Deuxième partie de l’entretien réalisé en visioconférence avec Gérard Neveu, directeur général du WEC et de l’European Le Mans Series. La première partie est à relire ici
Craignez-vous la sortie du confinement ?
“On va assister à une période étrange entre le déconfinement et le lancement des courses. Les choses vont bouger petit à petit en fonction des pays. Le déconfinement se fera sans aucun doute par palier. Les pays européens prendront des précautions et on verra ce qui se passera entre eux. On espère que les mouvements seront autorisés en Europe. L’Italie vit actuellement un drame humain et cette zone est importante pour nous. C’est aussi pourquoi je suis satisfait d’avoir pu maintenir une date à Monza pour l’ELMS. Les Italiens ont une énergie incroyable et une volonté de s’en sortir. Tout le monde est touché de près ou de loin, ce qui est sûr c’est que notre vie a changé.”
La vie a changé et va changer ?
“Je le crois. A quand remonte l’époque où quelqu’un d’entre nous a passé six semaines chez lui ? Cette situation est un rappel aux valeurs essentielles. Pouvoir vivre du sport auto, qui est une passion, est une chance extraordinaire. Il faut prendre les bonnes décisions pour que cette passion se poursuive.”
Votre travail est plus que jamais en équipe ?
“Nous avons trois partenaires majeurs avec qui on travaille constamment. Il y a la Formule 1 où on ne peut pas rouler le même week-end dans le même pays, la Formula E qui a beaucoup de pilotes qui roulent en WEC et l’IMSA pour les mêmes raisons. On s’est donc appliqué à ne pas mettre faire coïncider les dates. Le virus n’épargne personne et les teams veulent de la perspective. Si on était sûr de sortir le 15 avril, ce serait simple. Malheureusement, ce n’est pas le cas. On fait donc beaucoup de visioconférences avec nos équipes et les teams. Quoi qu’il arrive, on perdra tous de l’argent car le monde du sport n’est pas différent, avec des costauds et des moins costauds. Il est essentiel que Le Mans ait lieu car beaucoup de modèles économiques tournent autour du Mans.”
Le remaniement du calendrier ELMS a été plus facile à gérer ?
“Le problème est qu’il y avait plus de courses à caser, mais pas plus de week-ends. Si au début, les meetings se tiennent à huis clos, ce n’est pas trop grave. En Endurance, contrairement au Sprint, on ne peut pas enchaîner toutes les semaines. Le problème reste celui des consommables. Aujourd’hui, Michelin et Goodyear ne produisent plus de pneus, il faut donc leur donner de l’espace. C’est la même chose pour les moteurs avec Gibson. Laisser environ trois semaines entre les meetings a du sens. On ne change ni les destinations, ni les formats, même si cela n’a pas été possible de maintenir six courses. Avoir cinq courses eu lieu de six donne un peu d’air aux équipes les plus fragiles. On s’adaptera aux conditions dictées par les pays en temps voulu.”
Le règlement LMDh suit son cours ?
“Nous avons eu deux réunions cette semaine avec nos amis de l’IMSA et aucun retard n’a été pris. Ce qui était vrai en janvier l’est encore plus maintenant. La relation entre les deux départements techniques est plus forte que jamais. Les signaux sont au vert.”
Pour vous, cette situation est une autre façon de travailler ? Vous restez confiant sur l’avenir du sport auto ?
“Moi qui aime le contact humain, ce que je vis là est différent. Cette crise doit nous inspirer une vraie réflexion de fond. Je reste persuadé que le sport automobile a un fantastique avenir. Je n’ai jamais compté autant de fans qui partagent leur frustration. Tout le monde s’aperçoit qu’il y a un manque et tous vont revenir avec une énergie extraordinaire. En étant un peu plus humble, on ne fait que du sport auto. Actuellement, le personnel médical risque sa vie à chaque seconde, plus qu’un pilote. Une fois qu’on sera sorti de cette crise, il faudra des programmes abordables et raisonnables. Le sport auto n’est pas mort, il faut sortir plus fort et faire les corrections qui vont avec. Même des constructeurs qui n’étaient pas très économes vont changer leur façon de voir les choses. Il faut se poser beaucoup de questions et ne pas réagir dans l’émotion. Il y a encore trois semaines, on ne savait pas qu’on en serait là et on veut se projeter dans quatre mois. On se prépare et on s’adaptera en conséquence.”