides en nickel sur lesquelles nous avons travaillé avec la firme allemande Varta; nous étions tous excités et nous sommes allés au Mans; nous avons raté notre qualification lors des Préqualifications pour une seconde environ, je crois, mais nous avions été stupides. Nous n’avions pas compris que nous aurions pu économiser le poids de la batterie pour ces préqualifications (la batterie pesait autour des 150 kg, NDLR), mais ensuite nous avons continué. Nous l’avons fait courir au Petit Le Mans (avec Christophe Tinseau, John Nielsen et Doc Bundy) et nous avons remporté notre catégorie en 1998.
Je pensais que c’était vraiment la nouvelle frontière pour la technologie et je suis parti voir tous les équipementiers les plus importants et j’ai discuté avec eux. En 1998, cela fait 20 ans maintenant, je leur ai dit que nous étions certains de l’efficacité, nous étions certains que cela pouvait économiser de l’argent, etc, etc… J’ai eu de leur part à tous ce vitreux regard en coin qui disait en quelque sorte : ”nous ne sommes pas intéressés par les hybrides”. N’est-ce pas étrange, car aujourd’hui ils vous donneraient tous leur bras droit pour avoir la bonne hybride!”
A votre avis, quels ont été les plus beaux succès au Mans pour Panoz ? La victoire de la Panoz Esperante GT2 du team LNT ou les bons résultats des prototypes?
“Je dois dire que le team LNT a été le team le plus excitant parce que c’était une équipe privée anglaise et que Lawrence Tomlinson, qui était propriétaire de l’équipe comme c’était le cas des équipes privées, était un gentleman driver et de fait plusieurs secondes plus lent que Richard Dean et Tom Kimber-Smith qui étaient des pilotes professionnels. Et observer la stratégie, pour laquelle j’avais un peu à voir, de la préparation de la course, de voir ce que nous pourrions faire et comment nous gérerions la course, et les regarder aborder tout ça, juste comme il le fallait, et avec un gentleman driver dans équipe. Il fallait battre les Porsche et les Ferrari, je pensais que c’était tout simplement remarquable. Et je dois juste rajouter que, après la course, un gars qui descendait la pitlane après la course m’a arrêté et m’a dit “Vous êtes Don Panoz, c’est bien parce que Patrick Long a eu un problème, sinon vous n’auriez pas gagné la course, et Porsche aurait gagné.” Le gars avait un grande chemise et une casquette Porsche, je l’ai regardé et je lui ai dit “mais qu’est-ce que vous faites des six ou sept autres Porsche qui étaient en course?” Et il y a eu alors un temps d’arrêt que j’ai savouré.
Une des choses qui m’a le plus impressionné, véritablement, c’est que pendant un bon nombre d’années, j’ai oublié combien exactement, cinq ou six ans, nous étions les chouchous des fans au Mans, et je pense que cela avait à voir avec le fait que nos voitures étaient un peu différentes. Elles avaient le moteur à l’avant et avec le fait que pendant cette période nous courions avec un petit bloc Ford, atmosphérique, et que nous étions compétitifs. Et selon tous les experts, notre moteur était mal placé, parce que nous l’avions monté à l’avant. Mais je pense que c’était le bruit du moteur, sa sonorité, le look de la voiture. Le fait que nous soyons des outsiders, que nous faisions partie des causes perdues nous a donné notre dynamisme et notre popularité en Europe”.