Hugues de Chaunac a vécu une édition 2017 des 24 Heures du Mans pour le moins agitée. Entre la désillusion chez Toyota Gazoo Racing et le succès incontesté de l’ORECA 07, le patron du Groupe ORECA a connu les larmes et le sourire. Une semaine après la classique mancelle, Hugues de Chaunac est revenu avec nous sur une épreuve qui restera dans les mémoires tout en évoquant le futur de l’endurance.
Quel est votre regard sur cette édition 2017 ?
“On peut dire qu’elle a marqué les esprits. Pour ma part, il y a une grosse déception du résultat des Toyota. Tous les ingrédients étaient réunis pour que tout fonctionne. Cependant, Le Mans reste Le Mans. La déception a été colossale durant la nuit.”
A contrario, les ORECA 07 ont déroulé avec deux autos sur le podium…
“C’est un très beau succès des châssis ORECA 07 en LM P2 et j’en retire beaucoup de fierté. C’est la récompense de tout le travail fourni. Aujourd’hui, la base du GTE est bonne mais il y a une Balance de Performance. Ce n’est pas le cas en LM P2, ce qui donne une catégorie réussie avec un moteur commun et un règlement technique identique pour tout le monde. Le nouveau règlement LM P2 est bon. ORECA a su bien interpréter ce règlement pour proposer une très bonne auto. Toute l’équipe a travaillé très dur pour concevoir cette 07.”
Le résultat final est tout de même inespéré ?
“Nous avions de sérieux concurrents face à nous avec Ligier et Dallara. Pour nous, c’était important de réussir. Quelqu’un chez ORECA avait fait le pari de voir une ORECA 07 sur le podium des 24 Heures du Mans, ce qui n’était pas mon cas. Avoir deux autos sur le podium va au-delà du meilleur rêve. Une ORECA 07 a mené les 24 Heures du Mans avant de se faire passer par une Porsche. Ce n’est pas rien… Au-delà du podium, c’est un succès d’ensemble de nos châssis. Tous les clients sont satisfaits de l’auto.”
La facilité de pilotage des nouvelles LM P2 semble ravir tout le monde…
“Les autos sont puissantes mais elles restent faciles à piloter. La vitesse est un faux problème. Les François Perrodo et Eric Trouillet en sont le parfait exemple. Les pilotes le disent eux-mêmes. Les pilotes professionnels prennent du plaisir, les gentlemen également.”
On attendait tout de même plus de soucis sur les autos, notamment au niveau de l’électronique…
“A la différence de la catégorie LM P1, aucune équipe n’avait bouclé un test de 24 heures. Notre premier test était au Mans même si Daytona avait donné une première idée du potentiel de l’auto mais les deux tracés sont tellement différents. On peut dire qu’on a serré les fesses. Nous avons appris un tas de choses qui vont nous servir pour l’avenir.”
De nouvelles équipes vont forcément s’intéresser au LM P2. C’est aussi votre avis ?
“On sent que le LM P2 est attractif pour de grosses équipes qui roulent en F2, F3 ou GT. Certaines pourraient changer de programme ou mettre en place un double programme. La performance des autos est un atout supplémentaire. Depuis Le Mans, nous avons eu pas mal de contacts pour l’avenir, dont des équipes qui ne sont pas dans la discipline. Maintenant, les équipes LM P2 ont compris qu’elles pouvaient gagner Le Mans. En 2018, l’ORECA 07 sera encore plus fiable. Si une LM P1 hybride a un souci, il y a une fenêtre pour l’emporter.”
Êtes-vous confiant sur l’avenir du LM P1 non hybride ?
“Il faut que la FIA et l’ACO précisent rapidement la donnée motorisation. Je reste prudent car il ne s’agit pas d’avoir des LM P1 non hybrides qui coûtent le double d’une LM P2. ORECA regarde ce qui peut se faire en LM P1 non hybride, d’autant plus avec ce qui peut se passer en LM P1 hybride. Cependant, tout n’est pas encore clair sur le LM P1 non hybride. La logique voudrait qu’on puisse partir d’une LM P2.”
Il va aussi se poser la question sur le plus long terme de la catégorie prototype reine…
“J’ai de très bons échanges constructifs avec l’ACO qui je le pense regarde à 360° ce qui se passe dans le monde. L’édition 2017 doit pousser à se poser la question de savoir jusqu’où doit aller la technologie. On a atteint un niveau incroyable mais est-ce que c’est ce qu’attend le spectateur ? Ce qu’il veut, c’est de la bagarre, du bruit et des autos fiables. Les progrès réalisés sur le plan technologique sont fantastiques mais je ne suis pas convaincu que cela réponde à l’attente des fans. Il faut voir l’attente du consommateur et notre consommateur c’est le spectateur. Il faut simplifier les choses pour réduire les coûts. Le sport auto est trop inflationniste. Réduire les coûts est la seule façon d’attirer de nouveaux constructeurs et partenaires.”
Avoir une vision sur le long terme est primordial ?
“Il faut savoir que le développement technologique ne va pas dans le sens de l’économie. Le Mans a besoin de grands constructeurs. Il faut revenir à une technologie qui demande un budget raisonnable avec la même fiabilité qu’il y a dix ans. Il ne faut surtout pas arriver à un budget de Formule 1. Aujourd’hui, il faut une vision en disant voilà où on va et comment on va y aller. L’arrivée de Chase Carey à la tête de la Formule 1 indique clairement la vision de la F1 pour l’avenir. Le consommateur est au coeur des choses.”
La catégorie LM P2 va dans le bon sens sur un plan budgétaire ?
“Le LM P2 est arrivé au maximum de ce que les équipes peuvent encaisser financièrement. Il faut même tout faire pour réduire les coûts. La voiture n’est pas ce qui coûte le plus cher sachant qu’elle peut être utilisée quatre ans. Il faut regarder ce qui fait monter les prix.”
Compte tenu du succès de l’ORECA 07, n’y a-t-il pas un risque d’étouffer la concurrence ?
“Il y a forcément un risque mais j’aime la concurrence. C’est le choix des équipes, pas le mien. Le règlement LM P2 prévoit un joker si un constructeur est en-dessous sur le plan de la performance ou de la fiabilité. Chacun peut l’utiliser et personne n’a fait usage de ce joker. Je ne peux pas nier que nous sommes dans une situation favorable.”
Le dossier DPi avance ?
“Je suis avec David (Floury) en fin de semaine à Watkins Glen pour continuer les discussions qui avancent bien pour 2018.”