2019 est sans conteste son année. Vainqueur des 24 Heures de Dubai, des 24 Heures du Nürburgring et des 10 Heures de Suzuka, Frédéric Vervisch a (trop) longtemps attendu son heure pour se révéler au grand public. Discret, peu présent sur les réseaux sociaux, le Courtraisien est le pilote que chaque équipe aimerait avoir dans ses rangs : travailleur, humble, poli, toujours à l’écoute. En lui offrant un statut de pilote officiel, Audi Sport customer racing a fait de lui un homme heureux. Le Belge doit tout à son talent et pas aux nombreuses promesses non tenues des années 2000. Les mauvaises années sont derrière, place au présent et à l’avenir.
A 32 ans, Frédéric Vervisch a longtemps galéré. Comme beaucoup, il débute par le karting dans son pays avec un premier couac d’une équipe qui n’a pas tenu parole. Son retour à la compétition intervient via un test en Formule BMW grâce à un partenaire. Il parvient à faire quasiment jeu égal face à Vettel et Sutil alors qu’il n’avait pas la moindre expérience en sport automobile. « L’équipe m’a encensé », se souvient le Belge. « Ils m’ont dit que j’avais un grand avenir et qu’ils feraient de moi le prochain Schumacher. Mais ça n’est jamais allé plus loin. »
Afin de ne pas rester sur un échec, c’est du côté de la Coupe de France de Formule 3 qu’il se fait remarquer avec, à la clé, une place de vice-champion en 2004 en dépit d’une sombre histoire de freinage : « Mon équipe m’a appris beaucoup de choses, dont certaines complètement fausses. Je me souviens, par exemple, qu’ils passaient l’huile de frein dans des filtres à café. Mais en faisant cela, ils en retiraient toutes les propriétés et je me suis retrouvé plusieurs fois avec une pédale allant au plancher. Et comme l’écurie m’accusait de freiner trop fort et mal, j’ai pris des mauvaises habitudes, qui ont été difficiles à chasser ensuite. » Le sort semble s’acharner sur le jeune pilote qui ne peut compter que sur lui-même.
La suite passe par une arrivée à la dernière minute en World Series by Renault (2005), l’antichambre de la Formule 1. Ses débuts dans une équipe de second plan n’ont pas été simples, voire même compliqués. « J’ai été prévenu deux jours avant la première course qui avait lieu à Zolder. Je n’avais fait aucun test avec la voiture, autrement plus puissante que tout ce que j’avais connu. Lors des premiers essais libres, j’étais à 10 secondes au tour. En qualifs, j’étais revenu à 3 secondes et, en course, j’avais concédé une grosse seconde au meilleur temps. » Une fois de plus, patatra avec un partenaire qui ne respecte pas ses engagements.
Décidément, le mauvais oeil est focalisé sur Fred Vervisch qui rebondit en Formule Renault 2.0 (2006), soit la première marche de la monoplace. Un retour en arrière qui a du sens ? Certainement. L’année suivante, il devient vice-champion d’Allemagne de Formule 3 avec JB Motorsport. 2008 passe par un changement d’écurie à mi-saison et bien lui en a pris puisque le Jo Zeller Racing lui permet de remporter cinq courses sur six et le titre de champion.
Le titre décroché doit lui ouvrir les portes des catégories supérieures, mais là encore, rien ne se passe comme prévu. Il est pourtant sacré champion Asian F3 durant l’hiver 2007/2008, mais le prix d’un test en Formule 1 chez Force India n’est jamais arrivé. Place ensuite à la Formule Atlantic aux Etats-Unis où il fallait à tout prix briller pour gagner les primes. Son retour sur le vieux continent se fait en Superleague, le championnat de monoplace qui met en avant les clubs de foot où il se confronte à des pointures telles que Soucek, Rigon, Perera ou Bamber. Sa victoire décrochée dans son pays à Zolder doit lui permettre de rafler 100 000 euros, prime qu’il ne recevra jamais pour cause de dépôt de bilan du championnat. Une fois de plus, c’est un retour à case départ. Beaucoup auraient abdiqué, mais c’est mal connaître le Belge qui ne lâche rien, prêt à saisir la moindre opportunité qui lui permettra de vivre son rêve de gamin : devenir pilote professionnel.
Grâce à Angélique Detavernier, qui s’occupe de lui depuis maintenant plus de dix ans, Fred Vervisch décroche un test sur le simulateur Red Bull F1. « Ils cherchaient un pilote de développement, mais leur simu avait plein de problèmes informatiques ce jour-là et je n’ai jamais pu rouler normalement. Helmut Marko, qui n’était pas présent, en a conclu que j’avais été très mauvais. » Fin de l’histoire… 2012 passe par un retour en karting et un titre de Champion de Belgique BIKC (en indoor) bien loin de ce qu’il a pu piloter quelques années plus tôt.
C’est par le biais du GT3 que le Courtraisien va rebondir en 2013 grâce à l’équipe belge Boutsen Ginion Racing qui, sur les conseils du journaliste Eric Faure, va l’enrôler pour piloter une McLaren MP4-12C en Blancpain Endurance Series, auto jugée peu facile à piloter. En fin de saison, il excelle dans les rues de Baku en compagnie d’un certain Stoffel Vandoorne. Le tandem pouvait clairement s’imposer avant que la mécanique ne fasse des siennes.
La suite sera moins chaotique. Sa ‘manageuse’ lui trouve une place chez les Tchèques de I.S.R qui alignent des Audi R8 LMS GT3. Il fait cause commune avec Marco Bonanomi, WRT le remarque et lui fait confiance pour pallier à la blessure de Laurens Vanthoor fin 2016. Depuis, on le retrouve à plein temps dans des équipes Audi à travers le monde. La marque aux quatre anneaux lui fait aussi confiance en WTCR où il joue les premiers rôles sur une Audi RS 3 LMS engagée par Comtoyou Racing. L’homme est aussi habile dans le baquet d’une GT3 que d’une voiture de tourisme ou une Fun Cup. Audi Sport lui a même offert un test en DTM fin 2018. « Parfois, je me dis que j’aurais déjà pu être pilote professionnel il y a 10 ans. Mais, le plus souvent, je me dis surtout que j’aurais pu ne jamais l’être. Finalement, je crois qu’il y a une sorte de destin et qu’il n’y a pas de hasard. Toutes ces années de galère me font mieux savourer l’instant présent. Je vis la plus belle période de ma vie. Et comme la vie me sourit, j’ai décidé de sourire plus aussi. »
Merci à Thomas Bastin pour l’aide apportée