Eric van de Poele : “Mes 24 Heures du Mans, part 2”

1998 : Ferrari 333 SP Doyle Risi Racing (8e)

“Je passe chez Ferrari car je roule toute la saison aux Etats-Unis. Il n’était pas possible pour moi d’être chez Nissan sur un programme complet. Je roule donc sur un prototype sachant que nous n’avions aucune chance de gagner. Nous faisions deux tours en moins avec un plein de carburant. Cette course était très frustrante car tout était parfait. J’ai roulé durant 13 heures car Fermin Velez était souffrant (Wayne Taylor était le 3e homme, ndlr). On termine premier prototype (LMP1), mais loin au général (8e). J’étais très déçu. La voiture s’est carrément écroulée dans la foulée du damier. Je pense qu’elle n’aurait pas fait un tour de plus.”

1999 : Nissan R391 Nissan Motorsports (forfait)

“Tout était très bien préparé. Un outil a bloqué les freins au Tertre Rouge et tout s’est arrêté là. Je pense que j’étais le pilote le mieux payé pour le nombre de tours bouclés (rire). J’ai suivi la course depuis l’hôpital. J’ai tapé le mur de face à 177 km/h. On a démarré les essais en retard, un mécano avait démonté le tableau de bord et il était un peu en stress. Je pars avec 20 minutes de retard dans la séance. Je fais un tour et je rentre pour ajuster les pédales. Je repars, mais mon feeling n’est pas bon. J’entends quelque chose dans la voiture, je tourne le volant pour voir et rien. J’arrive au Tertre Rouge, j’ai l’impression que l’accélérateur reste bloqué. On arrivait à 240 km/h, on tournait à 140 km/h. J’ai le réflexe de descendre les vitesses et de couper le moteur. Le souci est que les commissaires ne m’ont pas entendu arriver. J’ai reculé le rail d’un mètre trente et cassé le mur. C’est là que tu te dis que ces autos sont solides. J’ai eu une vertèbre fracturée.

Le médecin m’a dit que j’en avais pour trois mois de récupération. Jean Duby, qui était médecin chez Toyota, m’a envoyé chez le Pr Saillant à Paris. Deux jours après, Thierry Boutsen est venu me rejoindre (suite à son accident avec la Toyota GT One en course, ndlr). A l’hôpital, nous n’étions pas au même étage mais nous correspondions pour savoir qui allait sortir le premier.

2000 : Cadillac Northstar Team Cadillac (22e)

“Après mon accident, c’était compliqué de trouver un volant. J’étais proche de Wayne Taylor qui m’a proposé de rouler chez Cadillac. C’était génial de rouler pour un constructeur qui faisait son retour aux 24 Heures du Mans. Pour la première fois, je signais un contrat de trois ans même si après on s’est retrouvé à pied.”

2001/2002 : Bentley Speed 8 Team Bentley (3e, 4e)

“En 2001, j’avais un contrat pour rouler chez Dick Barbour Racing pour l’ALMS, l’ELMS et Le Mans. Le team est arrivé aux 24 Heures du Mans avec un auto qui n’était pas vraiment prête. Lors des essais préliminaires, je voyais cette magnifique Bentley. Je discute avec Andy Wallace, mais ça s’arrête là. En fin de journée, il revient me voir pour me dire que James Weaver avait eu un différend avec Richard Lloyd. Andy et Butch (Leitzinger) m’ont recommandé car on se connaissait des Etats-Unis. Le ‘hic’ est que j’avais un contrat avec Dick Barbour. Après deux nuits sans sommeil, j’ai appelé Dick pour lui expliquer la situation. Sa réponse a été claire : “vas-y” ! Il a été fabuleux sur ce coup là, mais j’étais en balance avec Jacques Villeneuve. J’ai été retenu et je dois dire que rouler pour une équipe anglaise ne s’oublie pas. C’était fabuleux. Je n’oublierai jamais le podium avec les Anglais qui criaient Bentley, Bentley, Bentley alors que c’est Audi qui avait gagné. L’édition 2001 a été dure à cause de la pluie. On faisait de l’aquaplaning avec, en plus, un problème d’essuie-glace. On était tous des survivants. Ce qui est marrant, c’est que j’avais contacté Bentley avant le début du programme, mais cela n’avait pas pu se faire.”

2001
2002

2008/2009/2010 : Ferrari 430 Krohn Racing (abandon, 22e, abandon)

“Cette aventure avec Krohn et Risi Competizione était géniale. Je faisais du Daytona Prototype avec eux aux Etats-Unis et Le Mans figurait au contrat. Au départ, je n’étais pas trop chaud car ce n’est pas la catégorie reine, mais à un moment, tu te dis que tu dois le faire. Faire Le Mans en GT est bien plus compliqué qu’en prototype.

J’ai perdu mon métier d’un coup avec Krohn Racing. En décembre, l’équipe me dit que je ne peux plus rouler à cause de la catégorisation des pilotes. Je n’ai pas su retrouver un volant. Après, c’était fini. Du jour au lendemain, j’ai dû faire autre chose. Piloter était ma vie, ma passion, mon métier. Une règle brutale m’a mis à pied.”

24 Heures du Mans 2009

On peut comparer les 24 Heures du Mans et les 24 Heures de Spa ?

“Les deux courses sont très différentes. Le Mans est plus facile sur le plan du physique de part la configuration du circuit. Les changements de rythme sont plus difficiles niveau concentration. La course de Spa est très dure physiquement avec une nuit plus longue et une météo très changeante. Gagner les deux est difficile. Sur 24 heures, il y a tellement de paramètres à gérer. Je pense que Spa est plus compliqué car au Mans, tu peux prendre moins de risques en piste compte tenu des longues lignes droites.”

Vous allez suivre cette édition 2020 si atypique ?

“Bien sûr que je vais regarder ! Le Mans est une course que j’ai dans le cœur. C’est dur d’y aller sans rouler. J’ai des fils qui regardent la course et je ne vais pas aller tondre la pelouse pendant qu’ils regardent (rire). C’est un privilège de disputer cette course. Christophe D’Ansembourg, qui est un ami, découvre la course cette année (il roule sur la Ligier JS P217 d’EuroInternational, ndlr). Je suis content et à la fois triste pour lui car il n’y aura pas de public.

Je suis allé au Mans pour la première fois avec mon père. Plus tard, quand j’ai gagné le Volant Avia, j’y suis retourné avec Hervé Regout où j’ai fait la connaissance de Jo Gartner. J’avais failli rouler sur une ALD. J’essayais absolument de faire cette course car c’est LA course à faire. J’ai découvert le circuit de nuit dans la Peugeot 905. Une sacrée expérience mais je conseille plutôt de le découvrir de jour (rire).”