L’homme du week-end de Monza en European Le Mans Series n’est autre que Filipe Albuquerque. Tout lui sourit en ce moment, à lui, mais aussi à son coéquipier Phil Hanson et à l’équipe United Autosports. A l’issue de sa victoire et de son titre ELMS, le Portugais est revenu sur son année 2020 exceptionnelle pour Endurance-Info…
Nous sommes une heure après le drapeau à damiers. Comment vous sentez-vous ?
« C’est un mélange d’un sentiment de travail accompli et de soulagement en même temps. Nous avons fait quelque chose de grand dans le monde du sport automobile. Nous avons gagné les 24 Heures du Mans (LMP2), j’ai vraiment apprécié toute la gloire qu’il y a eu autour, la joie, le succès, le travail accompli et aussi le soulagement. Mais j’ai déjà presque la tête tournée vers la prochaine manche ELMS à Portimão et sur la façon dont nous allons essayer d’être performants la prochaine fois. Quand vous perdez, vous souffrez jusqu’à la prochaine course. Quand vous gagnez, comme ici, vous ne voulez pas laisser passer ce moment, vous voulez le conserver pour toujours. J’ai vraiment ressenti la pression de montrer à tout le monde que nous pouvions continuer de produire ce type de performance, pour moi de continuer à signer des pole positions, que même si nous gagnions, nous n’allions pas nous relâcher et que je voulais plus encore. Un jour, je vais perdre, c’est certain, mais ce sera avec le sentiment de travail bien fait. J’apprendrais de ma défaite comme on apprend de ses victoires. Cependant, tout faire en une seule année, c’est incroyable… »
Un jour, vous m’avez dit que votre grand objectif était le titre ELMS. Pourquoi celui là en particulier. Parce que vous avez plusieurs fois essayé de l’obtenir ? Car il est plus difficile que le WEC ?
« L’ELMS est vraiment un championnat relevé. Il y a pas mal de très bonnes équipes, c’est un championnat court avec seulement 5 à 6 manches où le moindre résultat blanc coûte cher. Ces dernières années, j’ai gagné pas mal de courses sur chaque saison ELMS, mais jamais je n’avais jamais été en mesure de pouvoir décrocher le titre. J’avais le sentiment qu’il y avait quelque chose entre moi et l’ELMS qui m’empêchait de gagner le championnat. J’ai été dans de bonnes équipes, signant des pole positions, des victoires, le rythme n’était jamais le souci. Cependant, la question était : pourquoi cela ne vient pas ? Cette année, nous avons finalement remporté ce titre ! Je suis content et cela confirme ce que je pensais au plus profond de moi : que je pouvais le faire, que mon équipe pouvait le faire, que c’était juste une question de ne pas lâcher et qu’un jour ça arriverait : la preuve !
Le WEC, c’est différent car vous êtes très dépendant de votre résultat aux 24 Heures du Mans. Si les choses se passent bien, vous avez de grandes chances d’être titré. Le Mans en 2020 nous a automatiquement donné le titre. J’ai terminé 2e en 2016 (avec RGR Sport by Morand) et là, c’est le titre direct avec United Autosports. On a l’impression que c’est venu naturellement et facilement, mais ce n’est pas si simple. Phil est très content de ce titre ELMS, mais il ne le sera pas autant que moi car j’ai tellement perdu auparavant pour y arriver. De plus, lui a obtenu l’ELMS après seulement trois saisons. Quand vous suez plus, vous appréciez davantage !»
Vous avez ramené le trophée des 24 Heures du Mans à la maison, reçu un coup de fil du Président de la République, été honoré par votre ville natale, participé à une mission TV. A quel point cette victoire est importante dans votre carrière ?
