Il avait la passion chevillée au corps, celle de l’automobile. Au point d’en avoir fait son métier, les mains dans le plâtre, modelant les carrosseries des futures Peugeot dès 1960 à l’age de 17 ans. Sous la conduite de Paul Bouvot, il montera les échelons au point de devenir le patron du style extérieur dès 1975 à 33 ans. C’est donc sous sa direction que naît en 1983 la fameuse 205, celle dont on considère que l’énorme succès a sauvé le groupe PSA de la disparition pure et simple, et qui inspire encore aujourd’hui les stylistes Peugeot. Initialement prévue pour être fabriquée sur le site de Poissy, il fallut rapidement en faire également à Sochaux puis en Espagne afin de satisfaire la demande ! Au moment ou Peugeot peinait à absorber Citroën puis Chrysler Europe, ce succès salvateur permit à Gérard Welter d’acquérir une aura toute particulière au sein de l’entreprise. Aura qu’il conserva jusqu’au bout de sa carrière en tant que directeur du centre de style car la 206 n’eut pas moins de succès que la 205 ! Les 405 et 406 firent également une formidable carrière. Les ultimes modèles sortis sous son règne furent moins consensuellement salués et en 2007, après 47 ans de carrière, Gérard dut laisser sa place à Jérôme Gallix, lequel ne fit qu’un passage éclair…
Mais la passion ne s’arrêtait pas une fois que le directeur du style quittait son bureau. Il rentrait alors chez lui à Thorigny-sur-Marne ou la passion mancelle pouvait prendre corps. Ce sont les voitures de course qui lui avait données la passion des belles courbes. Il allait donc lui-même créer ses autos de compétition et la rencontre avec Michel Meunier en 1967 au sein des ateliers Peugeot devenait l’indispensable jalon permettant de lancer cette folle aventure. Gérard Welter et Michel Meunier lancent leur propre marque Welter-Meunier alias WM s’appuyant également sur les frères Mathiot. Un autre pilier de cette aventure est Vincent Soulignac, lui aussi ingénieur chez Peugeot. Dès 1969, une 204 modifiée en compétition. La même année, le premier proto de la marque prend la piste. La WM P69 utilise châssis et moteur de la 204 cabriolet dont on tire 100 chevaux mais la carrosserie est spécifique.
C’est le modèle suivant, la P70, qui rentre véritablement dans la catégorie des purs prototypes de course avec notamment un châssis monocoque. Le moteur est cette fois issu de la 304 et l’on tire 120 chevaux du 1,3 litres. La ligne est plus fine et plus réussie, la génétique WM est bien lancée. La voiture court à la fois sur les circuits et en Rallye (Ronde cévenole) et tente la qualification aux 3 heures du Mans 1971, lors des fameux essais d’Avril des 24 Heures du Mans, les ancêtres de la Journée Test actuelle. La voiture ne participe pas à la course mais ce n’est plus qu’une question de temps avant que WM ne revienne au Mans.
1976, première au Mans !
En 1976, l’ACO tente de redonner vie à son épreuve bien bousculée en ces seventies dévastatrices pour l’endurance. La catégorie GTP est créée afin de redonner du souffle et c’est un véritable succès. Un certain Jean Rondeau débarque en Sarthe avec deux Inaltera qui feront beaucoup parler d’elles. Quant à Welter et Meunier, ils amènent une P76 très flashy équipée de phares et de feux de CX. Le moteur est bien entendu issu du V6 PRV et développe 260 chevaux ce qui semble bien peu face au V8 Ford Cosworth des Inaltera. Mais la voiture est fine et profitant de sa faible largeur, une caractéristique spécifique des WM jusqu’à la P400, elle file dans les Hunaudières ! Cette première course sera compliquée et interrompue à la sortie de la nuit par une surpression fatale à l’orifice de remplissage du carburant…
1977, deux WM et le premier damier…
En 1977, deux voitures étaient cette fois-ci présentes. Aux côtés de la P76 améliorée se trouvait une toute nouvelle P77 malheureusement encore bien verte. Le V6 PRV s’est vu greffé d’un turbo afin de donner plus de puissance. Et si les freins causèrent des soucis à cette dernière, la plus ancienne des deux tourna jusqu’au bout du double tour d’horloge. WM touchait son but dès la deuxième année. L’équipe de bénévoles pouvait savourer ce beau moment…
1978, trois WM !
