Voici 30 ans, les 24 Heures de Spa constituaient, pour la première et hélas…dernière fois de leur histoire, le point d’orgue du championnat du monde des voitures de tourisme.
A l’époque, le toboggan des Ardennes n’était pas encore bordé d’énormes grillages ni d’horribles dégagements démesurés et le public pouvait circuler à sa guise de part et d’autre de la piste.
On ne parlait bien évidemment pas de BOP ni de catégorisation des pilotes, les bolides étant simplement versés dans trois catégories distinctes, à savoir la division 1 pour les moins de 1600cc, la division 2 pour les 1600 à 2500cc et enfin la division 3 pour les plus de 2500cc.
C’est fort logiquement dans cette dernière catégorie que l’on recense les grandes favorites de l’épreuve, en l’occurrence les surpuissantes Ford Sierra RS Cosworth soutenues par Texaco et affûtées par le sorcier suisse Rudy Eggenberger. Victorieux quelques semaines plus tôt au Nürburgring, Klaus Ludwig et Klaus Niedzwiedz ont bien l’intention de remettre le couvert et ce avec le soutien précieux de Thierry Boutsen. La seconde voiture du team étant également confiée à de sacrées pointures ayant pour noms Steve Soper, Pierre Dieudonné et Philippe Streiff.
D’autres Ford Sierra Cosworth ont la ferme d’intention de jouer les premiers rôles, on songe principalement aux deux montures alignées par le Andy Rouse Engineering pour d’une part…Andy Rouse, Thierry Tassin et Win Percy et d’autre part Alain Semoulin, Jesus Pareja et…Thierry Tassin ainsi qu’aux deux exemplaires engagés par le Wolf Racing Barclay pour les trios Joachim Winkelhock-Didier Artzet-Manfred Burkhard et Jari Nurminen-André Malherbe- Jean Denis Delétraz.
Bien qu’inscrites en division 2 car pourvues d’un “petit” moteur 4 cylindres développant 2332cc mais moulinant à haut régime, les BMW M3 s’érigent comme les principales rivales des Ford et ce notamment grâce à leur exceptionnelle tenue de route. Certains pilotes assimilant la nouvelle arme bavaroise à une monoplace carrossée. Autre argument plaidant en faveur du constructeur à l’hélice: le nombre impressionnant de voitures engagées!
Lauréat en 1985 et 1986 avec l’inoxydable coupé 635 CSI, le Team Schnitzer aligne pas moins de trois M3 pour des équipages de choc composés de Roberto Ravaglia-Emanuele Pirro-Ivan Capelli sur la #40, Roland Ratzenberger-Dieter Quester-Markus Oestreich sur la #46 et Allan Grice-Roberto Moreno-Willi Siller sur la #85.
On retrouve également du très lourd chez CiBiEmme puisque la #42 est dévolue à Johnny Cecotto-Gianfranco Brancatelli-Mauro Baldi tandis que la #48 verra se relayer un trio 100% belge composé d’Eric Van de Poele, Jean-Michel Martin et Didier Theys!
De sacrés clients auxquels il convient encore d’ajouter Heger-Danner-Dufter (Linder), Sala-Grouillard-Vogt (Bigazzi), Bleynie-Guitteny-Jabouille (Bastos Racing Team), Giroix-Fabre-De Dryver (Garage Du Bac) ou encore Ballot-Léna-Malcher (J.M.S Racing Team).
Soucieux de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, le constructeur bavarois pourra, en outre, compter sur le soutien de bon nombre de 635 CSI alignés par les écuries CiBiEmme (Duez-Verellen), Bavaria (Jaussaud-Metge-Gouhier et de Thoisy-Haezbrouck-Huysman) et Garage Du Bac (Morin-de Lesseps-Regout).
Elles aussi inscrites en division 2, les nouvelles Alfa Romeo 75 Turbo n’ont guère brillé depuis l’entame de la saison mais ont la ferme intention de se refaire la cerise lors des 24h! D’autant qu’elles sont également confiées à des équipages de tout premier ordre. Alfa Corse faisant notamment confiance aux brelans Jacques Laffite-Jean Louis Schlesser-Paolo Barilla et Alessandro Nannini-Giorgio Francia-Jean Louis Schlesser! Excusez du peu!
Parmi les outsiders, on peut faire confiance aux mélodieuses Holden Commodore VL/ANZ de Moffat-Harvey et Mobil de Brock-Crichton-Parsons pour venir pimenter encore un peu plus les débats!
Dès les qualifications, les Ford Sierra/Eggenberger donnent le ton, Klaus Ludwig signant en 2.37.27 la pole position devant son équipier Pierre Dieudonné. Les BMW M3 sont cependant bien dans le match, Johnny Cecotto, 3e ne pointant qu’à un…centième de seconde du pilote belge!
La belle surprise nous vient cependant de l’Alfa Romeo 75 Turbo de Laffite-Barilla-Schlesser, laquelle réalise un prometteur 10e chrono.
Comme on pouvait s’y attendre, le début de course tourne en faveur des Ford Sierra Cosworth/Eggenberger, Thierry Boutsen et Steve Soper prenant rapidement leurs distances vis-à-vis de la concurrence.
Les premières rondes seront, en revanche, fatales aux deux montures du Wolf Racing Barclay, Joachim Winkelhock (joint de culasse) et Jari Nurminen (perte de roue) devant renoncer au cours de la première demi-heure!