« Le Mans fait la carrière d’un pilote. Cela restera sur mon palmarès toute ma vie. Elle représente beaucoup dans mon parcours car vous n’arrivez pas au Mans en sortant de nulle part. Ce fut un long, long chemin pour moi pour arriver à ce résultat. Cette course ne récompense que quelques pilotes. Alors on pourrait dire que ce n’était qu’en LMP2 et pas au général, oui, mais le LMP2 est certainement plus difficile que le LMP1 ces 10 dernières années et je sais de quoi je parle, je l’ai vécu (il a été pilote Audi Sport en LMP1 en 2014 et 2015, ndlr). Essayer de battre 24 autos tout en sachant qu’entre 10 et 15 peuvent gagner, cela a de la valeur et montre à quel point ce fut dur de gagner les 24 Heures du Mans en LMP2. Quand on me dit cela, je réponds que j’ai gagné une catégorie qui était plus dure que le général ! Personne ne peut dire le contraire ! »
Titre ELMS, titre WEC, victoire au Mans. Comment expliquez vous la domination de United Autosports ? Quel est votre secret ?
« Il n’y a pas de secret, c’est juste la manière dont nous travaillons tous ensemble. Avec les courses d’endurance, ce sont beaucoup d’heures passées dans l’équipe. C’est une question de confiance envers nos coéquipiers, il n’y a pas d’ego dans cette écurie, je me bats toujours pour cela. Phil est très à l’écoute, ce n’est pas un gamin arrogant, il est humble, travailleur et grand pilote. Je l’ai beaucoup répété au début, 2020 est une année spéciale car nous avions tout pour gagner toutes les courses. J’avais aussi dit qu’en fin de saison, on ne me surprendrait pas en train d’accuser qui que ce soit. Nous n’avions aucune excuse, nous avons les voitures, les pilotes, l’équipe, tout pour bien faire. Mais bien entendu, il peut y avoir de la malchance, des choses qui ne sont pas sous votre contrôle. Je suis juste content que le but soit atteint, nous devions tout gagner et on l’a fait ! Cela rend cette année très spéciale ! »
Maintenant, place à Petit Le Mans avec la Cadillac d’Action Express Racing…
« Je suis ravi d’aller à Petit Le Mans. Ce sera une course difficile. J’ai perdu de peu cette épreuve lors des trois dernières années alors que nous menions. Il y a aussi quelque chose avec cette course. Peut être que cela va me sourire cette année, qui sait (rire) ! J’espère que ma bonne étoile va continuer de briller. Petit est à part pour moi, c’est l’une de mes favorites en Endurance même si elle est peut être un peu moins connue pour les gens, mais pour les connaisseurs, ils savent que c’est une course unique de par son circuit déjà et de sa difficulté. Je veux gagner celle là et aussi Sebring, elles manquent à mon palmarès mais il y en a tellement à gagner (rire). »
Après tout ce que vous avez accompli cette année, quelle est la suite ?
« Rester au top ! Je suis à un très bon niveau actuellement et quand je dis cela ce n’est pas sortir, claquer un temps en Libres ou en qualifications. Je parle là d’un package : parler aux ingénieurs, faire le set up, être rapide, participer à la stratégie. Je sens que j’ai bien plus d’expérience maintenant et que tout cela a commencé avec Audi Sport. Le but est de poursuivre ainsi, mais ce n’est pas facile. G-Drive Racing a été un sacré adversaire, la voiture sœur de United Autosports aussi ! Je sais que quand vous perdez, vous avez encore plus faim pour battre les autres. Maintenant, que je suis vainqueur, j’ai besoin de travailler autant si ce n’est plus. Je veux rester au top et pour cela je dois travailler dur, ne pas me relâcher… »
Vous gardez un œil sur le programme Peugeot en Hypercar…
« (rire). Je veux retravailler pour un constructeur pour décrocher des victoires au général. Quand vous avez la confiance d’une marque, c’est juste un rêve. Je l’ai eue par le passé, mais elle a disparu de par les circonstances, mais cela revient, je suis sur mon pic de forme, je suis prêt, j’aimerais décrocher un accord avec un constructeur pour des victoires au Mans par exemple au général. Cela revient, je veux en être ! »