1978 voyait l’équipe faire un nouvel effort en engageant trois voitures ! Trois autos, trois modèles différents ! La toute nouvelle P78 accompagnant désormais la P76 et la P77… Encore plus fine que ses aînées, la P78 est aussi plus longue et toujours plus rapide, tapant les 333 km/h dans la ligne droite. Joliment décorée aux couleurs de Esso, elle ira plus loin que ses deux sœurs sans toutefois pouvoir rejoindre l’arrivée.
1979, des espoirs douchés.
Pour 1979, WM franchit un nouveau cap en alignant trois voitures identiques, trois nouvelles P79. Elles sont désormais équipées d’un V6 PRV greffé d’un second turbo qui sans augmenter la puissance la rend en théorie un peu plus disponible. Un véritable programme d’essais a même pu être mis sur pied et les 52 bénévoles de l’équipe, pilotes compris, n’ont jamais été si bien préparés. Pourtant une seule des trois WM ralliera l’arrivée, celle de Mamers-Raulet au 14ème rang. Les chronos ne sont finalement pas meilleurs que ceux de 1978. Il faut mieux faire.
1980 : au pied du podium !
Cela n’entame en rien la montée en puissance qui se poursuit en 1980. Guy Fréquelin arrive au sein de l’équipe ce qui trahit une présence de plus en plus importante même si toujours cachée, de Peugeot. La nouvelle culasse offre désormais 4 soupapes par cylindre. La puissance ne monte toujours pas mais la plage d’utilisation est cette fois-ci bel et bien élargie. La P79/80 pour le reste est une évolution optimisée de la version 1979.
Le bienfait des transformations hivernales apparaît clairement lors des essais. Guy Fréquelin tourne en 3’48″7 ce qui est de 8 secondes plus rapide que l’année précédente. Mais il y a mieux à venir. Les trois voitures amélioreront cette marque durant la course, tournant toutes sous les 3’47″, Fréquelin descendant en 3’44″8 ! Deux des meilleures voitures sont dans le top 10 lors du premier quart de l’épreuve. Après 7 heures de course, la n°5 de Dorchy-Fréquelin monte même au 4ème rang devant la Porsche 936 de Ickx-Joest ! C’est alors que le câble d’accélérateur fait des siennes et freine l’avancée de la n°5 mais les deux pilotes français remonteront patiemment une fois le problème résolu, récupérant leur 4ème place finale. Jamais une WM ne fera mieux ! Le podium et la victoire de catégorie ne sont pas loin mais reviennent tout deux à l’unique Rondeau GTP, preuve que l’on peut encore progresser.
1981 : une montée en puissance contrariée…
Et c’est ce qui est espéré pour 1981. Cette fois-ci, la firme au lion ne fait plus semblant d’offrir son soutien. Peugeot apparaît officiellement sur les flans des voitures. Cela se traduit par des moyens accrus et un V6 PRV devenu porteur sortie des ateliers de la marque ! Un véritable programme d’essais longue distance a été mis sur pied avec plus de 20 heures au Paul Ricard suivi de 15 autres heures à Ladoux chez Michelin. Aux côtés des deux P79/80 apparaissent deux nouvelles P81, qui répondent au règlement Groupe C, appelé à devenir la classe dominante dès 1982. Les deux « Groupe C » se distingue des GTP par des roues couvertes à l’arrière. WM est vraiment dans la cour des grands et dès les essais, ça tabasse.Serge Saulnier descend sous les 3’38″ (3’37″89) plaçant la groupe C n°82 en 8ème position ! Guy Fréquelin place la meilleure des GTP juste derrière en 3’39″74. La seconde groupe C est en 3’40″8 tandis que la seconde GTP signe un 3’44″14. Tout semble réellement placé sous les meilleures auspices. Hélas, la course ne confirmera pas les espoirs entrevus aux essais.
