Il y a dix ans, les pilotes de monoplace étaient encore peu nombreux à vouloir rouler en parallèle en Endurance. Guillaume Moreau a été en quelque sorte un précurseur en mixant LM P1 et World Series by Renault 3.5 dès 2007. Le Limougeaud a débuté au Mans il y a tout juste dix ans sur une Courage LC70 LM P1 officielle en compagnie de Jean-Marc Gounon et Stefan Johansson. Une fois les portes de la Formule 1 refermées, les courses d’endurance lui ont permis de rebondir jusqu’à une 2e place au Mans (LM P2) en 2010. Malheureusement, un grave accident lors de la Journée Test 2012 a mis un coup d’arrêt à une brillante carrière à haut niveau. Guillaume Moreau s’est battu contre des Lewis Hamilton et Sebastian Vettel en F3.
Pourquoi avoir fait le choix de rouler en LM P1 dès 2007 ?
“Il est clair qu’il y a dix ans l’Endurance ne brillait pas comme aujourd’hui. C’était compliqué pour moi de faire carrière en Formule 1 car il fallait de gros partenaires que je n’avais pas. A cette époque, je roulais en 3.5 chez KTR. La démarche de l’Endurance est venue de Gwen Lagrue, mon manager qui m’a raisonné. Il fallait réfléchir à autre chose que la monoplace qui demandait beaucoup de moyens sans avoir la possibilité de rouler en F1.”
La transition s’est faite en douceur ?
“Le deal s’est vite conclu avec Courage. Débuter avec Yves Courage dans la discipline était la chose à faire. C’était encore rare qu’une équipe de LM P1 fasse confiance à un rookie. L’auto était fantastique sachant que je n’étais pas du tout préparé. Les simulateurs étaient nettement moins présents qu’aujourd’hui. Le pilote était livré à lui-même. Il m’arrivait même sur certains meetings communs de cumuler 3.5 et LM P1. La LM P1 était un monstre en moteur. J’ai découvert ce qu’était la discipline. Quand on a goûté au LM P1, on n’a pas envie d’essayer autre chose.”
Pourtant, il y a eu ensuite une période GT…
“Je suis passé de la monoplace à haut niveau au LM P1 puis au GT. Autant dire qu’au début je n’étais pas particulièrement ravi de cela. Finalement, la première saison chez Luc Alphand Aventures était fantastique. J’ai pu prendre les départs, faire les qualifications. Ce passage en GT m’a permis de me mettre dans le vert car l’équipe s’est beaucoup appuyée sur moi. Nous avons décroché le titre ELMS mais j’avais toujours des vues sur le prototype. Je connaissais François Sicard de l’époque de la monoplace. François était chez OAK et c’est là qu’a débuté mon aventure avec Jacques (Nicolet) qui m’avait vu évoluer chez Courage. Je suis resté chez OAK par la suite sur toute ma période Endurance. Je me battais en piste comme si c’était ma propre équipe. Une relation forte s’est installée entre nous. Jacques et moi avons besoin de l’humain.”
Quand on est jeune et qu’on arrive de la monoplace, on veut trop en faire ?
“L’esprit d’équipe est compliqué à trouver au début. J’étais un pilote fougueux et de fait j’étais souvent mis de côté pour la performance. Je savais que j’avais le potentiel mais je roulais avec le plein de carburant sans forcément avoir les bons pneus. C’est là où la zone de danger arriver. Il faut savoir se mettre en recul alors que l’on veut prouver que l’on peut être devant. Il y a un côté frustrant… Je devais montrer mes compétences sur de longs relais sachant qu’il y a encore la notion de faire mieux que son coéquipier. J’ai fait le choix d’équipes où il y a une vraie relations humaine.”
Les jeunes pilotes ne rechignent plus à venir en Endurance très tôt…
“J’ai en quelque sorte ouvert une voie il y a dix ans. Nico Lapierre en a fait de même en étant tout proche de la F1. Ce n’était pas les bonnes années pour qu’un pilote français aille en F1. Les choses ont bien évolué. Maintenant, on forme mieux, on connaît les qualités et les défauts des pilotes. Ce qui est sûr, c’est que Gwen a bien fait de m’aiguiller chez Courage, puis LAA et OAK.”
Votre vie actuelle est plus calme ?
“L’accident de 2012 me coûte ma carrière. Aujourd’hui, la vie me procure d’autres challenges à relever. Ce que j’ai vécu me sert en tant que chef d’entreprise dans le bois. Je suis encore jeune et j’ai de beaux challenges à relever. Si j’étais resté pilote, Jacques Nicolet ne serait pas très loin.”
Vous êtes pilote et assureur. Les mentalités sur la vision de l’assurance ?
“L’assurance a bien évolué. J’avais la volonté de m’assurer et bien m’en a pris. Je m’étais bien assuré sachant que je ne pensais pas m’en servir. L’accident m’a permis de développer ma relation avec Franck Bayle, qui était assureur, et nous avons décidé de lancer Racecare. Avoir un casque, un Hans et un bon physique ne suffit pas. L’assurance est au bout du cycle mais elle permet de sauver une vie. Après un accident, il faut être solide moralement. On fait du sur-mesure pour les sportifs et les pilotes du karting à la Formule 1. Il y a encore des voies à exploiter. Racecare entame sa quatrième année et nous avons une quinzaine de compagnies derrière nous en fonction des risques. Ma vie au quotidien se situe dans le bois mais je garde un lien très fort avec le sport automobile. J’ai toujours des contacts très forts avec Jacques Nicolet, Philippe Sinault, Jérôme Policand, François Sicard ou Sébastien Philippe.”
Et la compétition ?
“Pourquoi pas ! Avant cela, j’ai encore quelques objectifs à atteindre sur le plan professionnel et je me laisse encore du temps. J’ai conscience qu’il n’est pas question de retrouver mon niveau d’avant et rouler comme un gentleman ne me suffit pas. C’est encore trop tôt compte tenu de mes activités. De plus, cela me permet de savourer des week-ends chez moi, ce qui est compliqué quand on est pilote professionnel.”
Quel est votre regard sur le sport automobile ?
“Dans beaucoup de catégories, on oublie le spectacle. Il ne faut surtout pas mettre de côté les fans. Ce n’est jamais bon d’avoir des tribunes vides. Il faut savoir se poser les bonnes questions et donner envie aux fans.”