Depuis mars dernier, Gérard Neveu a traité un tas de dossiers. Tout a débuté avec l’annulation des 1000 Miles de Sebring puis le report du lancement de la saison European Le Mans Series, la préparation des 24 Heures du Mans Virtuelles, mais aussi une vision sur le plus long terme. Le plateau des trois championnats présents ce week-end au Paul Ricard est un premier signe positif. Le protocole sanitaire est respecté, ce qui est primordial pour la suite des événements. Gérard Neveu, directeur général de l’ELMS et du WEC, a reçu Endurance-Info pour faire le point sur la situation.
Ce week-end est plus important que les autres ?
“Pour toute l’organisation, c’est un meeting test pour beaucoup de choses. Ensuite, il sera temps de tirer des leçons pour le futur. Jusqu’à maintenant, le protocole est respecté, les entrées sont fluides et il n’y a pas de mélange. Il faut rester prudent et attendre la fin du meeting. Tout est différent : les vérifications techniques et administratives, la procédure de départ, les briefings. ce n’est jamais facile de changer les habitudes bien ancrées.”
Être ici est déjà une première victoire ?
“Rien que le fait que les équipes soient là est un plaisir pour tout le monde. les gens sont donc plus tolérants et coopératifs. Il faut assortir les décisions en respectant la majorité. On sait qu’on ne peut pas avoir 100% d’avis identiques. On a souhaité connaître le retour des équipes sachant que tout le monde est très content d’être ici. Nous sommes le premier championnat majeur d’endurance à reprendre en Europe. Nous sommes en place pour 2020, mais on sent une inquiétude pour 2021. Il faut rester calme et voir ce qui va se passer cet automne.”
Le problème reste le manque de visibilité ?
“Les situations sont évolutives. Il faut aussi savoir de quelle crise on parle. Sanitaire ? Economique ? Sociale ? On a entendu les préoccupations des uns et des autres. Nous allons déjà disputer le meilleur week-end possible malgré les concessions à faire.”
L’absence de public est aussi quelque chose de mal vécu. C’est aussi votre avis ?
“Cela ne fait plaisir à personne que le public ne soit pas là. Nous regarderons la situation au fil des meetings et Monza devrait nous permettre de prendre les bonnes décisions pour 2021. On vit dans une période d’incertitude générale. Une chose est sûre : la qualité des équipes est clairement là avec un paddock très stable. Les bases sont solides. Pour en revenir à l’absence de public, c’est très triste. Dans le même temps, ce serait inconscient d’ouvrir même pour 4000 personnes.”
Vous allez proposer plus aux fans ?
“Nous allons rajouter un signal français dès ce week-end avec les commentaires de Bruno Vandestick et Eric Hélary. La course sera visible sur nos différents canaux gratuitement, y compris sur l’APP du WEC. Tant que le huis clos sera en place, les commentaires en français seront maintenus.”
La baisse des coûts est au centre des discussions ?
“Il faut que tout le monde prenne ses responsabilités. Si on prend l’exemple du LMDh, le législateur a pris des arbitrages très stricts. Nous avons organisé une réunion mercredi soir avec les équipes. C’était un dialogue entre les différents acteurs.”
Vous avez eu peur à un moment ou à un autre ?
“J’ai peur quand on peut être responsable de quelque chose. Dans ce cas, nous ne maîtrisons rien. Il faut être le plus flexible possible, mais on ne dicte pas la règle. Il faut se soumettre aux règles, ce qui limite notre champ d’action. Est-ce que j’ai eu peur ? Non. Est-ce que j’ai été inquiet ? Oui. Ma seule envie est que le paddock aille bien. Qui aurait prédit une telle situation en mars dernier ? Personne… On ne connaît pas l’ampleur de la crise.”
Le protocole en WEC sera identique à celui de l’ELMS ?
“Oui car l’objectif reste le même : protéger au maximum nos concurrents. Les 24 Heures du Mans ne sont toutefois pas à la même échelle. L’ACO fournit un gros travail avec la mise en place d’un dispositif qui permet de ne pas croiser les flux et d’avoir des bulles. A ce jour, on restera en huis clos en ELMS jusqu’à la fin de saison.”
L’annonce des calendriers 2021 sera décalée ?
“Nous restons sur fin septembre début octobre pour le calendrier ELMS 2021. Pour le WEC, ce sera en fin de saison. Nous faisons des simulations avec des plans A, B et C sans s’engager. On dialogue régulièrement avec les circuits. Les gouvernants ont tiré des leçons en évitant autant que possible des confinements généraux.”
Tout se décide au jour le jour…
“Personne n’est préparé à une telle situation. C’était la même chose pour le dieselgate, d’où l’importance d’avoir une base solide. Lorsque le dieselgate a éclaté, nous avons eu de la chance d’avoir beaucoup de constructeurs en GTE qui ont compensé le départ de deux marques, sans oublier la bonne santé du LMP2. Ce week-end, on injecte tout de même quelque chose de positif.”
Le succès indéniable des 24 Heures du Mans Virtuelles a été une bouffée d’oxygène ?
“Disons que c’était le premier signal positif qui a donné du baume au cœur et un bon teaser pour les 24 Heures du Mans en septembre. C’était l’occasion de vivre en partageant les valeurs des 24 Heures du Mans.”
Il y aura une deuxième édition ?
“Il faut déjà prendre les choses les unes après les autres. On ne pourra pas faire la même chose au même moment et de la même manière. La vraie finalité est qu’il y ait un jour un jeu dédié à cette course comme on peut le voir en Formule 1 ou en rallye. Le programme a été monté en six à sept semaines par une petite équipe de 20 à 25 personnes au début.”
Le succès a tout de même été planétaire…
“Il y avait de vrais challenges techniques à surmonter sans oublier la création d’un règlement sportif en dix jours. Un gros travail a été fourni pour la télévision sur le plan éditorial. Il en a été de même pour la partie technique avec rFactor 2, Alkamel, etc… Trouver des partenaires en si peu de temps n’a pas été simple. Au début, notre plus grande crainte était de savoir si nous aurions assez d’autos ou pas. Ensuite, est-ce que le mix gamers/pilotes allait fonctionner ? Est-ce que rapprocher le digital et le réel pour la TV était possible ? C’était une vraie aventure humaine. Nous avions peur de ne pas réussir. Dans ce cas, il y a eu de la peur. Avec du recul, on a vu un tas de choses intéressantes pour améliorer le réel. On le voit dès ce week-end avec l’utilisation de la messagerie Discord.”