Et ce très rapidement puisqu’après une heure de course, Thierry Boutsen sent quelque chose casser sur sa voiture et ce au pire moment puisqu’il file à 350 km/h dans les Hunaudières. La voiture tape les rails et heurte trois commissaires dont un est malheureusement tué sur le coup, le deux autres étant grièvement blessés. Cet accident marquera la toute première neutralisation de l’histoire de l’épreuve par les « pace-car » de la direction de course tels qu’on les appelle encore. Avant même que la nuit ne tombe, WM perdait deux autres voitures avec un début d’incendie pour la n°5 et un accident pour la seconde groupe C suite à un contact avec une Lancia un peu égarée… Il ne reste que la GTP n°4 qui soit vaillante et joue la gagne dans la catégorie face aux Rondeau mais un changement de triangle juste avant la mi-course lui fait perdre irrémédiablement plus d’une heure… Elle finira au 14ème rang, 4ème du GTP, inutile de dire que Gérard et ses hommes attendaient bien mieux…
1982 : dans la foulée des Porsche…
Peugeot maintient malgré tout son soutien en 1982 et l’équipe engage deux groupe C entièrement revues. Grande nouveauté, l’équipe a participé désormais à trois courses du Championnat en amont des 24 Heures du Mans. Les 6ème place de Monza, 11ème à Silverstone et l’abandon au Nürburgring n’ont pourtant pas pleinement rassuré quant à la fiabilité des P82 au cockpit affiné. Le V6 est passé de 2,6 litres à plus de 2,8 litres. La puissance monte donc à 540 chevaux mais cela ne va pourtant pas permettre de rouler plus vite qu’en 1981. Dans un contexte d’augmentation globale et sensible du niveau du plateau, les WM régressent sur la grille aux 12 & 13èmes places. Elles devancent toutefois les Rondeau et sont donc les voitures françaises les mieux placées sur la grille ! Elles grimperont même d’un cran avec l’exclusion de la Mirage de la famille Andretti à une heure du départ !
Le début de course est en revanche un festival pour la n°9 de Michel Pignard. Profitant de la déroute inattendue des Lancia et de la frugalité des pilotes Porsche déjà tout occupé à ne point trop consommer, il montera jusqu’au deuxième rang au cours de la première heure ! La n°10 de son côté, devait malheureusement déjà perdre un temps considérable suite à un accrochage avec une Rondeau. La n°9 maintiendra un superbe niveau de performance tout au long du premier tiers de la course, pointant ainsi toujours au 6ème rang à 23 heures. Hélas la boite de vitesses mit un terme à sa course avant la mi-course, la n°10 fut contrainte de se retirer moins de deux heures plus tard suite à un début d’incendie…
1983, les débuts de la galère…
1983 marque le début des difficultés pour WM. Peugeot retire son soutien officiel car le Lion s’engage sans réserve dans le programme 205 Turbo 16 en rallyes, ce qui impose de ne pas disperser ses forces. Même si un discret apport sochalien est toujours là, il n’est plus du même niveau et il est désormais impensable de participer à d’autres courses que les 24 Heures. Comble de malchance, Esso diminue aussi la part de son apport et si DMC et Heuliez vient compenser quelque peu, le budget a baissé de 40% en un an ! La voiture évolue donc légèrement entre 1982 et 1983 même si elle reçoit une nouvelle appellation P83. Les deux WM signent tout de même une amélioration sensible de leurs chronos de 1981 en passant toutes deux sous les 3’37″ lors des qualifs. Mais cela ne leur permet d’obtenir que les 17 et 18ème places… La course débute bien à nouveau pour la n°9 même si c’est moins flamboyant qu’en 1982. Mais le moteur explose avant la mi-course. La n°10 tourne alors déjà sur cinq cylindres depuis quelques temps mais incroyablement, elle tiendra jusqu’au bout, se classant 16ème…
1984, trois tours de rêve puis le cauchemar…
En 1984, l’apport des Patisseries Favraud permet de reprendre un peu de poil de la bête. Les tunnels déporteurs sont remaniés et la carrosserie également. Elargie de 8 cm, la voiture grossit un peu au profit de la tenue de route. Mais un beau travail sur l’aéro a permis d’améliorer le CX. Le moteur gagnant 20 chevaux grâce à un travail sur l’injection sous la houlette de Denis Mathiot (650 lors des essais, 550 en course), la fameuse Vmax, arme fatale des « petites » WM ne pâtit pas de cet élargissement qui restait toutefois bien en deçà des 2 mètres maxi autorisés par le Groupe C. Le bienfait de ces évolutions apparaît clairement lors des essais. Roger Dorchy claque un superbe 3’30″ sans avoir le temps de chausser ses pneus de qualification ! Il estimait le potentiel à 3’25″ ! Tout est en place pour 3 tours inoubliables…
