Harry Tincknell est certainement l’un des pilotes qui a le plus de programmes à son actif en 2019. Le Britannique de 27 ans est impliqué en WEC via Ford Chip Ganassi Team UK, en IMSA via Mazda Team Joest et en ELMS avec Carlin qui engage une Dallara P217 (#45). Entre deux avions, nous avons néanmoins réussi à faire le point avec lui à moins de 30 jours des 24 Heures du Mans qui clôtureront la Super Saison 2018/2019 du WEC.
Premier chapitre, le WEC. Comment se passe votre Super Saison jusqu’à présent avec la Ford GT #67, à une manche de la fin ?
« Nous avons manqué de chance tout au long de la saison, ce n’est vraiment pas croyable ! A Spa, l’an dernier, j’ai eu un gros accident en haut du Raidillon suite à un souci à l’avant gauche de la voiture. Je pense que l’on se dirigeait vers un podium, voire une victoire ! Nous étions partis de la pole et c’est la voiture sœur qui a gagné. Aux 24 Heures du Mans, nous avons fait une belle course, mais avons commis une grosse erreur sur les temps de conduite des pilotes ! Nous avons pris 11 tours de pénalité car Tony Kanaan n’avait pas assez roulé. Nous terminons 4e sur la piste, mais 12e après la pénalité. Après déjà ces deux courses, nous étions hors du coup pour le championnat, mais le reste de la saison a été un peu meilleur : nous avons mené longtemps à Silverstone avant de moins bien gérer les Full Course Yellow mais on finit 2e, 3e à Fuji, 3e à Sebring et on signe la pole position à Spa. Notre souci cette année est que nous luttons plus lorsque la piste est mouillée comme à Shanghai ou à Spa. »
Quelles sont vos attentes pour les 24 Heures du Mans qui approchent ?
« Comme je l’ai dit, nous devons travailler sur les pneus pour progresser sur le mouillé car au Mans, cela pourrait arriver. Nous allons déjà faire quelques essais en Angleterre avant la Journée Test. Aux 24 Heures, nous serons rejoints par Jonathan (Bomarito) que je connais bien de l’IMSA (ils sont coéquipiers). Avec Andy (Priaulx), nous nous entendons vraiment très bien, nous sommes sur la même longueur d’onde, c’est génial de travailler avec lui. Nous avons vraiment de bonnes chances de faire un bon résultat au Mans, je pense. Si nous récupérons un peu de vitesse par la BOP, nous savons que nous sommes fiables, un bon résultat est faisable. Nous n’avons plus rien à gagner au championnat, juste nous concentrer sur cette épreuve. Nous avons quatre voitures, toutes capables de gagner. Ce serait une bonne façon de terminer le programme Ford usine. »
Que pouvez-vous nous dire sur la présence de Ford GT en WEC l’an prochain ?
« Je suis confiant, je pense que nous verrons des Ford GT sur la grille l’année prochaine. Pour le moment, rien n’a été confirmé, mais tout le monde travaille dans cette direction que ce soit Larry Holt, Multimatic, Mark Rushbrook, le directeur de Ford Performance. Je ne sais pas à 100% ce qui va se passer, mais c’est entre de bonnes mains. Tous les signes sont positifs, la voiture est fantastique, elle peut courir encore plusieurs années tout en étant dans le coup. »
Votre deuxième programme concerne l’IMSA avec Mazda. Comment se sont passées vos premières courses ?
« Nous avons certainement la voiture la plus rapide en IMSA. On a décroché la pole à Daytona, fait le meilleur tour à Sebring, 2e meilleur temps en course à Long Beach et signé un podium à Mid-Ohio. La seule chose qui nous manque c’est une victoire. »
Que vous manque-t-il justement pour la décrocher ?
