Le rideau est tiré sur les 24 Heures du Mans 2017 qu’il est déjà le temps de se projeter vers le futur. Les deux dernières éditions resteront dans les annales et on se demande déjà ce que va nous réserver le scénario 2018. Il est temps de dresser un bilan avant de se projeter dans l’avenir avec quelques questions dont il va falloir trouver les réponses.
Pour résumer cette folle semaine, on a eu droit à un chrono de 3.14.791 en LM P1 et un 3.25.352 en LM P2. Toyota perd deux autos en moins de 20 minutes, Porsche qui a ensuite course gagnée connaît à son tour un problème, la deuxième Porsche qui s’offre une remontada jusqu’à la victoire, le final GTE-Pro incroyable, une LM P2 qui a bien failli s’imposer, une LM P2 disqualifiée après l’arrivée, un pilote qui fait un signe d’encouragement à la sortie des stands et qui a eu des conséquences, etc… On ne compte plus les histoires à raconter sur cette 85e édition digne d’un Michel Vaillant, si bien que plus personne ne s’est plaint d’avoir un duel et non plus un match à trois.
Si 2017 a été incroyable, qu’en sera-t-il de 2018 et même de 2019 ? Les deux constructeurs présents vont devoir prolonger avec leurs montures actuelles durant encore deux ans. A l’heure où un retrait de Porsche en fin de saison revient dans les conversations, Toyota pourrait reprendre seul le flambeau. Le constructeur japonais a indiqué vouloir revenir pour l’emporter. Mais qui sera en face le 16 juin 2018 ? Au mieux Porsche, au pire des LM P1 non hybrides et des LM P2 prêtes plus que jamais à se faire une place au soleil. Si Toyota gagne seul, on entendra que Toyota a gagné sans concurrence. Vu qu’une course reste une course, Toyota peut perdre même sans concurrence. C’est aussi ce qui fait le charme des courses longues où on ne peut pas écrire le film avant qu’il se déroule. On a vu cette année que les LM P1 n’ont pas été épargnées par les soucis d’hybridation alors que la technologie est maintenant éprouvée. Porsche fait rouler sa monture depuis 2014 et Toyota depuis 2016. Il y a quelques années, le législateur ne souhaitait pas voir une LM P1 en-dessous des 3.30 mn au tour en course. Cette année, huit LM P2 ont tourné sous les 3.30 mn au tour en course. Ce n’est plus une évolution des LM P2 mais une révolution. Avec des LM P1 non hybrides qui pourraient arriver en nombre en 2018, où placer ces autos entre les LM P1 hybrides et les LM P2 qui ont gagné 10s ? Pas sûr que Porsche et Toyota voient d’un bon oeil des équipes qui dépensent nettement moins d’argent venir les titiller.
On ne vous apprendra rien en disant que les LM P1 hybrides sont de vraies machines futuristes, peut-être même trop. La technologie semble avoir pris le pas sur l’homme. La fiabilité a été mise à mal avec des autos de plus en plus pointues. Tout est millimétré en piste, ce qui n’est pas sans poser quelques soucis comme on l’a vu avec l’accident de la Toyota #9. Les LM P1 ont du mal à se frayer un chemin face à des LM P2 survitaminées. Les pilotes de LM P1 lâchent bien plus tôt que les LM P2. Nicolas Lapierre en a fait les frais, tout comme Simon Trummer.
Les LM P1 ont souffert et les LM P2 ont déroulé. Avant le départ, on ne donnait pas cher des nouvelles autos handicapées par de récurrents soucis d’électronique depuis le début de l’année. Force est de constater que tout s’est passé pour le mieux avec 14 moteurs Gibson dans le top 17. Le Jackie Chan DC Racing a frôlé l’exploit de gagner les 24 Heures du Mans au général mais les Chinois ont tout de même placé leurs deux LM P2 sur le podium général. Avec 600 chevaux et une vitesse de pointe avoisinant les 340 km/h, les gentlemen sont mis à rude épreuve. Sur le papier, c’est certainement trop mais tout le monde s’en est sorti, qui plus est sous une forte chaleur. Il faut signaler la bonne tenue des nouvelles équipes LM P2 : Graff, United Autosports, IDEC Sport Racing, Tockwith Motorsports.
Avec une BOP retoquée avant la course en GTE-Pro, on pouvait craindre un fiasco en course mais c’est tout le contraire qui s’est produit. Toutes les marques ont eu leur mot à dire et les dernières minutes ont été de toute beauté. Si on se place dans la peau d’un spectateur, rien à redire. Si on se place dans la peau d’un concurrent, les dents ont dû grincer chez certains constructeurs avec la victoire d’une Aston Martin qui se bonifie avec l’âge alors que Porsche, Ford et Ferrari ont des autos toutes neuves. Le spectacle était au rendez-vous et les milliers de fans en ont eu pour leur argent.
2020 c’est déjà demain…
La conférence de presse donnée par l’ACO a donné une ébauche du futur. Il faut attirer de nouveaux constructeurs tout en réduisant les coûts et en gardant un intérêt technologique. L’équation n’est pas simple car tout ce qui est nouveau sur le plan hybride demande du développement et donc des moyens. Peugeot n’a pas donné sa réponse sur un éventuel retour en 2020. La question est de savoir qui sera là en 2020 car un programme LM P1 ne se prépare pas du jour au lendemain. On sait de source sûre qu’au moins deux autres constructeurs regardent de près le LM P1 hybride mais aucun n’a appuyé sur le bouton vert et à l’heure actuelle le bouton est plus orange que vert. Le problème des constructeurs reste le même depuis la nuit des temps avec un va-et-vient. Il faut arrêter de croire que l’Endurance vit avec les constructeurs. Sur un plan marketing, sans aucun doute, mais sans les équipes privées qui se saignent chaque hiver, le plateau ne serait pas ce qu’il est.
Il reste encore deux saisons pour arriver à 2020. En attendant, le salut pourrait bien passer par les LM P1 non hybrides. Si de nouveaux constructeurs roulant en hybride arrivent à l’horizon 2020, il reste au minimum deux éditions aux privés pour remporter la course d’endurance la plus importante au monde. Au train où vont les choses, voir un triplé LM P2 en 2018 n’est pas utopique avec des LM P1 non hybrides débutantes même si on pouvait en dire autant des LM P2 cette année. Il y a un an, nous débattions avec Didier Calmels de la possibilité de voir une LM P2 sur le podium. Nous avions juste un an d’avance. Pour avoir un maximum de marques à moindre coût, pourquoi pas accepter les DPi avec plus de chevaux. Jacques Nicolet a toujours fait partie des fervents défenseurs des LM P1 non hybrides développant 750 chevaux. Cadillac veut revenir au Mans, Mazda également. Honda serait à coup sûr partant, Alpine aussi.
Du côté du GT, si la convergence GT3/GTE n’est pas pour demain, les GTE devraient à l’avenir partager de plus de plus de composants avec les GT3 afin de réduire les coûts. Reste l’éternel coût du développement moteur qui refroidit bien des marques intéressées.
Jusqu’à maintenant, seuls les constructeurs d’envergure allaient aux 24 Heures du Mans avec l’objectif de monter sur la plus haute marche du podium. 2017 a donné des envies à bien des équipes privées pour 2018…