Alors que le onze de France se prépare à jouer contre les diables rouges une heure plus tard, condamnant toutes les chambres d’hôtel entre Le Mans et Nantes, la WM jaune s’élance très fort lors du départ de ces 24 Heures. Même si l’usine Porsche est absente, les Lancia officielles sont là et les 956 privées constituent de redoutables opposantes. Roger n’en a cure et les remonte toutes dans les Hunaudières. Devant toutes les télés du Monde, il franchit la ligne d’arrivée en tête à l’issue du premier tour ! Incroyable moment pour les hommes de WM mais aussi pour tout fan français d’endurance ! Wollek replace Lancia en tête dans le deuxième tour mais Dorchy insiste et repasse en tête lors du 3ème passage ! Insensé. A l’approche de Mulsanne au tour suivant, malheureusement, la WM file droit vers le rail, à l’opposé du virage. Bizarre et douloureux. La n°23 rentre aux stands et y perd une heure. Couderc effectue un relais puis Dorchy reprend la piste mais bis repetita, tape à nouveau ! Incroyable. Une nouvelle heure est perdue en réparations. La voiture repart un peu en lambeaux et Roger se fait aussitôt taper par Schuppan, encore à Mulsanne. On n’a pas idée d’une malchance pareille après avoir tant brillé. La voiture est de nouveau réparée avec les éléments de carrosserie de la n°24 d’où ces ailes rouges faisant leur apparition sur une WM jaune. Roger Dorchy ne repart pas. Il est abattu, totalement coupable pense-t-il… Pourtant Gérard Clabaux, le team manager confirmera qu’il n’était pas totalement en cause. L’équipe avait tapé dans un lot de plaquettes différentes des essais pour la course. « Une croute se formait rapidement. Nous ne l’avons compris que trop tard… » La nuit sera un calvaire pour la jaune et rouge, avec notamment un arrêt de 2 heures et demie à cause de la boite. Dorchy reprend enfin le volant au petit matin mais la boite est dans le sac. La n°23 abandonnera aux premiers rayons du soleil. Il y avait bien longtemps que la n°24 n’était plus dans la course… La gloire est passée, irrémédiablement.
1985, deux à l’arrivée mais…
1985, coup de tonnerre ! Jean Rondeau en prise avec les grosses difficultés financières de son entreprise annonce qu’il va piloter pour le compte de WM aux 24 Heures. Il en profite pour venir avec les boites Hewland qui équipaient ses voitures et qui sont donc installées sur deux des trois voitures. Elles devraient permettre de mieux encaisser le couple du V6 turbo. Les carrosseries sont encore affinées. Cette fois-ci, on ne cherche plus la flamboyance. Les essais se font dans un relatif anonymat, Dorchy se contentant de tourner en 3’38″ sur la meilleure des trois WM.
La course se fait sur un rythme tranquille qui pose pourtant déjà quelques soucis aux systèmes de refroidissement des n°41 et 42. La n°43 aura à peine le temps d’éprouver les mêmes soucis avant de connaître une énorme frayeur dans les Hunaudières ou Jean-Claude Andruet tape violemment. La voiture n’a plus d’avant et plus d’arrière. Elle est Out. Les deux autres iront au bout ! Mais à force de vidanger ses fluides, la n°41 ne fait plus le poids à l’arrivée et sera exclue des classements… La n°42 confiée notamment à Rondeau, prend la 17ème place…
1986, 3ème en C2 !
En 1986, WM continue à survivre. La WM P85 n’a plus fondamentalement évolué depuis quelques années déjà et ce ne sont que deux voitures qui sont présentées. De plus, l’une des deux descend dans la catégorie C2 pour tenter d’aller y cueillir quelques lauriers. Pour cela, son moteur est redescendu à 2,6 litres et la puissance repasse sous les 550 chevaux voire bien moins en course afin de respecter les paramètres de consommation draconiens en C2. L’idée n’était pas mauvaise car la C2 atteindra la ligne d’arrivée au 3ème rang de la catégorie, la C1 elle, ne put faire aussi bien du fait de sa distribution défaillante.
