Après les 24 Heures du Mans 2016 où il était derrière le volant d’une Morgan LMP2 adaptée à son handicap, Frédéric Sausset revient en terre sarthoise cette année, mais dans le cadre d’un nouveau projet. L’Association SRT41 alignera une ORECA 07 pour un équipage issu 100% du handicap. Snoussi Ben Moussa, Takuma Aoki et Nigel Bailly se partageront le volant de la 07 suivie techniquement par Graff. Frédéric Sausset aura le rôle de team manager de cette aventure qui prend place dans le Garage 56.
Le trio a bouclé ses premiers tours de roues il y a quelques semaines au Paul Ricard. La pandémie du COVID-19 met un coup d’arrêt au programme qui devait voir le trio de la #84 disputer les deux premières manches de l’European Le Mans Series avant d’aller au Mans. Frédéric Sausset, à l’initiative du projet, a fait le point avec Endurance-Info.
Comment vivez-vous cette situation ?
“Comme tout le monde, la situation n’est pas simple à gérer. La priorité est de sauver mon entreprise (magasins de vêtements, ndlr) car les magasins sont fermés et les collections sont déjà payées. De plus, on risque de rouvrir avec des soldes. Concernant le sport auto, c’est nécessaire de reprendre, mais sous quelle forme ? Comment va-t-on passer du off au on après le confinement ? Je ne sais pas comment on va aller faire le show après ce qui s’est passé. Tout le monde va connaître des problèmes économiques. Attention à ne pas nous attirer les foudres du public et des médias. Cette pensée n’engage que moi.”
Selon vous, il faut une réflexion globale ?
“Je ne suis pas persuadé que les courses qui auront lieu avant ou au cours de l’été seront faciles à organiser. Est-ce que des pays seront encore en confinement ? N’oublions pas que le paddock est international. Il ne faut pas que les gens disent que nous sommes le sport doré. Il faut bien réfléchir à privilégier l’euphorie que redémarrer trop tôt. Si on me dit qu’il faut disputer une course le 15 juin, je ne prends pas le risque d’emmener mes pilotes.”
Comment se passe le programme LMP2 ?
“J’avais un calendrier bien précis. Le premier roulage a eu lieu il y a quelques semaines au Paul Ricard avec l’ORECA 07 aménagée. Tout a été fait pour avoir l’homologation après un gros travail d’ORECA. Les trois pilotes se sont sentis de suite à l’aise, ce qui pour moi est une bonne surprise. La suite devait passer par la présentation du programme, des partenaires et de la voiture à Barcelone. Cependant, on reste dans la configuration initiale de deux courses ELMS suivies des 24 Heures du Mans.”
Quel sera l’objectif au Mans ? Les partenaires ont vite adhéré ?
“Comme en 2016, terminer la course. Pour en arriver là, le travail a été colossal et il y a eu beaucoup d’entraves. Ce projet a été bien plus compliqué à monter que le mien. Entre l’homologation de la voiture et la recherche de partenaires, le dossier n’a pas été simple à monter. Le programme est financé à 86% par les partenaires. Le pari est très risqué surtout que le fait que je ne roule pas a compliqué la donne. Nous avions deux partenaires avec des contrats signés sur trois ans qui n’ont pas honoré leurs engagements en 2019 et 2020. L’automne et l’hiver n’ont pas été simples, si bien que je me suis même posé la question de savoir si j’allais continuer. Par chance, je peux compter sur mes partenaires principaux et je peux avoir des échanges sans filtre avec Pierre Fillon et Vincent Beaumesnil. La complexité du programme a failli me décourager, mais je suis quelqu’un de volontaire et je ne veux pas décevoir.”
Graff est une belle rencontre ?
“On a appris à se connaître et l’osmose est de suite arrivée. Avec Pascal (Rauturier, patron de Graff, ndlr), nous travaillons ensemble sur le dossier depuis octobre. On s’est dit de suite : ‘pas question qu’on se cache quoi que ce soit’. Tout le monde a le même objectif. La présence de Hugues de Chaunac lors des essais a permis de conforter l’engagement d’ORECA à nos côtés.”
Vos pilotes sont prêts ?
“J’ai disputé les 24 Heures du Mans avec une seule course ELMS. Les gars sont bien mieux préparés que moi car ils ont deux saisons de LMP3 derrière eux. Pour ma part, j’avais une saison de VdeV en CN et une course en LMP2.”
L’aménagement de la LMP2 a été plus simple que pour la LMP3 ?
“Pour la LMP3, nous avions repris l’aménagement de la LMP3 de Gilles Duqueine. Avec la LMP2, le travail a porté sur le soft, l’ergonomie et la sécurité, ce qui explique le coût colossal. Tout a été intégré par les ingénieurs d’ORECA. A titre d’exemple, la LMP3 avait un embrayage centrifuge sauf pour Road to Le Mans où il y avait un embrayage à main. C’est aussi le cas de la LMP2 qui reste très proche d’une auto traditionnelle. Graff doit pouvoir réutiliser l’auto après Le Mans. Ce qui est positif, c’est que les trois pilotes sont sortis de la voiture avec la banane grâce au travail impeccable de Graff et ORECA. La LMP3 est d’ailleurs à vendre sachant que c’est la seule homologuée dans le monde pour des pilotes atteints d’un handicap.”
La Filière Frédéric Sausset va se développer ?
“Le but est qu’elle s’inscrive dans le temps. Si elle doit continuer, le format sera différent car on ne peut pas tout financer nous-mêmes. Nous avons beaucoup de demandes, ce qui est positif. Elles sont internationales avec des noms prestigieux.”
A quand le retour dans le baquet ?
“Remettre le casque me manque, mais ce sera plus une discussion de famille (rires). Le pilotage ne me quitte pas. Chaque chose en son temps. Il faut déjà atteindre le premier objectif de La Filière.”