Entretien avec Don Panoz, part 2…

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Suite de l’entretien avec Don Panoz (la 1ère partie est à relire ici)

Quel est votre plus grand regret au Mans, si vous en avez un ?

Mon plus grand regret remonte à 2005, la première année que nous courions avec l’Esperante. J’avais toujours l’habitude de dire à nos gars qu’au Mans c’est une course de 24 heures, et que bien sûr prendre le départ de la course, pour les pilotes, c’est grandiose, avec tout le décorum du Mans, son histoire; et les pilotes, même si nous savons tous qu’ils sont agressifs, on dirait que l’adrénaline monte encore plus en eux. Je continuais à parler aux gars et à leur dire “Regardez, c’est une course de 24 heures, tout ce que nous voulons c’est éviter les ennuis, ne doublez pas en virage, ne montez pas sur les bordures, essayez de ne pas avoir plus d’un tour de retard, laissez les autres faire des fautes, laissez leur adrénaline les emporter et nous les ramasserons durant la nuit, car notre moteur V8 aime la fraîcheur et nous pourrons alors bien faire;” Donc, en 2005, nous avons fait notre discours, nous partions cinquièmes sur la grille et à la fin du premier tour nous étions premiers et alors bien sûr nous avons heurté quelque chose et avons endommagé l’avant de la voiture. Nous étions tous excités, ils ont ramené la voiture, elle a été rentrée dans le box, ils l’ont remis en état proprement et de toute évidence nous avions une voiture qui aurait dû gagner cette année-là. Mais c’est l’année suivante avec LNT que nous avons employé ces bonnes stratégies et c’est comme ça que la voiture a gagné.”

Beaucoup de pilotes, tels que Andy Wallace, David Brabham, Jan Magnussen, Max Angelelli, Mario Andretti, Olivier Beretta ou Max Papis, pour n’en citer que quelques-uns ont conduit des Panoz au Mans, lesquels vous ont le plus impressionné?

Je pense que c’est vraiment une bonne question, bien sûr des pilotes comme David Brabham, Jan Magnussen et Max Angelelli, et on ne peut pas ignorer Mario Andretti, mais le fait est que nous avons eu des pilotes qui étaient très impressionnants. Je pense que David Brabham était un des meilleurs stratèges, je pense que si vouliez prendre un tour et que vous en aviez besoin, alors Jan Magnussen était le genre de gars qui pouvait le faire.

Cependant je regardais aussi le peloton et j’ai également été impressionné par d’autres pilotes. Je pense que JJ Lehto était un des meilleurs pilotes dans le trafic que j’ai jamais vus, l’écossais de chez Audi, oui, McNish, un gars qui pouvait vous faire gagner un tour. Je pense que nous avons eu une grande chance d’avoir possédé la série de pilotes que nous avons eue. En 2006, quand on m’a décerné le trophée “Spirit of Le Mans”, j’ai repensé à nos dix années précédentes et pour célébrer cette dixième année, j’ai regardé la liste des pilotes de cette édition, et sur cette liste cette année-là, il y avait plus de trente pilotes qui avaient piloté des Panoz.”

Vous avez coutume de dire quelque chose comme “je ne veux pas faire ce que d’autres ont déjà fait”. Est-ce votre devise? Est-ce la raison pour la quelle vous avez développé la DeltaWing? Avez-vous été satisfait des résultats de la voiture ou en attendiez-vous davantage?

Bien, tout d’abord, j’ai en moi cette théorie que je ne vois pas pourquoi je passerais tout mon temps à faire ce que les autres ont fait. Oui, c’est excitant, un challenge, une sensation d’accomplissement, tout ce qui arrive quand vous faites bien les choses. Je dis qu’il faut prendre du temps pour rêver, et il faut que vous réalisiez vos rêves. Cependant, vous devez aussi savoir que plus vous rêvez, plus vous ferez de cauchemars de temps à autre!

Concernant la DeltaWing, elle était très radicale et tout le monde disait que ça ne marcherait pas, ce qui était le challenge. Tous les experts, les ingénieurs, les firmes automobiles, disaient “non, non, non; ça ne marchera pas”. C’est Chip Ganassi qui avait avancé l’idée et avait essayé de la faire accepter en IndyCar, ce qui évidemment a été refusé. Cependant, le challenge était de prouver que la voiture, avec moitié moins de puissance, pouvait aller aussi vite que les autres prototypes. Et cela était dû à sa conception inhabituelle, à son équilibrage et son aérodynamique. Nous avons produit une version routière cinq places, nous observons tout, et nous pensons que c’est comme d’autres choses qui sont sur le marché, c’est en quelque sorte comme “Sparky”, notre GTR-1 Q9 hybride, peut-être que nous sommes un peu en avance sur notre époque, mais nous avons ça en nous, nous avons des voitures et nous allons les sortir, et je pense qu’il y a de la place pour cette voiture pour continuer à montrer aux gens qu’ils peuvent être performants, qu’ils peuvent économiser de l’argent et qu’ils peuvent être autant en sécurité que dans une voiture familiale.”

