Entretien avec le duo Porsche, Kevin Estre et Michael Christensen (part 1)

Kevin Estre et Michael Christensen sont tous les deux pilotes officiels Porsche et partagent la même voiture tout au long de l’année en WEC, la 911 RSR #92. Lors d’un point presse organisé par Porsche, nous avons pu nous entretenir avec les deux hommes ainsi qu’avec Pascal Zurlinden, responsable des programmes officiels Porsche…

Comment se passe ce confinement pour vous ?

Kevin Estre (K.E) : « Je vis en campagne en Autriche. Je peux facilement sortir et faire aussi du sport si nous n’avons pas de contact avec les gens. Je vais donc courir régulièrement. De plus, sur ma terrasse, j’ai quelques équipements qui me permettent de me maintenir en forme. Même si cela n’est pas autant que d’habitude, je peux faire de l’exercice à la maison. Je passe du temps avec ma femme, ce qui est assez rare. Dans les 10 ou 15 dernières années, je ne pense pas avoir passé plus de 15 jours de suite à la maison. J’en profite aussi pour faire des choses que je n’avais jamais eu le temps de faire ou alors je trouvais des excuses pour ne pas les faire : faire du rangement dans la maison, monter quelques meubles et je rattrape mon retard au niveau de mes papiers. »

Michael Christensen (M.C) : « Je passe mon confinement au Danemark alors que d’habitude je vis à Londres. Comme Kevin, j’ai été pas mal occupé dans ma maison et je n’y passe pas beaucoup de temps. J’en ai profité pour faire pas mal de choses. J’ai peint un peu, réparé quelques petites choses, réglé pas mal de choses. »

Cela doit vous changer au niveau du rythme…

K.E : « C’était mon rêve de devenir pilote professionnel déjà quand j’étai enfant, à l’âge de 7 ou 8 ans. Aussi bien Michael que moi avons commencé jeune en karting. Nous avons gravi les échelons et nous avons été, très jeune, habitués à un emploi du temps chargé. J’allais à l’école trois jours puis je partais ensuite en Italie pour une course internationale. Je revenais à l’école puis je partais au Portugal ou en France. Déjà, à l’âge de 13 ou 14 ans, j’étais habitué à cela. J’ai maintenant 31 ans et je dois faire cela depuis 20 ans maintenant, je suis absent tous les week-ends ou au moins trois jours par semaine pour le sport automobile. C’était mon rêve de faire cela. Donc c’est vrai que de ne pas avoir d’activité en ce moment, c’est spécial, mais j’apprécie le fait de passer du temps à la maison avec ma femme et de ne pas avoir à me préparer à partir pour une destination. »   

M.C : «Je suis d’accord avec Kevin, cela fait partie de notre style de vie. C’est un rêve de gosse qui devient réalité. J’ai, moi aussi, toujours été dans un environnement de compétition depuis que j’ai 5 ans et on apprend à être compétitif dès le plus jeune âge. Donc c’est vrai qu’en ce moment, c’est une période différente. »

Pensez-vous qu’il y a néanmoins un “bon côté” pour Porsche Motorsport en ce moment ?

K.E : « Je ne suis pas certain que l’on peut appeler cela « bon ». Cependant cela permet aux gens d’avoir plus de temps chez eux, au bureau à Weissach, de ne pas être tout le temps dans un avion ou bien de bien travailler dans un hôtel sur un ordinateur portable. Vous avez aussi moins de distractions, vous êtes plus concentré. Les ingénieurs sont peut-être plus productifs dans cette période, mais je ne sais pas combien de temps les gens vont être occupés. »

Pascal Zurlinden (P.Z) : « On ne peut pas trouver du positif ! Quand vous avez ce genre de crise, rien n’est bon surtout quand on voit tout ce qui se passe dans le monde à l’heure actuelle ! Cependant, nous essayons d’en retirer quelque chose. A Weissach, nous travaillons sur tout ce que nous n’avions pas eu le temps de faire, tout ce qui avait été plus ou moins mis de côté. Ce n’est pas une bonne expérience en tout cas. »

Quand le sport automobile reprendra ses droits, quelles seront les conséquences sportives et économiques d’après vous ?

K.E : « Je pense que cela ne changera pas beaucoup, même s’il est un peu trop tôt pour le dire. Nous devons rester positifs. Je pense que cela pourrait redémarrer région par région, chaque pays les uns après les autres. Comme on peut le voir, il sera difficile de voyager à travers le monde. Cela va redémarrer doucement, peut-être sans spectateur au début. Cependant, sur des manches de WEC, même sans public, vous pouvez avoir, pour deux voitures, 30 à 40 personnes travaillant dans un espace qui peut être réduit. Les règles seront adaptées d’un pays à l’autre et je pense que le point de départ sera difficile à trouver. »

P.Z : « Je ne peux que confirmer ce qu’a dit Kevin. Quand on regarde les calendriers, il y a plus d’une semaine, vous aviez un mélange d’épreuves prévues sur juillet et août. Depuis, on a appris qu’il n’y aurait pas de course autorisée en Belgique et en Allemagne sur ces deux mois. Le gros point d’interrogation est de savoir si les promoteurs peuvent gérer des compétitions sans spectateur. Il faut voir tout cela car cela change tous les jours. Nous ne savons pas quand le redémarrage aura lieu ! »

Les 24 Heures du Mans auront lieu mi-septembre. Qu’est ce que cela change pour vous en termes de course et de préparation. De plus, comment allez-vous gérer l’absence de Journée Test ?

M.C : « Il est vrai que le scénario va être modifié avec des températures différentes. De plus, la nuit sera plus longue. Ce sera donc une édition plus difficile dans ces conditions et donc plus froide qu’en juin. Au niveau de la Journée Test, nous aurions aimé l’avoir et nous tester car nous arrivons avec une nouvelle voiture (qui a fait son apparition en septembre 2019 à Silverstone, ndlr) et cela nous enlève du temps de piste. C’est comme cela, je pense que nos concurrents auraient aussi préféré l’avoir. Nous allons essayer de minimiser l’impact de cette absence de la Journée Test. Nous ferons des essais au préalable si cela est autorisé pour nous préparer en vue du Mans. C’est vrai que cela va changer pas mal de choses, mais j’ai toute confiance en l’équipe Porsche et tous nos ingénieurs. »

Pouvez-vous imaginer une saison d’endurance sans les 24 Heures du Mans ?

K.E : « C’est probablement l’un des pires cauchemars pour tous les pilotes Porsche usine et encore plus pour un Français, car c’est ma course à la maison ! Nous sommes dans une situation un peu spéciale et si Le Mans n’a pas lieu, ce sera une grosse déception pour tout le monde. Nous devons rester positifs tout en étant ouverts d’esprit. J’espère que nous pourrons disputer autant de courses que possible, que nous pourrons faire le show pour les fans surtout en ces temps compliqués pour eux. Chez Porsche, nous voulons aussi démontrer que nous avons une bonne voiture et que nous sommes en mesure de nous battre pour la victoire. »

Après avoir remporté les 24 Heures du Mans et été couronné champion WEC, quel est votre prochain objectif ?

K.E : « L’objectif à court terme est de refaire la même chose, c’est-à-dire un nouveau titre WEC et la victoire au Mans. Il y a d’autres courses que je voudrais accrocher, mais Le Mans est mon objectif n°1. Je suis content de l’avoir fait, j’ai déjà coché quelques cases sur ma liste. A plus long terme, mon but est de remporter les 24 Heures du Mans, mais au général. C’est le rêve de tout pilote et j’adorerais pouvoir le faire avec Porsche. » 

A suivre…