Décembre 2005, réunion de crise à Enduance-Info pour savoir si nous allions couvrir le tout nouveau championnat GT3. A cette époque, les autos étaient pour la majorité des GT de route équipées pour la course. Croyez-moi, j’ai dû ramer pour faire accepter les GT3 sur Endurance-Info. Dix ans plus tard, on sait ce qu’est devenu la catégorie.
Aussi étrange que cela puisse paraître, on ne s’est pas posé une seule fois la question de couvrir le GT4. Il faut vivre avec son temps me direz-vous. Les essais de Dijon m’ont permis de faire un bond dans le temps 11 ans en arrière où les GT3 étaient en essais sur le tracé bourguignon. Je me souviens même avoir bouclé un tour en passager d’une Aston Martin DBRS9. Onze plus tard, on m’a carrément proposé de prendre le volant d’une GT4. C’est dire si les temps changent.
Le paddock dijonnais avait un air de rentrée des classes tel un passage du collège au lycée. Chaque équipe découvrait sa monture, tout le monde amenant sa petite structure. On dira ce qu’on veut mais voir IMSA Performance amener sa Porsche Cayman GT4 dans une remorque tirée par un fourgon prouve qu’il n’y a pas besoin de dépêcher une armée pour faire du sport automobile. Le GT4 permet de revenir aux sources : des autos ‘abordables’ financièrement, un personnel limité et peu de technique.
En faisant le tour des équipes, on s’est vite rendu compte que personne ne nous a parlé de Balance de Performance ou de catégorisation de pilotes. Tout le monde est déjà projeté dans quelques années avec comme seul voeu une limitation des coûts. Le GT3 devait être la formule d’appel du GT. Résultat, on a maintenant des GT qui sont à l’opposé du concept initial. Tout le monde, je dis bien tout le monde, est à l’unisson : “attention à ne pas rajouter des kits tous les ans.”
Porsche sort un modèle un an avant Audi, Mercedes, BMW et consorts. Le discours des constructeurs, on le connaît et on peut déjà vous le faire : la concurrence sort un modèle plus récent, donc si vous voulez rester dans le coup, on vous propose une évolution.
Ce n’est pas pour rien que Jean-Luc le Duigou n’a pas pu remplir sa Porsche 997 Cup, plus ancienne mais aussi moins chère. Tout le monde veut la dernière auto à la mode dans une série pourtant balancée techniquement. Porsche a vendu 420 Cayman, McLaren environ 70 570S GT4. Combien de temps vont pouvoir rester hors du coup Ferrari et Lamborghini pour ne citer que ces deux marques ? Le souci est que le ticket d’entrée est inférieur à 200 000 euros. McLaren a réussi l’exercice mais quid de Ferrari ?
Les pilotes ont bien compris qu’une GT4 allait tourner environ 5 secondes moins vite qu’une Porsche Cup et au moins 10s moins vite qu’une GT3. Il est où le problème ? Tout le monde part dans une seule et même catégorie. “Ok, c’est moins ‘bandant’ qu’une GT3” nous a lâché un pilote professionnel avec le sourire. “Cela n’a aucune importance puisque tout le monde roule dans une catégorie unique. Il ne faut surtout pas croire que les courses seront des parties de plaisir. Sortir du lot sur une course d’une heure ne sera pas facile quand tout le monde a sensiblement la même auto.” Le public veut une chose en bord de piste : du spectacle. C’est exactement ce qu’il a avec la TwinCup sur base de Renault Twingo. On ne doute pas une seconde que ça va frictionner en piste en GT4.
Tous les acteurs du sport automobile vous diront que tout est une histoire de cycle et on ne peut pas vous prouver le contraire. En 2006, Stéphane Ratel a eu les oreilles qui ont sifflé avec son concept GT3 qui faisait ricaner. En 2017, personne bronche sur le GT4 et tout le monde s’accorde à dire que c’est le produit idéal pour la France. Ce n’est pas pour autant que le GT3 va se dépeupler. Est-ce que le LM P3 a mis un terme au CN ? Au contraire, il permet de voir une nouvelle clientèle. Le produit GT3 est de plus en plus compliqué pour les équipes privées et les gentlemen, comme l’était le GT1 au milieu des années 2000. Les GT3 de 2006 étaient bien plus petites que les GT1 comme les GT4 sont plus petites que les GT3. On vous l’a dit, tout est une histoire de cycle…
Ndlr : plutôt que de vous montrer des images des GT4 à Dijon, on vous propose un retour sur les essais GT3 de Dijon en 2006.