Au terme des 60 premières minutes, le trio Soper-Dieudonné-Streiff mène la danse avec seulement 2 secondes d’avance sur la voiture sœur de Ludwig-Boutsen-Niedzwiedz, la BMW M3 de Ravaglia-Pirro-Capelli pointant à 40 longueurs.
En début de soirée, la Ford de Dieudonné connaît une première alerte et perd 16 minutes pour réparer le radiateur d’huile avant que Philippe Streiff n’échoue dans un bac à sable. La victoire s’éloigne déjà pour la #6.
La #7 de Ludwig-Boutsen-Niezwiedz n’en a cure et poursuit son récital au faîte de la hiérarchie mais les BMW M3 s’accrochent! Des ravitaillements plus rapides permettant même à la Schnitzer de Ravaglia-Pirro-Capelli de s’installer brièvement en tête lors des arrêts de la Ford/Eggenberger.
Le rythme infernal imposé par cette dernière ne tarde cependant pas à faire des dégâts. Ainsi peu avant 2h du matin, la BMW M3/Schnitzer de Grice-Moreno-Siller doit jeter l’éponge (moteur cassé).
130 minutes plus tard, c’est la monture de Ravaglia-Pirro-Capelli qui, frappée par le même mal, doit abdiquer à son tour.
Si bien qu’à mi-parcours, la Ford Sierra Cosworth de Ludwig-Boutsen-Niedzwiedz se retrouve nantie d’un avantage de l’ordre d’un tour sur la BMW M3/Schnitzer rescapée de Ratzenberger-Quester-Oestreich et deux tours sur les BMW M3/CiBiEmme de Van de Poele-Martin-Theys et Cecotto-Brancatelli-Baldi.
Pointée à une probante 5e place, la Ford Sierra “Télé-Moustique” de Rouse-Tassin-Percy doit abandonner à son tour, victime de la perte d’une roue!
Alors que la pluie s’est invitée en début de matinée, une 3e BMW M3 de pointe, en l’occurrence la CiBiEmme de Cecotto-Brancatelli-Baldi est trahie par sa mécanique!
L’écrémage se poursuit, peu après 11h, avec l’abandon de la Ford Sierra Eggenberger de Dieudonné-Soper-Streiff! Déjà fortement ralentie, la Ford/Texaco étant victime d’un bris de joint de culasse.
Alors que la seconde Sierra alignée par l’écurie Eggenberger semble “dérouler”, Niedzwiedz rentre précipitamment aux stands sur le coup de 13h suit à un contact avec la …Ford/Batibouw de Tassin! A peine reparti, Niedzwiedz s’immobile à nouveau, joint de culasse hors d’usage! L’abandon est irrémédiable et c’est bien évidemment la consternation dans le clan Eggenberger ainsi que dans le clan…Schnitzer. La BMW M3 de Ratzenberger-Quester-Oestreich, pourtant 2e, rencontre de gros soucis de distributeur! De fait elle ne bouclera plus que quelques rondes afin de franchir l’arrivée au…26e rang!
Une voie royale s’ouvre désormais pour la BMW M3/CiBiEmme de Van de Poele-Martin-Theys qui ne se fait pas prier pour décrocher la timbale!
Pour l’anecdote, précisons qu’Eric Van de Poele, après avoir effectué deux doubles-relais de nuit, avait pris l’avion en destination de Wunsdorf afin de disputer une joute du championnat DTM et ce au volant d’une BMW M3 affûtée par la formation Zakspeed. Arrivé sur le circuit 10 minutes à peine avant le départ, il se classera 3e de l’épreuve derrière Harald Grohs et Marc Hessel mais…loupera le podium spadois pour quelques minutes! Il se consolera cependant, en fin de saison, en remportant un championnat DTM qui, déjà à l’époque, commençait à prendre de l’envergure!
En dépit des abandons précités, BMW “profitait” de la loi du nombre pour réaliser un superbe triplé, les M3/Bigazzi de Sala-Grouillard-Vogt (2èmes) et Garage Du Bac de Giroix-Fabre-De Dryver (3èmes) accompagnant la CiBiEmme sur le podium tandis que la Linder de Heger-Danner-Dufter, fortement ralentie par un accident, parvenait à remonter au 5e rang derrière la Holden Commodore de Moffat-Harvey, auteure d’une splendide prestation. Le trio Semoulin-Pareja-Tassin sauvant l’honneur de Ford en décrochant la 6e position.
Les vieillissants coupés 635 CSI n’ont cette fois pu jouer un rôle majeur, le premier d’entre eux, piloté par Duez-Verellen-Van Hove (CiBiEmme) se classant 8e.
Quant aux Alfa 75 Turbo, si elles sont pratiquement toutes à l’arrivée, elles ont rencontré bien trop de soucis que pour bien figurer au classement final. La meilleure d’entre elles, confiée à Tarquini-Drovandi-Langes, finissant 11e devant la voiture sœur de Laffite-Barilla-Schlesser.
En division 1, sans surprise, les Toyota Corolla GT ont dominé les débats, la victoire revenant à l’équipage Lingmann-Holzl-Mueller, en dépit d’une belle résistance du trio Vandermaesen-Simons-Simons. Le solide brelan composé de John Nielsen, Renaud Verreydt et Michel Luxen, également sur Toyota, décrochant la 6e place dans cette même division.
Pour conclure nous souhaiterions remercier chaleureusement les membres du groupe “Franco Fan”, fondé par le regretté Alain Guarini et rassemblant, comme son nom l’indique, les inconditionnels du circuit de Francorchamps, pour leurs superbes photos ayant permis d’illustrer ce billet relatif à l’une des plus belles éditions de l’histoire des 24h.