1987 : Projet 400 épisode 1, fail…
1987, c’est la Révolution. Une toute nouvelle WM apparaît ! Initialement prévue pour l’édition 1986, elle n’avait pu être présentée faute de budget. Amandine, alias P87, a pour but de taper les 400 km/h. Conscient de son manque de budget face aux usines, Gérard Welter cherche à se distinguer autrement. Il dessine donc une grosse WM ! Finie les dimensions de puce. La voiture est à la fois longue 4,50 m pour 4,8 m maxi et surtout large ! Cette fois-ci, Amandine utilise comme toutes les autres C1, la largeur maxi des 2 mètres autorisés. Les roues sont totalement cachées à l’arrière, partiellement à l’avant. Mais sous la robe superbe et joliment décorée en bleu-blanc-rouge, c’est toujours la coque de la « vieille » P85 qui est utilisée ! Le V6 PRV subit une sacrée cure de jouvence. Nouvel allumage, nouvelle distribution, nouveaux turbos, nouvelle injection, circulation d’huile profondément revue, il passe la barre des 600 chevaux pour la course et pourrait atteindre les 900 aux essais ! Devant les caméras de télévision de TF1 et sur une portion de l’autoroute A26 alors en construction, François Migault valide la carrosserie de la WM P87 en tapant 416 km/h ! Ca promet ! Aux côtés de la P87 est alignée une ancienne P86.
Hélas, Amandine est encore bien jeune et les essais se passent difficilement. L’ACO enregistre toutefois une Vmax de 381 km/h qui est contestée par WM dont le propre radar aurait mesuré 407 km/h. Cette valeur n’est pas officiellement confirmée et la déception prévaut chez les hommes de Gérard. La WM P86 demeure d’ailleurs plus rapide sur un tour lors des essais. Hélas, les deux autos seront elles aussi, victimes de l’essence qui fit tant couler d’encre en ces 24 Heures du Mans 1987. Elles ne verront même pas la nuit…
1988 : Projet 400 épisode 2, check !!!
1988 est donc la deuxième année du projet 400. Cette fois-ci, Amandine reste gréée en version P87 tandis qu’une seconde voiture, plus évoluée se présente avec pour mission d’aller faire tomber le mur des 400 km/h ! La robe reste dans le même esprit visuellement parlant ce qui cache un renouvellement en profondeur. La châssis monocoque en aluminium est totalement nouveau. Le porte-à-faux avant est diminué de 30 cm avec une lame avant plus courte, l’arrière est donc allongé avec un aileron monoplan situé un peu plus haut… Amandine suit la même cure esthétique, les deux voitures ne diffèrent donc sur le plan visuel que par leurs décos profondément différentes. Heuliez soutenant totalement la P88 n°51. Du côté du V6 PRV, on est cette fois-ci monté à 3 litres !
Les essais ne se passent toujours pas comme prévu. Le radar officiel refuse toujours obstinément d’afficher 400 km/h. Chez WM, on est toujours persuadé d’avoir passé les 400 tandis que le radar ACO n’indique que 384 pour la P88 et 382 pour la P87… Il faudra donc tenter à nouveau le coup en course. Le début est un total calvaire. La P87 tient à peine une heure avant que la transmission ne lâche définitivement. Pour la P88, on s’est arrêté encore plus tôt ! Après 4 heures de course, elle a passé près de 3 heures aux stands. Il n’y a plus rien d’autre à espérer que de franchir officiellement le mur des 400. La voiture est spécialement préparée pour l’occasion, le radar type Mesta 208 a été revu entre les essais et la course. Et peu après 20 Heures Roger Dorchy s’élance. Il signe tout d’abord un 394 km/h officiel ce qui n’est toujours pas suffisant.
