Notre rubrique est aujourd’hui dédiée à Hans Hugenholtz. Le pilote néerlandais a participé aux 24 Heures du Mans à sept reprises, dont un podium en GT2 en 1999 sur une Chrysler Viper (il est le premier à côté de cette Chrysler Viper #56 sur notre photo de Une). Fils d’un célébrissime concepteur de circuits automobiles, il a également occupé d’importantes responsabilités chez Spyker. S’il a stoppé sa carrière dans les courses modernes, on le voit encore régulièrement dans les meetings historiques et notamment au Mans Classic où il compte plusieurs victoires.
Hans, votre père John, était très investi dans le sport automobile et a dessiné de nombreux circuits célèbres comme Suzuka, Zolder ou Jarama et a été Directeur du circuit de Zandvoort. Quel genre d’homme était-il ? Est-ce lui qui vous a donné le virus du sport auto et qui vous a amené vers la compétition ?
« Mon père a été un homme très impliqué dans le sport automobile toute sa vie. Il a commencé avec des motos et avant-guerre il avait déjà une Ballot 2 litres, puis une Austin Ulster avec laquelle il a roulé (mais pas en compétition) à Montlhéry et, pendant la Guerre, il avait un Riley Brooklands. Il était en contact avec beaucoup de pilotes surtout en Angleterre, comme le Prince Bira, Lord Howe, Sammy Davis, etc. Son premier projet a été un circuit à Zeist (à coté d’Utrecht) en 1937. La guerre a bloqué tout ça et, en 1949, il été nommé directeur du circuit de Zandvoort ou il l’est resté pendant 25 ans.
Dans cette période il a fondé le AICP (Association des Circuits Permanents, ndlr) et, grâce à ses projets de sécurité des circuits, on lui demandait souvent de faire des dessins et de donner tous les conseils pour la construction des circuits. Il a fait 20-25 projets de circuits dont une dizaine a été effectivement construite. Pas seulement Suzuka, Zolder et Jarama, mais aussi Nivelles, Hockenheim, Oregon International, Ontario Speedway, etc. Je suis né à Zandvoort où j’ai commencé avec un kart et, à l’âge de 9 ans, mon père me donnait déjà des voitures pour rouler sur le circuit. La compétition était inévitable ! »
Comment avez-vous débuté en compétition ?
« J’ai commencé avec l’école de pilotage de Rob Slotemaker quand j’avais 17 ans, et après une saison de Rallye, j’ai roulé avec une Ford Escort. En 1971, j’ai fait mes premières courses avec une Simca Rallye en Groupe 1. »
Quels ont été vos premiers résultats marquants ?
« Peu après mes courses avec la Simca, Ford Pays-Bas m’a offert en 1972 une place dans son équipe, le Sony Racing Team, pour rouler avec une Escort Sport en Groupe 1 avec laquelle j’ai obtenu ma première victoire dans ma deuxième course et, avec laquelle, j’ai pris la deuxième place du Championnat, à deux points du champion. »
Vous avez couru huit fois au Mans, mais vous y êtes venu assez tard. Pourquoi ?
“Alors que je n’avais plus de sponsor, après 1974, j’ai décidé de me concentrer à mes études en Université, de gagner de l’argent et d’essayer de rouler en course sans l’obligation d’avoir des sponsors. Alors j’ai roulé en Historique, Club Ferrari, Porsche-Ferrari Challenge, etc. Pendant cette période, j’avais des voitures fantastiques, maintenant trop chères pour moi, comme des Ferrari 250LM, 250SWB, 288GTO, F40, des Lotus Elite, Lola T70, Chevron B19, Ferrari 312 T F1, etc avec lesquelles j’ai fait des courses Historiques. En 1985 j’ai été pilote pour Mitsubishi dans le Championnat SCCA en Amérique et, en 1986, j’ai gagné le Championnat de Tourisme au Pays-Bas, également avec Mitsubishi.
Lorsque je roulais en Club Ferrari, j’ai proposé à Ferrari d’organiser une série avec les 348. C’est comme ça que le Challenge Ferrari a débuté. J’en ai fait les premiers règlements sportifs et techniques. J’ai roulé en 348 les deux premières années et, en 1995, avec une 355. J’ai eu plusieurs victoires et j’ai pris la deuxième place du championnat derrière Lucien Guitteny. A côté du Challenge, je roulais également en Porsche Cup, en Trofeo Lamborghini, en Maserati Ghibli series et au Tour Auto où j’ai été sept fois vainqueur.
La route vers le Mans m’a été ouverte grâce au BPR ou j’ai conduit la Venturi de BBA, une Porsche avec Roock et la McLaren F1 de BBA (1996). A partir de 1997, j’étais avec Chamberlain pour mon premier Le Mans et le Championnat avec la Viper (97-98-99 3ème en GT) et en 2000 avec Carsport. J’ai fait aussi deux fois les 24 Heures du Mans avec Spyker et ma dernière participation a été avec une Ferrari 360 Modena en 2004. En 1994, avec une Lotus Esprit, je ne m’étais pas qualifié. »
Que représentait le Mans pour vous ?