Vous avez démarré un nouveau projet, la Green4U Racing GT-EV, que vous avez présenté en juin dernier au Mans? Qu’en est-il du développement? Allez-vous faire une demande d’engagement au titre du Garage 56 pour les 24 Heures du Mans 2018 ?

« OK, tout d’abord c’est une opportunité excitante, car c’est vraiment un challenge. Lorsque vous prenez un peu de recul, pour voir ce qu’il y a comme formes de voitures de sport, vous prenez une Ferrari, vous prenez une Porsche, n’importe, et vous leur faites le plein d’essence, vous allez faire 250 à 300 miles. Et quand vous regardez ce qui se passe au Mans cette quantité de carburant et d’énergie dure seulement 55 minutes, tandis qu’un réservoir plein sur une voiture de série pourrait durer cinq à six heures. Et pour obtenir l’efficacité de l’énergie électrique, pour pouvoir avoir une voiture qui soit compétitive, c’est un gros challenge. J’appelle cela le Saint Graal. Pour moi, le Saint Graal, c’est d’être capable d’être performant avec une voiture électrique, de remplacer les batteries aussi rapidement qu’ils peuvent faire un ravitaillement avec les autres voitures et d’être aussi compétitif qu’elles. Je pense que c’est c’est un sacré exploit. Où en sommes-nous ? Nous continuons à travailler dessus, la raison pour laquelle nous continuons c’est parce que nous n’avons pas buté sur des impasses nous disant que nous ne pouvons pas y arriver, et le challenge, c’est de progresser, nous devons trouver peut-être deux à trois tours de plus, mais nous travaillons là dessus et bien sûr il y a de nouvelles technologies à venir. Cela ne pourrait peut-être pas être 2018, peut-être 2019, mais nous allons incorporer toutes les technologies les plus récentes et nous allons essayer d’aller au Mans et de prouver qu’une GT électrique pourrait l’emporter. Ce que j’aime dans ce projet c’est que de nouveau nous ne sommes pas comme les autres, c’est une GT et si nous réussissons nous la commercialiserons.

Le siège du pilote et du passager ne sont pas côte à côte mais dos à dos comme dans un cockpit de F16, nous parlons de nouvelles technologies, d’affichage tête haute, de vision surround, etc, etc, et en plus le Saint Graal, la performance. Nous allons continuer à travailler comme je l’ai dit, nous n’avons pas encore rencontré de barrage, mais nous avons encore un peu de travail à faire. 

Vous avez réussi dans de nombreux domaines, comme Elan Corporation dans le domaine pharmaceutique, Chateau Elan Winery & Resort pour la viticulture, Panoz LLC et Panoz Motorsports pour l’automobile, la fondation de l’American Le Mans Series, le Petit Le Mans, parmi d’autres…Duquel êtes-vous particulièrement fier, ou les placez-vous tous au même niveau?

En fin de compte, je place tous les succès au même niveau. Cependant ils possèdent chacun leur propre charme et leur propre motivation, parce que ce sont des types d’affaires différents, avec là encore la motivation de relever le challenge d’essayer de faire quelque chose de mieux. Pour ce qui relève de la pharmaceutique, il s’agissait de développer une technologie permettant de réduire le dosage des médicaments et d’atténuer les effets secondaires. Pour la viticulture, il s’agissait de produire du vin en Géorgie où on considérait généralement qu’on ne pouvait pas en faire. Pour les voitures de course et la compétition, il s’agissait, avec un petit groupe utilisant en plus une technologie moins poussée comme le petit bloc Ford, de montrer qu’on pouvait battre des gens Audi et BMW avec tous leurs moteurs turbo, l’injection directe et tout – c’était une réussite. Chacun de ces domaines était gratifiant à sa propre manière. Je pense, comme je le dis, au Saint Graal qui sera mon dernier rugissement. J’en retirerai un peu plus de satisfaction mais alors ce sera suffisant!

C’est super, et écoutez, pour être tout à fait honnête, j’aime les gens qui me complimentent parce que cela fortifie la volonté de faire des choses différentes et de les réussir. Bien sûr, si vous n’y arriviez pas, cela pourrait vous décourager et je tiens à remercier tous les fans et tous ceux qui ont continué à m’encourager pour que j’essaye de faire un peu mieux.”

Nous remercions vivement Don Panoz. Nous remercions également Laurent Chauveau, Christian Vignon, Luc Joly et Panoz pour les photos, ainsi que Gary Fong et Ray Toombs pour leur aide.

Davantage de photos ici