A 20H46, Olivier de la Garoullaye, le speaker officiel, le confirme dans les haut parleurs, la P88 a passé réellement la barre des 400 km/h/ La vitesse annoncée sera de 405 km/h mais il se murmurera vite qu’en fait, elle était de 407 km/h et ramenée à 405 simplement pour mieux communiquer sur la Peugeot 405 qui signe sa sortie des chaînes de fabrication… Le V6 PRV ne se remettra jamais de cet effort colossal et la P88 traînera sa misère jusqu’à l’abandon avant la mi-course. Mais pour les hommes de Welter, Le projet 400 justifie enfin son nom. Et il était temps. Car en 1989, une Sauber Mercedes, sans chercher purement l’exploit, claquait un 400 km/h lors des essais. Les Jaguar quant à elles, frôlaient les 390 km/h durant la course, régulièrement et non pas sur un seul passage. Et dès 1990, la ligne droite tronçonnée ne permettait plus ce genre d’exploit un peu fou.
1989, une fin plus que difficile…
Pour WM, 1988 aurait du être la dernière année de présence en Sarthe. La FIA imposant désormais de participer au Championnat du Monde dans son ensemble pour espérer prendre part aux 24 Heures du Mans, il n’est plus question pour Gérard Welter, Gérard Clabaux et Vincent Soulignac d’espérer amener leurs hommes et leurs autos dans la Sarthe. La « bonne » nouvelle arrive pourtant quelques jours à peine avant l’épreuve 1989 lorsque l’ACO annonce s’auto-exclure du Championnat suite à une embrouille avec la FIA qui aura sous peu de sacrées conséquences pour les Hunaudières… WM peut donc s’inviter en dernière minute. Bien que la participation soit imprévue, les deux P489 (nouvelles appellations) amenées dans la Sarthe ne sont pas restées sans évoluer. Les 400 km/h ayant été enfin atteints, on peut se concentrer sur l’objectif plus raisonnable du temps au tour. Les deux voitures sont remises dans la configuration de la P87 en 1988, lame avant longue et capot arrière plus court. Les suspensions arrières sont adaptées à des nouveaux pneus Michelin développés avant tout pour des Sauber Mercedes… qui ne courront finalement pas ! Les essais n’annoncent rien de bon. Un début d’incendie apparaît sur la n°52 le mercredi tandis que la n°51 brûle plus franchement le jeudi. Des pièces des deux voitures, on en fait une seule pour la course, basée sur la n°52.
La course est l’ultime calvaire des mécanos de WM. Tout y passe dès le début de course ou Amandine passe plus de temps aux stands qu’en piste. A tel point que l’on voit mal que la voiture pourrait espérer être classée. Réfection de la transmission, changement de la pompe à huile puis d’une soupape, de la pompe à eau, purge des freins, problème de roulement puis d’une fusée, c’est un défi de maintenir la WM en piste. Lorsque la mécanique se calme enfin un peu, c’est un pneu qui éclate dans les Hunaudières imposant une nouvelle réfection de l’auto… La fin du calvaire intervient peu après midi. Une bien triste image nous parvient sur les écrans géants. La belle blanche et verte part en flammes à l’approche d’Indy au cours d’une édition fournie en incendies. Pascal Pessiot doit s’immobiliser à l’extérieur du droite précédant Arnage. L’aventure WM au Mans est définitivement terminée. Gérard lui-même déclarera par la suite qu’il n’avait “pas de regrets concernant cette aventure WM hormis l’édition 1989, la dernière séance, dans une ambiance déplorable. Ce fut le combat de trop…”
Même si en 1990, l’épreuve s’exclue de nouveau du championnat du Monde, il n’y aura pas de come-back pour les hommes de Gérard Welter. Il faut dire qu’au titre de patron du style Peugeot, il est impliqué dans le dessin de la toute première Peugeot 905, celle qui représentera à nouveau dès 1991, la firme au lion au Mans pour la première fois depuis 1926 ! Il sera aussi amené à dessiner le petit spider 905 qui lui permettra de revenir sous peu. Mais pour une autre aventure… Reste cette folle épopée WM. Un truc de fous totalement impensable aujourd’hui ou les bénévoles sont traqués dans les équipes par les agents de l’URSSAF. Une histoire qui fut souvent difficile, connaissant bien plus souvent les affres de l’abandon que les joies du damier. Mais une histoire qui a certainement marqué durablement les membres de l’équipe navigués par ce capitaine de route qu’était Gérard Welter…
Nous remercions Christian Vignon et Luc Joly pour l’embellissement iconographique de cet article !