Essai : Stéphane Lémeret teste la Toyota GR Supra GT4

Endurance-Info lance une rubrique ‘Essais’ confiée à Stéphane Lémeret. Le pilote-journaliste compte un solide palmarès en sport automobile. Il était l’année passée en FFSA GT sur une Alpine A110 GT4. Pour ce premier essai, Stéphane a testé la toute nouvelle Toyota GR Supra GT4 de l’écurie CMR de Charly Bourachot. Stéphane pilotera cette même auto en GT4 European Series. Moteur !

Si cette nouvelle rubrique « essais » d’Endurance-Info.com est aussi ouverte aux GT de route, nous tenions toutefois à l’inaugurer avec le test d’une voiture de course. Passion oblige !

La Toyota Supra GT4 étant une des nouveautés les plus attendues de l’année, j’ai profité de mes liens privilégiés avec le team CMR pour faire partie des premiers à l’essayer. L’équipe avec laquelle j’ai décroché le titre de vice-champion de France FFSA GT 2019 engagera en effet deux exemplaires de la nouveauté japonaise dans les championnats de France et d’Europe GT4 2020.

La pandémie a forcément retardé le programme mais CMR a finalement réceptionné ses deux Supra le 5 juin. Dès le 10, nous étions à pied d’œuvre sur le circuit d’Alès – où l’équipe est basée -, avant d’enchaîner au Castellet.

Première impression : Toyota Gazoo Racing Europe (anciennement Toyota Motorsport Gmbh) a visiblement mis les petits plats dans les grands pour développer cette voiture. Contrairement à l’Alpine GT4 courageusement mise au point par Signatech avec des moyens limités, la Supra est une vraie voiture d’usine, ayant bénéficié de gros investissements pour en faire une voiture gagnante et fiable d’entrée de jeu.

Cela se ressent dès que l’on s’installe au volant, avec un habitacle digne d’une très bonne GT3 ! Tout est soigné, et l’ergonomie juste parfaite. Non seulement la position de pilotage s’adapte très facilement à toutes les morphologies grâce au pédalier monté sur glissières et au volant ajustable dans toutes les directions mais en plus, les commandes et le tableau de bord sont extrêmement intuitifs. Sur les dizaines de voitures de course que j’ai déjà eu la chance de piloter, c’est clairement celle-ci qui est la mieux conçue de ce point de vue. Je me suis par exemple assis dans une des Bentley du team au Ricard et la Toyota est sensiblement plus « claire ».

Les – nombreuses – commandes situées sur le volant tombent immédiatement sous le pouce ou l’index (les clignotants et les essuie-glace étant judicieusement « cachés » à l’arrière), et on retrouve avec bonheur le système de « télécommande » des BMW de route sur la console centrale (rappelons que la Supra et la BMW Z4 de route partagent une base commune). Ce bouton central permet d’entrer dans les menus et sous-menus – des tâches plutôt réservées aux techniciens – mais il permet aussi de régler la réponse de l’accélérateur, les rétroviseurs ou encore d’enclencher la ventilation. Tout cela est vraiment très bien conçu : je n’ai jamais utilisé une voiture de course dont les commandes étaient aussi naturelles et intuitives !

Un vélo !

Si l’accès à bord est un peu plus compliqué que dans l’Alpine GT4 en raison d’une portière assez petite, d’un siège enveloppant et des nombreux renforts d’arceau, la Supra rend par contre la vie du pilote bien plus facile en manœuvres grâce à un embrayage automatique. Vous enclenchez la première, vous lâchez le frein et c’est parti. Demandez aux nombreux pilotes qui ont déjà calé en Alpine – parfois après un changement de pilote en course – si ce n’est pas un avantage ! Cela permettra aussi aux ingénieurs de piste de calculer plus précisément le temps à prévoir pour passer de l’arrêt à la sortie de la pitlane quand le temps de passage par cette dernière est imposé (ce qui est le cas dans les championnats réservés aux GT4).

Pour un moteur turbo, le son du 6 cylindres 3 litres de 430 chevaux est plutôt sympa mais n’oblige pas à porter des bouchons d’oreilles si la radio n’est pas installée. Ce qui frappe avant tout, surtout en venant de l’Alpine, c’est le couple immédiatement disponible à bas régime. Pas la peine de « croiser » frein et accélérateur pour précharger le turbo : la Supra pousse fort dès que vous touchez à la pédale de droite. Cela rend le pilotage plus naturel et permet de moins « réfléchir » en entrée, milieu et sortie de virage. Il est dès lors plus facile de doser votre effort, ou plutôt celui du moteur.

La boîte séquentielle 7 rapports issue de celle d’origine semble être particulièrement bien développée et « claque » bien en descente. Je n’ai rencontré aucun refus, phénomène pourtant assez courant sur certaines GT4. Les quatre premiers rapports sont très courts, si bien qu’avec le couple du moteur, vous n’utilisez jamais la 2e  sur un circuit comme le Castellet (et encore moins la 1ère, forcément). Dans les deux épingles, là où l’Alpine vous fait toujours hésiter entre la 1ère et la 2e, la Supra passe tranquillement en 3e, avec suffisamment de force pour vous extraire rapidement du virage. La motricité est par ailleurs étonnante pour une voiture à moteur avant.

Cette architecture était ce qui m’inquiétait le plus, moi qui suis plutôt habitué aux GT à moteur central. Mais le 6 cylindres en ligne est tellement reculé dans le compartiment moteur que finalement, la Supra se comporte quasiment comme une auto à moteur central. Vous ne ressentez pas de poids excessif sur le train avant, et la japonaise est d’une agilité étonnante pour une auto de conception « classique ». Rien à voir avec une BMW M4 GT4, ni même avec la Mercedes AMG-GT4, bien plus pataude elle aussi.

Ses réactions sont aussi naturelles que la compréhension de ses commandes et, du moins sur le sec, elle ne m’a pas fait peur une seule fois durant ces deux jours de tests. J’ai pourtant largement profité des grandes étendues du Ricard pour la pousser plus loin que nécessaire mais elle est toujours restée parfaitement contrôlable. Lors de mon seul tour sous la pluie par contre, la Supra GT4 m’a semblée plus caractérielle que l’Alpine, avec un train arrière plus volage. Mais cela demande confirmation. Dans ces conditions, l’antipatinage hyper-évolué (mis au point par l’usine qui a quand même développé les F1 et les LMP1 de Toyota) doit pouvoir aider. Sur le sec ou en pneus slicks sur piste humide, il m’a bluffé, me rappelant une des références de l’histoire du GT en la matière, la fameuse Maserati MC12 (dont l’antipatinage avait été développé en partenariat avec la Scuderia Ferrari). D’une précision étonnante !

Pour le reste, les freins m’ont semblé aussi efficaces et plus constants que ceux de l’Alpine, avec un ABS très bien calibré. Enfin, avec les ressorts « mediums » utilisés lors de ces journées d’essais, la Supra absorbe bien les bordures.

En résumé, elle devrait rapidement devenir une des références du GT4, notamment car elle constitue un bon compromis entre les légères Alpine, KTM et Ginetta, et les grosses BMW, Mercedes et autres Audi. Elle devrait donc se révéler performante sur tous les types de circuits, ce qui est important lorsqu’on veut viser un titre. Reste à encore un peu fiabiliser l’ensemble mais il reste un bon mois à CMR avant le début de la saison européenne, et deux avant les… Coupes de Pâques de Nogaro !

Merci à Nicolas Deumille pour les photos