« J’étais au Mans avec mon père en 1966 pour la victoire de Ford et, déjà, à cette période, on sentait que le Mans n’était pas comme les autres circuits. Il y a une certaine magie qu’on ne peut expliquer. »
Comment s’est passée votre première participation aux 24 Heures du Mans ?
« Nous avons terminé 15èmes au classement général, 6èmes en catégorie GT2 avec notre Chrysler Viper du Chamberlain Engineering. La course s’est déroulée sans problème. »
Quels sont vos meilleurs souvenirs au Mans ?
« Le podium en GT2 en 1999 avec mes coéquipiers Toni Seiler et Ni Amorim. Nous étions sur “la boîte” et il y avait 150 000 personnes en-dessous ! Ensuite, on peut citer ma victoire de 2014 à Le Mans Classic dans le plateau 4 avec la Ford GT40 (ci-dessous) ainsi que ma victoire avec une Maserati Birdcage également au Mans Classic. “
Vos pires moments, s’il y en a … ?
« Tout d’abord, à Le Mans Classic en 2006, quand ma Ford GT40 a pris feu. Je suis finalement sorti de cette horreur sans problème. L’équipe de sécurité et les médecins ont été superbes !
Pour les 24 Heures, c’est ma première course avec la Spyker C8, en 2002. Nous avons consommé six boîtes de vitesses pendant la course ! Il y a aussi eu le dernier tour de Ni Amorim en 1999, alors que nous étions troisièmes en GT. La Viper n’avait plus d’embrayage depuis deux heures et il a bouclé le dernier tour en huit minutes. Heureusement, ça s’est bien terminé et nous avons conservé notre place sur le podium. »
Y-a-t-il une ou des voitures que vous auriez aimé piloter au Mans ?
« Une Ferrari 333 SP ou la Bentley Speed 8 de Tom Kristensen victorieuse au Mans en 2003 ! Magnifiques… »
Vous avez été très impliqué chez Spyker dont vous avez été Président du Conseil d’Administration. Avez-vous des regrets au sujet de l’évolution de la firme ? Auriez-vous aimé la voir revenir à la compétition ?
« Ma période avec Spyker a été intéressante, mais aussi difficile. C’est dommage qu’on n’ait pas réussi à sauver Spyker avec Saab. Il n’y aura plus jamais de Spyker en compétition… »
Depuis plusieurs années maintenant, on vous voit régulièrement dans des épreuves historiques, comme Le Mans Classic où vous avez remporté plusieurs victoires. Le plaisir de piloter et l’ambiance des meetings en Moderne ou en Historique sont-ils les mêmes ? Quelles sont les différences entre les deux ?
« Maintenant, à 69 ans, je ne suis plus en mesure de gagner en Moderne, mais ça marche encore très bien en Historique où j’ai la chance de rouler avec des voitures célèbres comme les Ford GT40, les Cobra, les Lister, la Talbot-Lago 4,5l, la Ferrari 250 GT châssis court et, cette année, avec une exceptionnelle Delage-ERA de Peter Mullin (ci-dessous Hans Hugenholtz dans une Talbot-Lago 4,5l ), dans une ambiance que j’adore. En Historique, l’ambiance est beaucoup plus sympa qu’en moderne… »
Vous reverra-t-on cette année au Mans Classic ? Si oui, dans quels Plateaux et avec quelles voitures ?
« J’espère courir dans le Plateau 3 avec la Lister-Costin Jaguar, une voiture ex-usine qui a disputé les 24 Heures du Mans en 1959 avec le numéro 1. »
Vous avez l’habitude au Mans Classic de courir seul. Est-ce parce que cela vous permet d’augmenter votre temps de conduite ou parce que vous n’aimez pas partager le volant ?
« J’adore rouler au Mans et je n’ai pas envie de rater la possibilité de le faire. Par contre, si je roule avec la voiture d’une autre propriétaire, c’est logique de partager……. »
Participations de Hans Hugenholtz aux 24 Heures du Mans :
1997 : Chrysler Viper Chamberlain Engineering #64 (Jari Nurminen/Chris Gleason) 15ème, 6ème en GT2
1998 : Chrysler Viper Chamberlain Engineering #56 (Gary Ayles/Matt Turner) 19ème, 5ème en GT2
1999 : Chrysler Viper Chamberlain Engineering #56 (Ni Amorim/Toni Seiler) 14ème et 3ème en GT2
2000 : Chrysler Viper Carsport Holland (Mike Hezemans/David Hart) 13ème, 6ème en GTS
2002 : Spyker C8 Double 12R Spyker Automobilien #85 (Peter Kox/Norman Simon) Abandon
2003 : Spyker C8 Double 12R Spyker Automobilien #85 (Norman Simon/Tom Coronel) Non classé
2004 : Ferrari 360 Modena Cirtek Motorsport #92 (Rob Wilson/Franck Mountain) 19ème, 7ème en GT
Merci à Christian Vignon pour ses photos.