« Je ne pense pas qu’il manque quelque chose. Il faut juste que les choses s’imbriquent bien en même temps, lors de la même course. Nous avons la vitesse, une superbe équipe d’ingénieurs et de mécaniciens de Joest Racing. Multimatic a vraiment bien fait progresser la voiture tout au long de l’hiver. Sur mon auto, la #55, j’ai même Larry Holt (directeur technique de Multimatic), c’est vraiment cool de partager son expérience. Je suis sûr que la victoire va venir cette année, je n’ai aucun doute là-dessus. Peut être dès Detroit pour la prochaine manche (1er juin). »
Du côté de l’European Le Mans Series, vous n’étiez pas revenu depuis 2016 et votre titre de champion avec G-Drive Racing. Comment percevez-vous l’évolution de ce championnat ?
« C’est juste incroyable la façon dont ce championnat a grandi. La dernière fois que je suis venu en Italie, c’était à Imola et je dois dire qu’il devait y avoir 5 fois moins de spectateurs qu’aujourd’hui. Il y a vraiment de belles équipes et de très bons pilotes. Le niveau en LMP2 a toujours été fort, je me rappelle qu’en 2014, lorsque j’ai remporté les 24 Heures du Mans dans cette catégorie, les trois premières autos étaient issues des Le Mans Series. Je suis même persuadé que le vainqueur LMP2 cette année pourrait bien venir d’ELMS aussi ! On voit bien aussi, à travers cette série, qu’il est possible d’y faire ses armes et monter ensuite en WEC. Le LMP3 est vraiment une bonne école, cette catégorie fait progresser les pilotes pour les emmener plus haut comme on a pu le voir avec Thomas Laurent, passé en LMP2 puis LMP1, ou encore Job van Uitert (G-Drive Racing), champion LMP3, qui est maintenant dans l’une des meilleures équipes LMP2. C’est vraiment bien de la part de l’ACO d’avoir créé cette échelle qui permet de grimper jusqu’en LMP1. »
Pourquoi avez-vous fait le choix de la Dallara P217 en ELMS et de Carlin en tant qu’équipe ?
« A l’époque où je roulais en F3, j’étais chez Carlin. Cela faisait un moment que j’y travaillais avec Jack (Manchester, son coéquipier, ndlr) sur ce projet, je le connais bien, c’est un de mes bons amis et il habite à 20 minutes de chez moi à Londres. Nous avions en tête qu’un jour nous pourrions faire équipe ensemble et cette opportunité s’est présentée à nous. Je n’ai pas pu faire la première manche, j’étais retenu en IMSA par mon programme Mazda, mais mon bon ami Olivier Pla m’a suppléé. Je suis vraiment content d’être de retour dans ce championnat pour le reste de la saison.
Quant à Carlin et Dallara, cette association est logique car l’équipe a une très longue histoire avec Dallara. Nous avons déjà bien progressé au niveau de la P217 comme on a pu le voir en essais et en course à Monza. C’est vraiment une saison d’apprentissage pour Carlin. J’espère bien qu’en fin de saison, à Portimão, nous serons capables de nous battre aux avant-postes. Nous travaillons déjà pour l’année prochaine car notre objectif est de nous qualifier pour les 24 Heures du Mans que ce soit en passant par l’ELMS ou, qui sait, par l’Asian Le Mans Series. C’est très excitant d’être dans cette écurie qui a beaucoup d’ambitions et on sait ce que veut Carlin quand cette structure s’engage quelque part : être devant ! »
IMSA, WEC, ELMS, plusieurs continents. Comment arrivez-vous à tout gérer ?
« C’est vraiment fantastique d’être occupé comme cela par trois championnats. Ils se complètent bien. Je vais finir la Super Saison au Mans, ce qui veut dire que je serai un peu plus libre cet été au niveau des Etats-Unis et de l’Europe. Ce sera plus simple à gérer. J’ai un manager, il s’occupe très bien de moi, il fait du super travail, heureusement qu’il est là. J’essaie de le récompenser avec de bons résultats en piste ! L’autre bon côté de cet agenda chargé est le physique, je suis tout le temps dans une auto, je n’ai pas besoin de préparation spécifique pour Le Mans (rires). En tout cas, un grand merci à Ford qui m’autorise à faire ces trois programmes »