Notre rubrique est ouverte aujourd’hui à Harley Cluxton. Harley n’a pas gagné les 24 Heures du Mans, mais il fait partie de l’histoire du Mans. Harley est le fondateur de Grand Touring Cars (GTC) et, après avoir été le plus jeune distributeur de Ferrari aux USA -à 26 ans-, il a acheté à Gulf Oil USA en 1976 -quatre ans plus tard- le Team Mirage que dirigeait John Wyer.
Une Mirage John Wyer, pilotée par Jacky Ickx et Derek Bell, avait gagné les 24 Heures en 1975 (ci-dessus). Les Mirage GTC ont terminé deuxième en 1976 et 1977 -le tout premier podium pour le moteur V6 Renault Turbo en 1977, ci-dessous -.
Grand Touring Cars, basé à Phoenix, en Arizona, restaure, prépare et vend actuellement des voitures de course historiques. Harley a aimablement accepté de répondre à quelques questions :
En tant que pilote, Harley, vous avez fait une tentative au Mans aux 24 Heures 1975, au volant d’une Ferrari 308 Dino engagée par le North American Racing Team (NART), associé à Giancarlo Gagliardi, mais la voiture n’a pas été qualifiée, bien qu’elle ait fait le quarante-huitième chrono. Pourquoi ? Que pouvez-vous nous dire à propos de cette expérience du Mans ?
« La vie a l’habitude d’apporter toujours son lot de contrariétés mais quand j’étais un très jeune teenager, je voulais être pilote de course comme mes héros, Phil Hill, Dan Gurney et Mario Andretti.
Alors que j’avais 20 ans, Monsieur Chinetti m’a emmené aux 24 Heures du Mans 1967 où j’ai pu regarder et ressentir la course et tout le spectacle du Mans pour la première fois, depuis les stands du North American Racing Team. Il me serait impossible à résumer en quelques mots seulement cette expérience du Mans. Cependant, deux mots me viennent vraiment à l’esprit : « abasourdi » et « heureux ».
« Abasourdi », quand Monsieur Chinetti nous a dit -à nous pilotes- qu’il retirait toutes les voitures du NART de la grille de départ car l’ACO avait reclassé la Ferrari Dino #17 Groupe 4 du NART, -avec laquelle je m’étais qualifié 48ème sur 55-, dans le Groupe 5, dans la même catégorie que les Porsche 908/2 et les Porsche RSR.
En juin 1975, Ferrari avait suffisamment produit de 308 Dino pour qu’ellles soient éligibles pour courir en Groupe 4, mais l’ACO estimait que la Dino du North American Racing Team avait subi trop de modifications aérodynamiques pour courir en tant que Dino de série. Donc, la veille du départ des 24 Heures, l’ACO a publié les résultats des qualifications, qui montraient que la Dino du NART n’était pas qualifiée puisque, selon la réglementation, elle était au-delà des 120% du Groupe 5.
« Heureux » parce qu’au moins les Mirage ont terminé première et troisième au général !”
Quand vous étiez jeune, vous aviez des pilotes préférés ?
“Comme je l’ai dit, en grandissant, mes héros en course automobile étaient les pilotes du NART, Phil Hill et Dan Gurney. Alors que Ferrari est resté mon premier amour, Ford, avec les GT40 et les Cobra Daytona Coupés, a toujours été un très proche second.”
Avant Le Mans, quelle a été votre carrière de pilote ?
“J’ai commencé à courir en moto avec une BSA Goldstar à l’âge de 16 ans. Ma sympathique « carrière » en course a connu une fin brutale à 17 ans, après que mon père, très surpris, aie lu dans notre journal local que j’avais remporté une nouvelle course avec ma BSA, alors qu’il m’avait formellement interdit de courir en moto ou en auto.
Je dois la courte carrière de pilote professionnel que j’ai eue, entièrement à Luigi Chinetti (ci-dessus, au centre, en chemise blanche, avec Harley Cluxton). Monsieur Chinetti a joué un rôle essentiel en m’aidant à passer de mes compétitions en amateur dans le SCCA (Sports Car Club of America, une des plus grandes organisations de compétition aux USA) aux compétitions professionnelles du SCCA, en remplissant les exigences de licence en seulement trois week-ends de course, en me prêtant une Ferrari 275 GTB/C alors que je travaillais pour lui dans ses installations du NART à Greenwich, dans le Connecticut, où il était importateur Ferrari pour les USA.
J’ai continué à travailler pour lui tous les étés, ainsi que pendant les vacances d’hiver chaque mois de janvier pour les 24 Heures de Daytona et chaque mois de mars pendant le break de printemps pour les 12 Heures de Sebring, avant que je ne sois diplômé à l’Université.
J’étais comme une jeune éponge, posant toujours des questions, voulant tout savoir à propos de tout ce qui avait un rapport avec Ferrari et avec la course automobile. J’avais même appris suffisamment d’italien « mécanique » pour pouvoir poser toutes mes questions techniques à Monsieur Chinetti et ses deux chefs mécaniciens, Iori et Paolo.
J’étais apparemment si passionnément tenace avec mes questions sur le pilotage que Mr Chinetti m’a suggéré que je devrais probablement demander à Pedro Rodriguez (ci-dessous, avec Harley) s’il voulait bien répondre à mes questions.
Bien sûr, j’ai immédiatement questionné Pedro, et à ma joie naïve, le pauvre Pedro a accepté (à contre coeur)le job, mais à ses conditions très particulières.
La première était la suivante : »si je te dis quand il faut faire quelque chose, ou de ne pas le faire, tu n’y réfléchis pas !! TU LE FAIS ! Si tu as un cerveau, après que tu aies fait ce que je t’ai dit, tu comprendras immédiatement pourquoi! »
Après mon service militaire, c’est Mr Chinetti qui a fait redémarrer ma carrière sportive, pendant la première année de mes études de Droit, pilotant une Ferrari 275 GTB/C associé à Ronnie Bucknum lors des 24 Heures de Daytona 1970. J’ai continué à courir pour le NART avec différentes Ferrari pendant les deux années suivantes de mes études de Droit, puis pendant une année alors que j’exerçais en tant que juriste, puis après avoir été choisi comme le plus jeune distributeur agréé Ferrari en 1973, tout ce chemin me conduisant aux 24 Heures du Mans 1975.”
Quand Gulf Oil a arrêté la compétition en 1976, pourquoi avez-vous acheté le team Mirage et les droits de fabrication à John Wyer ? La transaction a-telle été difficile ?
“John Wyer était un partenaire de Gulf Oil USA , pour ce qui a été le premier partenariat commercial , le plus identifiable et incontestablement le plus réussi -un partenariat de neuf années- dans l’histoire de la course automobile. Gulf Oil USA possédait Gulf Research Racing Company (GRRC) basée à Slough, en Angleterre qui possédait tous les droits intellectuels, les dispositifs et les équipements de conception, les pièces détachées, les voitures de course, les moteurs, et pouvait faire courir les Ford GT40 Gulf et les Mirage-Gulf, à l’exception des Porsche-Gulf qui appartenaient à Porsche.
J’ai donc acheté GRRC avec tous ses actifs, qui comprenaient tout ce qui concernait les Mirage, à à Gulf Oil USA.”
A suivre…