Frédéric Thalamy (Saintéloc Racing) : “Il faudra faire des paris”

Les concurrents du GT World Challenge Europe Powered by AWS (Endurance) ont peu de temps pour se mettre dans le bain avant les Total 24 Heures de Spa. La course de 6 heures sur le Nürburgring ce week-end va donc servir de répétition générale sur un circuit qui offre en partie la même incertitude météorologique que dans les Ardennes belges.

Les équipes vont devoir aussi s’acclimater à la nouvelle règle concernant le ravitaillement en carburant. A compter de ce week-end, les GT3 devront être raccordées durant 37 secondes (40 à Spa). Un maximum de 10 secondes de raccordement sera autorisé pour un ravitaillement court. Quand on parle de raccordement, c’est entre la voiture et la cuve de carburant.

Cette nouvelle règle va redistribuer les cartes sur le plan de la stratégie. 2020 n’est décidément pas une année comme les autres. Par rapport aux années précédentes, il manquera une course avant d’aborder Spa sachant que rouler 6 heures au Nürburgring est différent du Paul Ricard. Endurance-Info a questionné Frédéric Thalamy, directeur technique de Saintéloc Racing, pour savoir ce que cette nouvelle règle allait changer et comment préparer l’échéance spadoise dans l’Eifel.

En pratique, que dit cette nouvelle règle pour le couplage ?

“Jusqu’à maintenant, des brides étaient installées sur les cuves pour réguler le flux de carburant. Celles-ci étaient différentes en fonction des GT3. Avec cette règle de couplage de 37 secondes au Nürburgring et de 40 à Spa, la physionomie du ravitaillement change. On va tous tester la chose aujourd’hui-même lors des essais privés. Il ne faut pas que le système tombe en panne car cela pourrait générer d’autres problèmes. J’avais proposé qu’une fenêtre soit mise en place en cas de souci, mais l’idée n’a pas été retenue. C’est donc le collège sportif qui décidera (le temps de couplage remontera chez les officiels une fois que la voiture quittera la voie des stands, ndlr).”

Qu’en est-il du changement des pneumatiques ?

“La durée est libre, donc il faut être affuté. Au Nürburgring, il ne sera pas obligé de changer les gommes à chaque relais. Les GT3 qui usent moins les pneumatiques seront avantagées.”

Préparer Spa au Paul Ricard est la même chose que de préparer au Nürburgring ?

“Le Paul Ricard a une longue ligne droite et on ne prépare pas Spa au Paul Ricard. Au Nürburgring, les choses sont un peu différentes, ne serait-ce que les changements météorologiques. Chez Saintéloc Racing, on se sert de ce week-end pour tout préparer en faisant travailler le même personnel qu’on aura à Spa : refuelling, pneus, technique.”

Comme les années passées, Saintéloc Racing aura une Audi engagée sous Audi Sport sachant qu’on ne sait pas encore qui la pilotera. Votre préparation s’en retrouve chamboulée ?

“Que ce soit sur une course de 3 heures ou 6 heures, ton travail est le même, et ce peu importe l’équipage. C’est plus pour roder l’équipe avec comme objectif de fournir la meilleure prestation possible pour faire gagner notre auto. L’équipage n’est pas mon problème même si j’espère qu’on aura Markus (Winkelhock) et Christopher (Haase) à nos côtés. On se connaît bien et on se comprend.”

Saintéloc Racing est un team français, ils sont allemands. Vous arrivez à vous comprendre ?

“Ils sont allemands, ils parlent anglais. Nous sommes français et on parle mal anglais. Markus et Christopher comprennent très bien l’impératif qui est souvent employé. C’est plus compliqué chez Audi. La culture fait que les formulations de phrases sont importantes.”

Le personnel est primordial ?

“Quand on monte une telle équipe, si tu es là, c’est que tu es le meilleur dans ton domaine. On valide les bonnes personnes aux bons postes clés et ce sont les mêmes qu’il y a trois ans. Ils auront un règlement spécifique à respecter.”

Revenons-en à cette nouvelle règle. Tout va être remis en cause ?

“Il faut voir comment on va gérer les paramètres, mais cela remet totalement la stratégie à zéro. Personnellement, je trouve cela plutôt rigolo car il faudra faire des paris. Tu peux jouer, mais il faudra que les pilotes acceptent.”

La préparation en amont est toujours aussi importante ?

“Il faut une hypothèse de départ. Depuis 2014, je sais sur les 24 Heures de Spa combien il y a eu de neutralisations, quand elles ont eu lieu. De là, tu fais des pourcentages. Tu sais qu’entre telle heure et telle heure, il y a 40% de chance d’avoir un ou des Full Course Yellow. Il faut donc faire 20 hypothèses. Au Nürburgring, la météo est similaire à Spa avec une gestion des températures des pneus semblable à Spa. Elles n’ont rien à voir avec le Paul Ricard en juin. La piste allemande bouge beaucoup avec des mouvements de caisse même s’ils sont moins nombreux qu’à Spa. Cette course est une bonne préparation, surtout cette année.”

Les nouvelles gommes Pirelli vont jouer un rôle ?

“Sans aucun doute ! Des équipes ont beaucoup roulé, ce qui représente un certain avantage. Malgré cela, même sans rouler, tu peux trouver des petits trucs. Être là sur un championnat complet, c’est une chose, mais être là sur une course particulière en est une autre. C’est plus facile de tenter un coup sur une course quand tu es une petite équipe car le temps de réaction est plus rapide. Une petite équipe qui réfléchit peut aller très vite sur une course. Sur une saison, les moyens financiers prennent le dessus.”