L’objectif de tout sportif est d’arriver le premier en respectant un règlement. “Le succès n’est pas un but mais un moyen de viser plus haut”, disait Pierre de Coubertin, le rénovateur des Jeux Olympiques.
En football, vous jouez 90 minutes à 11 contre 11. En tennis, vous avez cinq sets (sur les tournois du Grand Chelem) pour vous imposer. En sport automobile sur circuit, vous partez tous ensemble et celui qui a franchi la ligne d’arrivée le premier a gagné. Pour espérer l’emporter, il faut déjà se conformer aux règles bien spécifiques à la discipline. Et des règles, il y en a un paquet.
La nouvelle règle mise en place en Michelin Le Mans Cup fait parler, beaucoup parler. Pour résumer, les pilotes classés Bronze par la FIA, à savoir les gentlemen drivers, seront pénalisés de 20 secondes s’ils sont trop rapides. On peut toujours critiquer cette décision, mais là n’est pas le problème. Il est plus général !
Cela fait des années que le système de catégorisation des pilotes est remis en cause. Ce qui était au début une façon de faire du Pro-Am est devenu une norme en LMP et GT. Forcément, le système a dérivé. Le petit jeu de l’intersaison est de trouver le meilleur Bronze ou le meilleur Silver. Au bout du compte, il faut mettre la main sur celui qui est passé entre les mailles du filet, celui qui ira vite dès le début et qui sera plombé la saison suivante s’il passe Gold. Au XXIe siècle, l’Endurance a cette particularité qu’il faut rentrer dans des cases pour pouvoir rouler si vous ne faites pas partie d’un équipage entièrement Pro.
Pour en revenir à la règle mise en place cette saison en Michelin Le Mans Cup, l’avenir dira si le fait de pénaliser un Bronze aussi vite qu’un Silver est bon ou pas. Il faut aussi avoir à l’esprit que la FIA n’a pas bougé les catégorisations cette saison compte tenu de la pandémie.
Le but d’un pilote est d’être le plus rapide sur la piste, de progresser et d’être payé pour effectuer son travail. De plus en plus de jeunes arrivent de la monoplace avec beaucoup de budget. Certains arrivent comme Silver, gagnent des courses, passent Gold l’année suivante et se retrouvent sans rien car ils n’intéressent plus personne. Soyons francs : un très bon Bronze et un très bon Silver ont plus de valeur qu’un Gold en 2021. En tant que pilote Gold, vous êtes un peu “le cul” entre deux chaises.
Le sport automobile est truffé de subtilités, principalement les catégories LMP et GT. Personne n’aurait l’idée de payer 10 millions d’euros pour jouer au FC Barcelone avec Lionel Messi. En Endurance, vous pouvez vous offrir deux pilotes et tenter de jouer les premiers rôles si votre niveau est suffisant. Le sport auto s’est professionnalisé, mais il y a de moins en moins de place pour les pilotes qui ne paient pas. Vous n’imaginez pas le nombre de pilotes de pointe qui paient directement ou indirectement via un partenaire. Si vous mettez une fois la main dans le pot de confiture, vous êtes considéré comme pilote payant. Quand on parle de réunir un budget, on ne parle pas de 100 000 euros, mais bien de 300 ou 400 000.
Avec le temps, tout devient très cadré, certainement trop cadré. Il faut s’arrêter X minutes pour changer les freins, il faut ravitailler en X secondes, il faut changer les pneus entre la X et la Y minute, etc… Pour tout comprendre, il faut être ingénieur.
Les catégories LMP2 et LMP3 offrent peu de possibilités au niveau des constructeurs et aucune excentricité pour le manufacturier pneumatique et le motoriste. C’est à prendre ou à laisser. Par chance, le GT permet encore de se démarquer, mais au prix d’une BOP même dans une catégorie GTE-Pro réservée pourtant aux constructeurs.
Avec toutes ces règles, il devient de plus en compliqué de savoir quelle est la meilleure auto et quel est le meilleur pilote. On connaît le potentiel de certains pilotes sans parler de BOP, mais pour d’autres c’est plus compliqué. Il faut savoir quelle est la BOP en place, qui a le plein de carburant, qui a les pneus neufs à l’instant T.
Toutes les catégories, à l’exception du LMP2 et du LMP3, ont une BOP : Hypercar, DPi, GTE, GT3, GT4. Il est vrai qu’il n’y a pas besoin d’une BOP en LMP2 car 99% des équipes disposent du même châssis et, en LMP3, un châssis est bien plus présent en piste que les autres. La BOP a la vertu de limiter les coûts, mais doit-on pour autant tomber dans le ‘tout le monde doit pouvoir gagner’ ?
Au siècle dernier, si la voiture n’était pas bonne, elle repassait sur la planche à dessin. De nos jours, on fait avec. Canet-en-Roussillon a fait chuter l’Olympique de Marseille en Coupe de France de football avec sa propre équipe. Le règlement n’a pas rajouté trois joueurs à l’équipe de Nationale 2 face à celle de Ligue 1. Les artisans du sport auto ont disparu des circuits et les petits constructeurs ne peuvent plus s’exprimer.
Payer un pilote Bronze pour rouler montre que le système est certainement arrivé à bout de souffle. Si on regarde les grilles 2021 dans un contexte sanitaire et économique toujours compliqué, on se rend vite compte que tout est complet alors qu’il y a un an quasiment jour pour jour, on annonçait quasiment la fin du sport automobile. Un an plus tard, on ne peut toujours pas sortir acheter sa baguette de pain après 18 heures, on ne peut pas voyager sereinement, on ne sait pas quand on va sortir de cette situation et on devrait avoir dans quelques mois près de dix constructeurs confirmés dans la catégorie reine dans deux ans. Après réflexion, tout ne va pas si mal…